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13 décembre 2016

proposition d’exclusion de la psychanalyse rejetée à l’Assemblée Nationale

autisme et psychanalyse : l'intégrale du débat

par Philippe Grauer

autisme – discussion de la proposition de résolution du député Daniel Fasquelle visant à éliminer la psychanalyse


autisme et psychanalyse : l'intégrale du débat

Le Pr. Abelhauser, successeur de Roland Gori à la tête de l’imprononçable SIUEERPP, nous mande : Vous le savez, bien sûr : la proposition de résolution du député Fasquelle sur la prise en charge de l’autisme (et l’interdiction de la psychanalyse dans cette prise en charge) a été nettement et clairement rejetée jeudi dernier à l’Assemblée Nationale.
Plusieurs articles en ont fait état depuis, mais le verbatim des propos et arguments —même s’il est très long —est irremplaçable et vaut vraiment la peine d’être lu en son entier.
Il me paraît de ce point de vue lourd de sens de voir combien l’autisme, de question psychique, sociale, voire économique, est aussi devenue une question proprement politique.
Combien la passion de certains législateurs peut devenir celle d’interdire et de proscrire — et singulièrement dès qu’il s’agit de psychanalyse ! Et combien il importe alors que d’autres législateurs sachent raison garder (j’insiste sur ces termes).
Et combien, enfin (si vous me permettez cette formule), au-delà du monde de l’autisme comme tel, c’est aussi "l’autisme du monde" qui, en définitive, regarde la psychanalyse."

pas d’intervention du législateur en matière d’options scientifiques

La psychothérapie relationnelle a pris sa part de la bataille pétitionnaire impulsée par la FFPP pour soutenir la psychanalyse menacée d’interdiction dans les hôpitaux en matière d’autisme. Des enseignants et étudiants de notre école ont signé. Intégratifs et multiréférentiels de conviction, ils ont considéré que l’exclusion par le législateur d’une option scientifique en matière de sciences humaines serait de nature à nuire gravement à la santé de la démocratie.

la psychanalyse au bénéfice d’inventaire

Certes des psychiatres-psychanalystes et psychologues-psychanalystes, ne se sont pas privés par le passé en matière d’autisme de soutenir des théorisations dogmatisantes désolantes sur les mères d’autistes pour ne prendre que cet exemple, et Serge Tisseron a su rappeler que la psychanalyse en France avait tout intérêt à procéder à un inventaire critique de ses pratiques sur un bon demi siècle.

nécessaire collaboration

Ceci posé, du côté méthodes inspirées du comportementalisme ça n’est pas non plus blanc comme neige. Et la façon dont des parents d’enfants autistes (très diversement autistes, il s’agit de catégories différentes) se sont lancés dans la bataille scientifique sans l’appui de la qualification équanime de professionnels ne relevant pas de la catégorie inquiétante des surexcités de la Méthode, il n’est pas si aisé de discerner. En une situation où tous, comme le rappelle le Pr. Delion, devraient collaborer (vive la multiréférentialité), car dans cette recherche et cette clinique on a besoin de la collaboration de tous. D’autant que les psychanalystes contemporains ont abandonné les critères que mentionne le député Fasquelle, précisément.

le prix de l’aveuglement des psychanalystes

L’arrière plan est politique. Les psychanalystes (attention : tous psychologues et psychiatres au demeurant) ont été ravis le jour de l’ouverture de la chasse aux charlatans (à l’exception notable de la Cause freudienne et d’Élisabeth Roudinesco) de tirer à boulets rouges sur nos psychothérapeutes d’alors. Inconscients qu’ils étaient en train de mettre la main au dispositif destiné à les abattre eux, selon l’analyse que judicieusement soutenait Élisabeth Roudinesco.

C’est ce qui arrive maintenant, voici leur tour venu. Nous nous y opposerons avec la dernière énergie. Seule l’unité des deux disciplines de la dynamique de subjectivation, psychanalyse et psychothérapie relationnelle, sauvera la perspective humaniste dont à besoin le public pour faire face à la médicalisation de l’existence que nous dénonçons avec Roland Gori.

ceci n’est qu’une entrée en matière

Cette fois nous l’avons emporté. Ne vous inquiétez pas ils reviendront à la charge. Préparons-nous à continuer de résister aux Fasquelle et compagnie. Tout le monde a bien le droit d’avoir des convictions et de lutter pour elles. Prenez le temps de lire ce document et d’en profiter pour réfléchir. Faites-vous votre opinion. Plus que les réponses ce sont les questions qui comptent, et les questionnements. Voyez comment vous vous situez vous !

travaux pratiques

Nous aurons l’occasion d’y revenir. Une école comme la nôtre c’est un lieu où l’on pense la clinique. Profitez-en. Une bataille idéologique et scientifique se livre sous vos yeux. Quand on n’y connaît rien on n’y voit que du feu. Ce débat est lisible à la lumière du savoir que notre formation délivre. Si vous n’êtes pas déjà éclairé, vous risquez de vous y perdre. Nos étudiants pourront eux y entraîner leur discernement. Bonne lecture à ceux qui y trouveront matière à réflexion.


à l’Assemblée Nationale

Prise en charge de l’autisme – Discussion d’une proposition de résolution


le président. L’ordre du jour appelle la discussion, en application de l’article 34-1 de la Constitution, de la proposition de résolution de M. Daniel Fasquelle et plusieurs de ses collègues invitant le Gouvernement à promouvoir une prise en charge de l’autisme basée sur les recommandations de la Haute Autorité de santé (n4134 rectifié).

Discussion générale

  1. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Daniel Fasquelle.
  2. Daniel Fasquelle. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion, mes chers collègues, en matière de prise en charge de l’autisme, les méthodes éducatives, comportementales et développementales sont mises en œuvre depuis des décennies dans la plupart des pays occidentaux. Avec plus de trente ans de recul en Amérique du Nord et en Scandinavie notamment, on sait que les personnes avec autisme ayant bénéficié de ces modes d’accompagnement sont plus autonomes, moins médicamentées et plus intégrées dans la société que celles qui en ont été privées. En 2006, déjà, une étude menée au Canada, en Ontario, montrait qu’une intervention intensive et précoce adaptée permettait de ramener la part des autistes dépendants de 50 % à 20 %.

Deux chiffres significatifs et incontestables méritent d’être retenus. Plus de 75 % des enfants bénéficiant d’une intervention comportementale précoce et intensive passent le cap du langage. Par ailleurs, 80 % des enfants ayant suivi un entraînement intensif par la méthode ABA – Applied Behavior Analysis, analyse appliquée du comportement – deux années de suite, vers l’âge de trois ou quatre ans, suivent ensuite un cursus scolaire normal.

  1. Gérard Sebaoun. C’est faux !
  2. Daniel Fasquelle. Ces approches vont bien sûr de pair avec la scolarisation des enfants autistes qui, avec les dispositifs appropriés d’accompagnement mais aussi d’adaptation des apprentissages, devient désormais le modèle de référence.

Selon le Conseil de l’Europe, entre 90 % et 100 % des enfants autistes vont à l’école en Italie, en Espagne, en Suède ou en Angleterre. En France, pourtant, plus de 70 % des enfants autistes ne sont toujours pas scolarisés. Alors que les méthodes éducatives et comportementales se sont imposées partout dans le monde, de nombreuses familles françaises ne trouvent pas de solution satisfaisante dans notre pays et sont obligées de se rendre à l’étranger, notamment en Belgique. En tant que député du Pas-de-Calais, dans les Hauts-de-France, je suis bien placé pour le savoir. Comment accepter cette situation ? Comment tolérer plus longtemps pareil retard de notre pays dans le traitement de l’autisme, qui touche 600 000 personnes et concerne désormais une naissance sur cent ?

Pourtant, en 2010, la Haute Autorité de santé s’était enfin alignée sur les autres pays occidentaux concernant la définition de ce handicap, expliquant que l’autisme n’était pas une psychose due à une relation dégradée entre la mère et son enfant, mais bien un trouble neuro-développemental. En 2012, cette autorité indépendante, la plus haute instance d’évaluation des pratiques médicales en France, recommandait enfin, à l’instar des autres pays, l’application des méthodes comportementales, éducatives et développementales pour accompagner les enfants et adolescents avec autisme. Ces préconisations s’appuyaient sur pas moins de 577 études scientifiques publiées.

Alors que le Gouvernement avait déclaré l’autisme « grande cause nationale » en 2012, ces avancées devaient marquer un tournant dans la prise en charge de l’autisme. Ces recommandations ont alors fait naître un grand espoir. Les enfants autistes allaient enfin être bien traités, la France ne serait désormais plus condamnée ni montrée du doigt par les plus hautes instances nationales et internationales.

Malheureusement, force est de constater que quatre ans plus tard, les choses n’ont que très peu évolué sur le terrain. Jugez par vous-mêmes : 77 % des enfants autistes n’ont pas accès du tout, ou seulement de manière partielle, à une éducation adaptée à leurs besoins et conforme aux recommandations de la Haute Autorité de santé. Parmi ceux qui y ont accès, 70 % doivent en supporter une large part financière. L’incompréhension des familles est donc de plus en plus grande – la colère aussi.

Je parle d’incompréhension, car la majeure partie des professionnels de santé concernés refusent de se conformer aux approches recommandées par la Haute Autorité de santé.

  1. Nicolas Dhuicq. Mais non !
  2. Daniel Fasquelle. Considérant que ces recommandations ne constituent pas une obligation de prescription,…
  3. Nicolas Dhuicq. Heureusement !
  4. Daniel Fasquelle. …les principales instances de la psychiatrie française, d’obédience psychanalytique, refusent ouvertement de les appliquer en se réfugiant derrière la liberté de prescription et le libre choix du patient. Mais, mes chers collègues, où est le libre choix du patient quand seules les familles qui en ont les moyens ont accès aux traitements de leur choix ?

Mme Chantal Guittet. C’est faux !

  1. Daniel Fasquelle. Que signifie la liberté de prescription quand le professionnel doit choisir entre un traitement dont l’efficacité est scientifiquement prouvée et un traitement dont on n’a jamais démontré l’efficacité ?

La France dispose d’autorités indépendantes permettant d’éclairer les choix et décisions en matière de politiques publiques. Il en est ainsi de la Haute Autorité de santé qui, en 2012, a clairement recommandé les pratiques éducatives et comportementales.

Il est donc temps, et même urgent, de tourner la page. Il faut en finir avec la vision archaïque et culpabilisante que les psychanalystes ont de l’autisme, à l’image de la description qu’en faisait Charles Melman, président de la puissante Association lacanienne internationale, dans les médias : « Le bébé autiste a souffert d’une chose très simple. Sa maman, qui peut être fort aimante au demeurant, n’a pas pu transmettre le sentiment du cadeau qu’il était pour elle. » Rendez-vous compte de la violence de tels propos ! Les familles nous ont fait parvenir des témoignages invraisemblables !

Une tribune parue il y a quelques jours dans Le Monde, signée par vingt-cinq professionnels de l’autisme dont le Professeur Thomas Bourgeron, membre de l’Académie des sciences, et le Professeur Marion Leboyer a réaffirmé ceci : « Nous, médecins, chercheurs ou professeurs d’université en psychiatrie, en neurologie, en neurosciences, en génétique, en physiologie, en psychologie, en immunologie ou en imagerie médicale, en appelons au choix résolu d’une médecine fondée sur les preuves, qui a permis de si grands progrès dans la prise en charge de nombre de maladies ou handicaps. »

Je veux, à ce moment de mon intervention, tordre le cou à une idée fausse que certains répandent dans le but évident de dénaturer et de nuire à cette proposition de résolution. Des pétitions circulent en effet, laissant entendre que ce texte créerait un régime exceptionnel qui pourrait menacer la liberté des professionnels dans d’autres disciplines. Il n’en a bien évidemment jamais été question. C’est même tout l’inverse ! Ce texte vise à appliquer enfin en matière d’autisme ce que l’on applique depuis longtemps dans tous les autres domaines, en demandant aux professionnels d’accepter de se remettre en cause,…

Mme Chantal Guittet. Vous êtes mal placé pour dire cela !

  1. Daniel Fasquelle. …d’abandonner les traitements inefficaces et même dangereux et maltraitants, pour s’ouvrir aux méthodes dont j’ai pu mesurer personnellement l’efficacité dans ma ville du Touquet-Paris-Plage. J’y ai soutenu des familles qui ont créé une association parentale et ont aujourd’hui accès aux méthodes comportementales, éducatives et développementales grâce à des dons et à des bénévoles encadrés par quelques professionnels. Ce système fonctionne avec des bouts de ficelle. C’est inadmissible, alors que l’on propose par ailleurs de rembourser des prises en charge dont on sait qu’elles ne sont malheureusement pas efficaces !

Pourquoi le chemin qui a été parcouru partout dans le monde et dans toutes les disciplines ne serait-il pas suivi en France pour l’autisme ? C’est cette question, et cette seule question, que la présente proposition de résolution entend trancher avec courage et lucidité, en s’affranchissant des lobbies qui ne veulent rien changer et qui sont à l’œuvre depuis quelques jours, ne reculant devant aucun moyen, y compris en prenant en otage des familles que l’on fait écrire aux députés pour essayer de les détourner de la vérité. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Mme Chantal Guittet. Arrêtez ! Il ne faut pas caricaturer le débat !

  1. Daniel Fasquelle. La France a vécu avec effroi les scandales sanitaires du Mediator et du sang contaminé. Nous vivons ici, en France, en 2016, une crise sanitaire d’une ampleur inégalée.

Mme Marylise Lebranchu. Non !

  1. Daniel Fasquelle. À titre d’exemple, 10 000 enfants sont enfermés dans les hôpitaux de jour – les chiffres viennent de votre ministère, madame la secrétaire d’État. L’ONU s’en offusque, le Conseil de l’Europe nous a condamnés cinq fois pour mauvais traitements, et le Comité consultatif national d’éthique parle bien de maltraitance. La place de ces 10 000 enfants est à l’école, et je ne parle pas des 70 000 autres qui ne se trouvent pas dans une situation plus enviable au sein d’établissements non adaptés ou qui attendent chez eux sans solution.

Je ne peux pas dire que les gouvernements successifs n’ont pas agi. Cependant, malgré les trois plans « Autisme », malgré toute votre bonne volonté que je ne remets absolument pas en cause, madame la secrétaire d’État, et les déclarations courageuses qui ont été les vôtres, la situation n’a malheureusement pas évolué suffisamment rapidement sur le terrain, comme le dénonce un récent rapport de l’Inspection générale des affaires sociales, l’IGAS.

Contrairement à ce que j’ai lu, il est du rôle du Parlement de défendre les victimes de mauvaises pratiques en réaffirmant les valeurs défendues par la représentation nationale. Ce n’est en rien totalitaire ! Au contraire, il est de notre responsabilité d’interdire un soin inadapté et dangereux. D’ailleurs, dans le cadre du dernier projet de financement de la Sécurité sociale, plusieurs députés de gauche ont défendu un amendement visant à suspendre la pratique du packing. Notre action est juste, et je vous invite à voter cette proposition de résolution pour que les personnes autistes soient enfin protégées. L’enjeu est capital : il s’agit de leur offrir une véritable perspective de vie, digne et heureuse.

Que les choses soient claires : nous ne menons pas un combat contre la psychanalyse.

  1. Denys Robiliard. Bien sûr que si !
  2. Daniel Fasquelle. Si certains veulent y avoir recours, sur leurs deniers personnels, c’est leur problème.
  3. Gérard Sebaoun. Enfin, votre combat contre les psychanalystes est évident !
  4. Daniel Fasquelle. Bien sûr que non… Il est trop facile de caricaturer notre position !

Mme Chantal Guittet. Il suffit de lire votre texte !

  1. Daniel Fasquelle. On voit bien les manipulations dont nous sommes l’objet depuis quelques jours…

Mme Catherine Lemorton. Parce que vous, vous n’êtes pas manipulé ?

  1. Daniel Fasquelle. Restons lucides, et voyons les choses telles qu’elles sont.Avec les familles, je demande que l’ensemble des moyens d’État soient affectés exclusivement aux traitements dont l’efficacité a été scientifiquement prouvée, et que l’on cesse d’induire les familles en erreur et de leur imposer des traitements dont elles ne veulent pas.

Il y a urgence. Nous ne pouvons plus accepter l’enfermement des personnes autistes dans les hôpitaux, régulièrement dénoncé par l’IGAS, les suicides de mères d’enfants autistes qui ne voient plus aucune issue, les agressions d’enfants autistes dans les écoles… N’attendons pas un procès de grande ampleur intenté par les familles pour agir et nous entendre dire dans quelques mois, comme pour le Mediator ou l’amiante : « Nous le savions. Pourquoi n’avons-nous rien fait ? »

Un député canadien papa d’un enfant autiste, que je recevais il y a un an à l’Assemblée nationale, me disait, après s’être renseigné sur la façon dont on traite les enfants autistes dans notre pays : « La France, c’est le Moyen Âge. » Sortons aujourd’hui du Moyen Âge dans le traitement de l’autisme et entrons enfin de plain-pied, avec vous, dans le nouveau siècle ! Redonnons espoir aux familles !

  1. Jacques Bompard. Très bien !
  2. le président. La parole est à M. Meyer Habib.
  3. Meyer Habib. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, c’est avec beaucoup de gravité que nous examinons aujourd’hui la proposition de résolution déposée par nos collègues du groupe Les Républicains.

Les maladies mentales en général et l’autisme en particulier posent souvent des questions difficiles sur des sujets tabous qui ont été trop longtemps confinés au cercle familial. Le plus souvent, les familles effondrées ne savaient pas mettre un nom sur ce qui n’allait pas chez leur enfant, tandis que l’État et la puissance publique fermaient les yeux.

Pour l’instant, hélas, l’autisme n’est pas un trouble dont on peut guérir, mais bien une maladie invalidante avec laquelle on apprend à vivre. Cette phrase lourde de sens nous permet de ne pas oublier que les enfants détectés autistes deviennent ensuite des adultes, avec autant, sinon plus, de difficultés à s’intégrer. La responsabilité collective de leur prise en charge se pose donc.

Heureusement, depuis près de dix ans, le traitement des personnes souffrant d’autisme a fait d’indéniables progrès en France. Il aura d’abord fallu attendre la loi Chossy pour assurer une prise en charge mieux adaptée aux personnes autistes et reconnaître officiellement l’autisme comme un handicap, puis le lancement de plans successifs pour améliorer la prise en charge des personnes autistes. L’attribution du label « grande cause nationale » à l’autisme en 2012 a ensuite permis de lui donner une visibilité, tant institutionnelle que médiatique.

Malgré ces avancées, la prise en charge des maladies mentales en général et de l’autisme en particulier reste encore très défaillante dans notre pays. Les témoignages des familles sont glaçants et racontent souvent le même parcours, marqué par des défauts d’accompagnement et un sentiment de grande solitude. Il est temps de définir des priorités de prise en charge et de soutien aux familles.

Au sein du groupe UDI, nous estimons en premier lieu que les difficultés rencontrées par les familles pour obtenir un diagnostic ne doivent plus exister. Le récent rapport de l’IGAS sur le fonctionnement des centres ressources autisme, ces centres experts régionaux qui assurent notamment le diagnostic des troubles autistiques, est très sévère et appelle de nouvelles réponses.

La mission confirme d’abord le manque de statistiques pertinentes en France dans le domaine de l’autisme, notamment sur le nombre de personnes concernées. La proposition de résolution évoque 600 000 autistes en France, tandis que l’INSERM recense entre 300 000 et 500 000 personnes atteintes d’un trouble envahissant du développement, dont 60 000 personnes autistes. Sur un sujet aussi grave, il nous faudrait au minimum une information chiffrée la plus complète possible.

L’évaluation de l’IGAS démontre ensuite l’hétérogénéité du fonctionnement des CRA – centres de ressources autisme – avec des disparités concernant la formation des spécialistes. Nous sommes bien conscients que le diagnostic et le bilan précédant la découverte de l’autisme nécessitent les compétences de plusieurs types de professionnels, le recours à des échelles d’évaluation, et que cela occasionne des délais.

Néanmoins, nous estimons qu’il s’écoule beaucoup trop de temps entre la demande et la restitution du bilan, puisque le rapport de l’IGAS évoque en moyenne plus d’un an. Il nous faudrait accélérer cette détection, d’autant plus qu’une intervention précoce sur le développement d’enfants atteints de troubles autistiques améliore non seulement les compétences sociales, mais améliore aussi leur activité cérébrale.

Enfin, n’oublions jamais que derrière l’attente du résultat, il y a le désarroi des familles en souffrance. Notre devoir absolu est de penser d’abord à elles. Pour ces raisons, j’ai proposé au Président de la République, en octobre 2016, de soutenir le projet de la Fondation FondaMental, présidée par David de Rothschild, consistant à créer l’Institut de médecine personnalisée en psychiatrie, porté par le Professeur Marion Leboyer, éminente psychiatre et généticienne.

L’Institut FondaMental aura pour missions notamment de découvrir des biomarqueurs permettant un diagnostic précis et le plus tôt possible ; de mettre en œuvre une médecine personnalisée en psychiatrie, avec des parcours-patient interdisciplinaires, dans une structure adaptée ; de proposer un suivi personnalisé hors de l’hôpital grâce aux outils d’e-santé, pour un accompagnement du patient et des familles sur le long terme.

C’est en effet souvent le manque criant de moyens financiers et de structures adaptées qui contraint ensuite ces mêmes familles d’enfants handicapés, et notamment autistes, à se tourner vers des établissements en Belgique.

En octobre 2015, suite à la mobilisation de nombreux parlementaires sur ces bancs, le Gouvernement a finalement annoncé un fonds d’amorçage de 15 millions d’euros pour stopper ces départs et améliorer la prise en charge de proximité, mais les moyens manquent encore pour soutenir les initiatives locales. Je profite d’ailleurs de ce texte, madame la secrétaire d’État, pour vous demander quel est le premier bilan de ce fonds un an après sa mise en place.

S’agissant à présent du contenu de la proposition de résolution, nous avons pris connaissance des critiques dont fait l’objet ce texte. Aussi tenons-nous, nous aussi, à souligner que nous n’entendons nullement remettre en cause le travail remarquable accompli par les praticiens engagés dans le traitement de cette pathologie.

Soyez assurés que la mise en œuvre de bonnes pratiques ne doit pas conduire in fine à une forme d’ingérence dans la pratique quotidienne des professionnels. En 2012, la Haute Autorité de santé, autorité indépendante, avait déclaré dans ses recommandations de bonnes pratiques sur l’autisme et les troubles envahissants du développement chez l’enfant et l’adolescent que la psychanalyse est une pratique non consensuelle.

Dans le même temps, la Haute Autorité de santé a affirmé son opposition à l’utilisation de la pratique du packing, en dehors des protocoles de recherche autorisés, respectant la totalité des conditions définies par le Haut Conseil de la santé publique. Nous reconnaissons ces recommandations, mais devant la complexité du sujet, nous regrettons que cette proposition de résolution n’ait pas été davantage précédée d’une concertation avec l’ensemble des professionnels de santé et des associations de familles.

Seules la pluralité et la confrontation des points de vue sont garantes, selon nous, d’une prise en compte globale de ce handicap. Nous estimons par ailleurs que les démarches préconisées par la Haute Autorité de santé ne sont pas applicables uniformément et dépendent en priorité du contact entre le professionnel de santé et son patient.

Les troubles du spectre autistique sont complexes et variés, et le médecin doit garder sa liberté de prescription afin d’adapter son traitement à chaque patient, en n’excluant aucun type de prise en charge. Enfin, nous considérons qu’au-delà du traitement médical, il est important que le regard sur l’autisme change.

Aujourd’hui, les personnes atteintes de ce handicap subissent une discrimination quotidienne : peu ont accès à l’école, aux loisirs, au travail ou aux mêmes droits que les autres en général.

En France, les associations estiment qu’à peine 20 % des enfants et adolescents autistes sont scolarisés en milieu ordinaire. Alors que cette situation a été dénoncée par le Conseil de l’Europe, d’immenses progrès doivent être accomplis chez nous et accompagnés par la puissance publique. Des expériences concluantes dans plusieurs territoires doivent nous encourager à une meilleure inclusion. Je pense notamment à l’insertion des personnes autistes par le travail grâce à un accompagnement éducatif et social et à un hébergement.

Mes chers collègues, bien que nous soutenions l’objectif poursuivi par les auteurs de la proposition de résolution, nous ne souhaitons pas qu’il y ait une quelconque interférence politique dans le contenu des soins et à ce titre, nous ne la voterons pas.

Avant de rendre la parole, permettez-moi de dire quelques mots encore plus généraux sur la politique de santé mentale, laquelle reste le parent pauvre de notre politique de santé. Je vous rappelle que 2 % seulement du budget de la recherche biomédicale sont consacrés à la psychiatrie, alors qu’on estime que les maladies mentales concernent près d’un Français sur cinq et sont à l’origine de près de 12 000 suicides par an et plus de 220 000 tentatives. Commençant très tôt chez les jeunes adultes, entre quinze et vingt-cinq ans, et même avant trois ans pour l’autisme, elles nécessitent une approche intégrée et inscrite dans la durée. Si le coût socio-économique – 109 milliards d’euros par an ! – révèle par lui-même l’ampleur du défi, il ne rend pas compte de la souffrance des patients et de leurs proches en proie à une très grande solitude, une stigmatisation persistante et, souvent, une profonde détresse psychologique.

Il faut agir vite. C’est pourquoi j’appelle à une réflexion commune sur la mise en place, peut-être, d’un groupe d’études à l’Assemblée nationale sur les maladies psychiatriques.

  1. le président. La parole est à M. Gérard Charasse.
  2. Gérard Charasse. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, l’article unique de cette proposition de résolution dont nous débattons aujourd’hui dans le cadre de la niche parlementaire de nos collègues députés Les Républicains contient seize alinéas afin d’encourager le Gouvernement « à agir dans le sens des conclusions de la Haute Autorité de santé – HAS – afin de promouvoir une prise en charge effective de l’autisme dans le respect des droits fondamentaux des personnes qui en sont atteintes ».

Cette résolution propose également d’« actualiser d’urgence le contenu de toutes les formations des filières professionnelles et académiques intervenant auprès des personnes autistes afin de les mettre en conformité avec l’état de la science internationale » ; de prendre des mesures afin que seuls les thérapies et les programmes éducatifs qui sont conformes aux recommandations formulées par la Haute Autorité de santé en 2012 soient autorisés et remboursés. Celles-ci visent notamment à interdire le packing sur les personnes autistes, le packing étant une technique de traitement consistant à imbiber des linges d’eau froide et à en envelopper les personnes autistes pendant une période de temps plus ou moins longue. Pour plusieurs associations notamment, cette technique est considérée comme de la torture. Le groupe des Radicaux de Gauche et apparentés est évidemment opposé à cette technique du packing.

De plus, la proposition de résolution invite également le Gouvernement « à faire systématiquement engager la responsabilité pénale des professionnels de santé qui s’opposent aux avancées scientifiques et commettent des erreurs médicales en matière d’autisme conformément à l’article L. 1142-1 du code de santé publique. »

Enfin, cette proposition de résolution invite le Gouvernement à condamner et « interdire les pratiques psychanalytiques sous toutes leurs formes, dans la prise en charge de l’autisme ». En effet, l’approche psychanalytique n’est pas recommandée par la Haute Autorité de santé, qui a donné en mars 2012 ses recommandations sur le sujet. Elle avait conclu que « l’absence de données sur leur efficacité et sur la divergence des avis exprimés ne permet pas de conclure à la pertinence des interventions fondées sur les approches psychanalytiques ».

L’approche psychanalytique de l’autisme n’est pas recommandée à proprement parler ; elle est classée par la Haute Autorité de santé dans les « interventions globales non consensuelles ». Par ailleurs, il n’existe pas à ce jour, semble-t-il, de publications scientifiques validant cette approche, puisque la psychanalyse ne se réclame pas d’une science basée sur des preuves.

Dans le débat d’aujourd’hui s’opposent deux écoles. À la pratique de l’approche psychanalytique, ses détracteurs préfèrent l’approche dite « comportementale ».

Dans ce cas, le professionnel de santé sollicite la personne autiste en lui apprenant par exemple à imiter, à faire des demandes, en partant généralement de ses motivations. Cette manière d’apprendre va permettre alors à l’enfant de communiquer par association d’idées et d’objets afin de se faire comprendre, cette approche comportementale étant souvent exercée par un orthophoniste spécialisé.

Cette proposition de résolution a le mérite de pouvoir mettre en avant ce que cette majorité a mis en place au niveau des politiques publiques de santé dans le cadre de l’autisme. Dès le début de l’action gouvernementale, à savoir le 18 juillet 2012, notre collègue Marie-Arlette Carlotti, alors ministre déléguée aux personnes handicapées et à la lutte contre l’exclusion, a annoncé un troisième Plan Autisme. Ce troisième plan, 2013-2017, a été présenté en Conseil des ministres le 2 mai 2013. Il était accompagné d’un budget spécifique de 205 millions d’euros, dont 195 millions pour le secteur médico-social.

Ce plan contenait trente-sept fiches actions, structurées autour de cinq axes : diagnostiquer et intervenir précocement, accompagner tout au long de la vie les personnes autistes, et parallèlement soutenir les familles et les proches, poursuivre les efforts de recherche afin de former l’ensemble des acteurs. Le rapport d’étape de mai 2013 à avril 2016, un document de vingt-six pages, témoigne des larges avancées réalisées depuis 2013 par cette majorité.

Pour autant, le Gouvernement continue son action, et c’est le 30 novembre dernier que le site « autisme.gouv.fr » a été lancé à la demande du Président de la République afin de diffuser des informations objectives à destination de nos concitoyens, informations portant sur l’autisme, ses réalités, mais également ses diagnostics et les formes d’accompagnement.

Et c’est le 2 décembre dernier que Mme la secrétaire d’État a annoncé la mise en place d’un quatrième Plan Autisme, afin que tout soit prêt pour le prochain PLFSS 2018. Comme il est précisé sur le site du ministère des affaires sociales et de la santé, « ce quatrième Plan assurera bien sûr l’application des recommandations de bonnes pratiques de la Haute Autorité de santé dans toutes les prises en charge de l’autisme. »

Enfin, le problème qui revient fréquemment dans nos débats est celui du packing, problématique visée par l’alinéa 14 de la proposition de résolution. Comme je l’ai indiqué tout à l’heure, le groupe des Radicaux de Gauche et apparentés est opposé à cette pratique.

  1. Daniel Fasquelle. Très bien.
  2. Gérard Charasse. En revanche, la proposition, dans son dernier alinéa, « invite le Gouvernement français à fermement condamner et interdire les pratiques psychanalytiques sous toutes leurs formes, dans la prise en charge de l’autisme car n’étant pas recommandées par la HAS ».

Sur ce sujet, nous émettons un doute. En effet, les cas d’autisme sont très variés et se rapportent, pour chacun d’entre eux, à chaque personne individuellement concernée.

  1. Daniel Fasquelle. En effet.
  2. Gérard Charasse. Dès lors, il ne nous semble pas pertinent d’interdire toutes les pratiques psychanalytiques concernant l’autisme. En effet, il se peut même que pour l’entourage d’une personne autiste, certaines pratiques psychanalytiques soient utiles pour une meilleure compréhension et appréhension de l’autisme.

Malheureusement cette proposition de résolution n’a pas été discutée en commission, puisque notre règlement ne le permet pas, non plus qu’il ne permet de l’amender.

  1. Daniel Fasquelle. C’est dommage !
  2. Gérard Charasse. Si nous avions pu déposer des amendements, nous l’aurions fait, dans l’optique de voter le texte ; mais puisque ce n’est pas possible, le groupe des radicaux de gauche et apparentés soutient, tout en condamnant unanimement la méthode et la pratique du packing, l’action passée et présente du Gouvernement dans la prise en charge de l’autisme, action qui fait écho à la plupart des dispositions de cette proposition de résolution. Le Gouvernement ayant systématiquement pris, s’agissant de l’autisme, des décisions qui vont dans le sens des préconisations de la HAS, le groupe des radicaux de gauche et apparentés s’abstiendra sur ce texte.
  3. Daniel Fasquelle. Très bien !
  4. le président. La parole est à M. François Asensi.
  5. François Asensi. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de résolution du groupe Les Républicains que nous examinons aujourd’hui vise à rendre opposables les recommandations de bonne pratique de la Haute Autorité de santé relativement à la prise en charge de l’autisme. Sous couvert d’apporter une vérité scientifique, ce texte a pour principal objectif d’interdire, à terme, l’approche psychanalytique dans le suivi des enfants atteints d’autisme, et ce au profit des théories comportementales. Les députés du Front de gauche y sont fermement opposés.

Loin de clarifier les débats actuels sur cette maladie, la proposition de résolution qui nous soumise est dangereuse.

  1. Daniel Fasquelle. Pourquoi dangereuse ? Ce qui est dangereux, c’est ce que l’on fait en France depuis trente ans !
  2. François Asensi. Ce texte procède clairement à un détournement des recommandations de la Haute Autorité de santé en matière de prise en charge de l’autisme,…
  3. Nicolas Dhuicq. Tout à fait !
  4. François Asensi. …tout d’abord en transformant de simples recommandations en injonctions dotées d’une force juridique contraignante ; ensuite en affirmant que les méthodes recommandées sont validées scientifiquement alors qu’il n’existe aujourd’hui aucun consensus entre les experts médicaux ;…
  5. Daniel Fasquelle. C’est faux !
  6. François Asensi. …enfin, en prétendant que la psychanalyse figurerait sur la liste des méthodes « non recommandées ». Il s’agit là d’une contre-vérité, puisque la Haute Autorité de santé a toujours pris soin de classer l’approche psychanalytique dans la liste des méthodes « non consensuelles », non dans celle des méthodes « non recommandées ».

Mais, au-delà, cette résolution s’inscrit dans la controverse dont fait l’objet la psychanalyse, dont les apports ne sont pourtant plus à démontrer. Chacun le sait, les débats autour de l’autisme sont d’une extrême complexité. La définition de la maladie, comme les méthodes pour la traiter, font depuis longtemps l’objet d’intenses discussions entre spécialistes. Le seul point de consensus dans la littérature scientifique est justement que les traitements considérés comme « recommandés », à savoir les thérapies dites « comportementales », connaissent autant d’échecs que de réussites.

Or, si cette résolution était adoptée, les autistes ne pourraient plus bénéficier des pratiques psychothérapeutiques, c’est-à-dire les thérapies par la parole ou les thérapies de groupe, comme les psychodrames, l’équithérapie, voire l’art-thérapie. Comment prétendre imposer une vérité scientifique alors que les experts médicaux sont eux-mêmes divisés ?

  1. Daniel Fasquelle. Non, c’est faux !
  2. François Asensi. Il paraît inconcevable que le législateur s’immisce dans les débats d’experts médicaux. Il n’appartient pas aux pouvoirs publics de juger de la pertinence des choix cliniques.
  3. Nicolas Dhuicq. Très bien !
  4. François Asensi. Cette proposition de résolution remet ainsi en cause la liberté de prescription des médecins. Nous tenons à le réaffirmer : toutes les méthodes de prise en charge de l’autisme sont légitimes. Il n’existe pas de réponse unique, mais un spectre de réponses utilisant toute la palette des méthodes et des outils, de façon à mettre en œuvre une méthode propre à chaque situation, qui intègre notamment les recommandations de la Haute Autorité de santé.

S’il ne revient pas au législateur de prendre parti dans des débats scientifiques, l’État doit en revanche prendre toutes ses responsabilités pour assurer la bonne prise en charge des personnes atteintes de handicap, au nombre desquelles les personnes autistes. Or, sur ce point, notre système de prise en charge du handicap est largement défaillant.

Ainsi, selon les dernières estimations, 47 500 personnes handicapées sont toujours en attente d’un accompagnement de proximité, et 6 500 autres sont encore accueillies en Belgique via un financement de la Sécurité sociale, faute de solution adaptée en France. Le dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale n’apporte d’ailleurs pas de solutions nouvelles aux personnes handicapées et à leurs familles.

S’agissant plus particulièrement de la prise en charge des enfants autistes, l’insuffisance des moyens financiers mobilisés par les pouvoirs publics n’a fait que renforcer les injustices dont les familles sont victimes. Bien que des progrès aient été accomplis en termes de diagnostic et d’accompagnement depuis la reconnaissance, en 1995 seulement, de l’autisme comme handicap, les attentes des familles demeurent immenses.

En premier lieu, la scolarisation obligatoire des enfants autistes reste aujourd’hui illusoire. Si l’école est tenue d’accepter l’inscription, elle n’est pas toujours en mesure de rendre la scolarisation effective du fait d’un manque de classes spécialisées ou d’une pénurie d’auxiliaires de vie scolaire formés. Dans ces conditions, il n’est pas rare que les parents n’aient d’autre choix que de sortir l’enfant du système scolaire, quand ce n’est pas le système scolaire lui-même qui rejette l’enfant « différent ».

Le second problème tient au manque de places au sein des établissements spécialisés dans la prise en charge de l’autisme. Si des efforts ont été fournis dans le cadre du troisième Plan Autisme pour créer des places supplémentaires dans des structures adaptées, force est de constater qu’ils restent insuffisants, des parents étant toujours obligés, je l’ai dit, de placer leur enfant dans des structures spécialisées en Belgique.

Le dernier problème n’est que la conséquence des deux premiers. Les parents qui n’ont pas d’autre solution que de prendre soin eux-mêmes de leur enfant ont des difficultés à percevoir les aides publiques destinées à la prise en charge. Ainsi, le montant de l’allocation d’éducation pour enfant handicapé, qui varie fortement selon les cas de figure, reste insuffisant pour faire face aux besoins particuliers de l’enfant.

Au-delà des conséquences personnelles et professionnelles que cela peut engendrer pour les parents, ces familles sont victimes de l’insuffisance des financements publics. Alors que s’est tenu, le 2 décembre dernier, le comité interministériel sur le handicap, nous pensons qu’il est urgent de prendre des mesures pour répondre aux attentes des familles en matière de prise en charge de l’autisme et, plus largement, des différentes formes de handicap. Nous ne pouvons en rester aux solutions décidées dans le cadre du troisième Plan Autisme, lequel prendra fin cette année : selon moi, elles ne sont pas à la hauteur des enjeux.

Les constats évoqués précédemment appellent des réponses fortes de la part du Gouvernement. Il est nécessaire de rendre effectif le droit de scolarisation des enfants handicapés et de garantir un accompagnement adapté, de créer de nouvelles places dans des structures adaptées d’éducation et d’hébergement et de renforcer le soutien financier aux familles qui assurent la prise en charge de leur enfant autiste. Nous espérons que le quatrième Plan Autisme, actuellement en préparation, sera l’occasion de mettre en œuvre ces différentes mesures.

Ces remarques faites, nous réitérons notre opposition à la proposition de résolution sur la prise en charge de l’autisme. C’est pourquoi les députés communistes et du Front de gauche voteront contre. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

  1. Daniel Fasquelle. C’est dommage !
  2. le président. La parole est à M. Philip Cordery.
  3. Philip Cordery. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, à l’occasion du débat que nous avons ce matin sur l’autisme, je veux tout d’abord rendre hommage au combat de toute une vie que mènent les familles et saluer chaleureusement chacune d’entre elles.

Avec ces familles, avec les associations et les institutions, nous œuvrons au quotidien pour faire changer en profondeur le regard que porte notre société sur ce handicap. Vous connaissez mon engagement, depuis de nombreuses années, sur cette question. Avec Gwendal Rouillard, coprésident du groupe d’étude dédié à l’Assemblée nationale, avec Daniel Fasquelle et Annie Le Houerou, présidente du comité national de suivi du Plan Autisme, nous n’avons eu de cesse de contribuer au travail remarquable que mène le Gouvernement depuis 2012, sous l’impulsion de Marie-Arlette Carlotti tout d’abord, qui a su dynamiser la politique du handicap en France, puis de Ségolène Neuville, dont je veux saluer le courage, la détermination et le sens de l’écoute dont elle fait preuve au quotidien avec les parlementaires, mais aussi avec les familles et les associations.

Mme Chantal Guittet. Tout à fait !

  1. Philip Cordery. Merci, chère Ségolène.

La France, disons-le clairement, accusait un retard considérable en matière de prise en charge de l’autisme. Dans les années soixante-dix, notre pays ne s’est pas engagé, contrairement à beaucoup de ses voisins, dans une politique d’inclusion par l’enseignement des enfants atteints de handicap. Il a, au contraire, fait le choix de multiplier les formes d’accueil, le plus souvent médicalisées, créant ainsi une trop grande complexité des modes de prise en charge : difficile de s’y retrouver pour les familles qui ont un besoin urgent de prise en charge adaptée pour l’enfant.

En Belgique, pays que je connais bien, il a été décidé, pendant ces mêmes années, de suivre une autre voie, celle de l’inclusion par l’école des enfants en situation de handicap. Nos voisins ont en effet opté pour la création d’un enseignement spécialisé, dans lequel les personnels enseignants, équipes paramédicales et éducatives dépendent du ministère de l’éducation. En parallèle, le ministère de la santé gère des centres qui prennent en charge des enfants atteints de déficiences plus importantes et qu’il convient d’accompagner dans un cadre plus médical.

  1. Daniel Fasquelle. Très bien !
  2. Philip Cordery. En 2009, la Fédération Wallonie-Bruxelles est allée plus loin encore en ouvrant la possibilité d’intégrer les enfants à l’école ordinaire, quel que soit leur type de handicap, et ce sans les obliger à passer au préalable par une école spécialisée. Des enseignants spécialement formés pour la prise en charge de ces élèves travaillent en binôme avec l’instituteur de l’école ordinaire et, selon les besoins, les élèves en intégration reçoivent en plus, au sein même de l’école, un soutien en orthophonie, en psychomotricité et une écoute psychologique.

C’est là l’une des formes les plus avancées d’intégration par l’école, pratiquées également au Québec, en Suisse, en Finlande et dans certains États des États-Unis. L’accompagnement est plus pragmatique, moins médical – disons-le clairement – et plus orienté vers une approche éducative et vers l’acquisition des compétences ; s’y ajoute une prise de médicaments particulièrement réglementée et préconisée seulement si les autres interventions ne sont pas efficaces ou le sont trop peu. Le traitement reste un soutien à la prise en charge éducative, et ne vient à aucun moment la remplacer. Dans ce modèle, chaque enfant fait l’objet d’une attention particulière de la part d’une équipe pluridisciplinaire.

En France, il a fallu attendre 2005 et la mise en œuvre du tout premier Plan Autisme pour voir émerger une telle prise de conscience. Ce plan a notamment permis la création de centres ressources autisme au niveau régional, et un certain nombre de recommandations en matière de dépistage et de diagnostic ont été formulées.

Sur la base de ces premiers éléments encourageants, un deuxième Plan Autisme a vu le jour en 2008 sous l’impulsion de Roselyne Bachelot, alors ministre de la santé, de la jeunesse et des sports. Cette fois, c’est l’orientation des familles et la formation des professionnels qui furent mises en avant. Par ailleurs, une grande campagne de sensibilisation à destination des Français été lancée. L’amélioration de l’accueil en établissement est, quant à elle, encore timide, mais il s’agit là de fondations importantes, sur lesquelles viendra s’appuyer, en 2013, le troisième plan, mis en œuvre par Marie-Arlette Carlotti, que je salue ici très chaleureusement.

Je veux m’arrêter un instant sur ce plan ambitieux, bâti dans le cadre d’une large concertation, car il me semble avoir opéré un réel changement de paradigme dans l’approche de l’autisme. L’une de ses grandes réussites est, sans aucun doute, la mise en place des unités d’enseignement en école maternelle, avec l’objectif d’accompagner, dès leur plus jeune âge, les enfants atteints de troubles autistiques dans le cadre de l’école. Notre pays fait délibérément le choix du progrès en développant de plus en plus de politiques véritables d’inclusion.

L’avancée majeure de ce plan est la détermination à faire respecter les recommandations de bonne pratique émises en mars 2012 par la Haute Autorité de santé et par l’Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux – ANESM –, qui font de l’approche éducative, comportementale et développementale la nouvelle norme de l’accompagnement de l’autisme en France.

  1. Daniel Fasquelle. Très bien !
  2. Philip Cordery. Dans ce cadre, comme l’a annoncé Ségolène Neuville au congrès d’Autisme France samedi dernier, les agences régionales de santé ne reçoivent plus aucun projet d’établissement ou de service qui ne se réclame de ces recommandations de bonne pratique. C’est une excellente nouvelle, qu’il convient de saluer.

S’agissant plus spécifiquement du packing, plusieurs institutions ont dénoncé, ces dernières années, sa pratique en France. En mars 2012, l’ANESM et la HAS se déclaraient ainsi « formellement opposées à l’utilisation de cette pratique ». Sur cette question, notre majorité agit avec détermination. C’est ce gouvernement qui a mis fin à la pratique du packing dans les établissements médico-sociaux, via la circulaire du 22 avril 2016 ; c’est également cette majorité qui a adopté l’amendement que j’avais déposé dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017, pour demander au Gouvernement un état des lieux sur la pratique du packing dans le domaine sanitaire, afin que l’on agisse en connaissance de cause.

Alors oui, mes chers collègues, les avancées sont réelles, et elles doivent dépasser largement les clivages de cette assemblée.

  1. Daniel Fasquelle. Nous sommes d’accord !
  2. Philip Cordery. Aussi ai-je du mal à comprendre cette proposition de résolution. Si nous partageons un certain nombre d’orientations qui y sont formulées, notamment en ce qui concerne l’inclusion et le contenu des formations professionnelles, nous ne restons pas dans l’incantatoire : nous agissons, comme je viens de le démontrer.
  3. Daniel Fasquelle. Pas assez !
  4. Philip Cordery. En revanche, certaines propositions sont, elles, excessives et ne peuvent être acceptées. Notre rôle, en tant qu’élus de la nation, est de faciliter, d’encourager, de développer et de diffuser l’état actuel de la science.

Nous ne sommes pas des experts scientifiques, mais des législateurs : nous n’avons pas de légitimité pour imposer une sanction pénale à des professionnels de santé qui ne respecteraient pas les recommandations de bonnes pratiques.

  1. Gérard Sebaoun. Très bien.
  2. Philip Cordery. Attention, mes chers collègues, à ne pas dresser une catégorie de professionnels contre les familles. L’orientation gouvernementale est claire : les appels à projets devront respecter les recommandations de bonnes pratiques.

Il est cependant inutile, et même contre-productif, d’alimenter les querelles, car elles risquent de provoquer des réactions de repli chez certains professionnels : il vaut mieux les convaincre d’adopter des approches efficaces.

  1. Daniel Fasquelle. Il est déjà trop tard !
  2. Philip Cordery. La question de l’autisme est particulièrement sensible, j’en conviens. Elle ne laisse personne indifférent et c’est pour cela qu’elle peut, parfois, être clivante. Mais je vous en supplie, chers collègues, soyons celles et ceux qui apaisent. Avançons ensemble !

Faisons-le dans une démarche d’unité, dans le seul intérêt des personnes autistes et avec les professionnels – éducateurs, enseignants, personnels de santé et intervenants médico-sociaux – qui accomplissent un travail de grande qualité, et à qui je veux ici rendre hommage.

Cette politique, menons-la tous ensemble dans le cadre de la préparation du quatrième Plan Autisme, avec les associations et avec les professionnels, et sans opposer les unes aux autres.

  1. Daniel Fasquelle. Il y a urgence.
  2. Philip Cordery. Poursuivons le dépistage de plus en plus précoce de l’autisme. Continuons à développer les offres de loisirs et de vacances qui constituent des moments de répit pour les aidants.

Développons toujours davantage les offres de formation, en conformité avec les recommandations de bonnes pratiques et faisons en sorte qu’à chaque nouvelle personne détectée, une réponse individualisée et pleinement satisfaisante puisse être apportée.

Enfin, la scolarisation de tous en milieu ordinaire, de la maternelle à l’enseignement supérieur en passant par les filières professionnelles, doit être un objectif majeur de ce quatrième plan, tout comme la meilleure prise en charge des adultes.

Et nous resterons, bien évidemment, très attentifs à la mise en œuvre des recommandations de bonnes pratiques, tant pour les enfants que pour les adultes, ainsi que sur la formation initiale et continue des professionnels, qui doit être véritablement en adéquation avec celles-ci.

  1. Daniel Fasquelle. Alors, on surveille ou on ne surveille pas ? Il faudrait savoir !
  2. Philip Cordery. Les défis sont encore nombreux. Ils nécessitent un engagement et une détermination sans faille ; nous n’en manquons pas.

Pour toutes ces raisons, et bien que nous partagions l’orientation de la proposition de résolution, mais parce qu’elle divise par ses excès, le groupe socialiste, écologiste et républicain votera contre. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

  1. Daniel Fasquelle. C’est bien dommage.
  2. le président. La parole est à M. Gilles Lurton.
  3. Gilles Lurton. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion, mes chers collègues, la proposition de résolution dont nous avons à débattre ce matin nous invite à nous interroger sur la prise en charge du spectre autistique, conformément aux recommandations de la Haute Autorité de santé.

Il s’agit d’un sujet complexe, car il finit toujours par nous amener à réfléchir à des situations dans lesquelles sont entrelacés, par d’insoupçonnables attachements et affections, des sentiments d’amour, de peine et de désespoir.

Je pense bien évidemment, et avant tout, aux parents, aux mamans et aux papas qui font preuve d’une incroyable abnégation et d’un dévouement absolu à l’égard de leurs enfants autistes. Il est difficile d’appréhender parfaitement leur quotidien, souvent fait de moments difficiles à vivre, notamment lorsqu’ils doivent faire face au mutisme ou à l’indifférence de leur enfant.

S’ils se trouvent bien trop souvent démunis, à court de solutions et de réponses, ils ne manquent jamais de courage. J’ai une pensée sincère à leur égard.

Ce qui ne rend pas notre tâche facile, c’est qu’il n’existe pas un autisme, mais des autismes, pas un enfant, mais des enfants, qui sont tous des individus à part entière au cœur desquels, malheureusement, le spectre autistique s’exprime de mille façons.

Si la communauté scientifique est divisée sur la prise en charge de l’autisme, elle est unanime à reconnaître qu’il n’existe aucune solution unique pour le traiter et le prendre en charge.

Mais ce n’est pas parce que ce sujet est difficile que nous ne devons pas le traiter. Et la seule façon d’y parvenir, c’est de le faire dans la dignité. Dignité des parents, tout d’abord : il est nécessaire, évidemment, que les professionnels de santé et de soins respectent leurs choix, les écoutent et les guident objectivement au quotidien.

Toute culpabilisation, toute intimidation à leur égard – réactions qui avaient encore cours il n’y a pas si longtemps que cela – n’ont pas leur place dans le processus. Au contraire, la place des parents est au cœur des processus psychiatriques et médicaux, car ce sont eux qui restent, chaque jour comme chaque nuit, aux côtés de leurs enfants et qui calment leurs pulsions comme leurs crises de colère et de frustration.

Cette résolution défend et protège les familles : cela me paraît essentiel et permettra une meilleure protection comme une meilleure inclusion des enfants.

Dignité pour les médecins ensuite : il n’est pas question de remettre en cause ici la liberté des médecins, ni la pédopsychiatrie ou la psychanalyse. Il faut pouvoir faire la distinction entre la science médicale et ses praticiens.

Nos pédopsychiatres et nos psychanalystes sont appelés aux avant-postes de la prévention pour trouver des solutions aux difficultés auxquelles certains de nos concitoyens en très grande précarité sont exposés. Ils réalisent auprès de nos enfants autistes, pour lesquels il est ardu de percevoir toutes les nuances, un travail difficile.

Je pense à cette phrase qu’une maman d’un enfant autiste a écrite dans un livre de témoignages : « Chaque fois que je rencontre un enfant autiste qui a fait des progrès, je sais que quelqu’un s’est battu avec hargne pour lui. »

Nos médecins, nos scientifiques et nos chercheurs se battent avec hargne : oui, il faut le reconnaître. Leur rôle est inestimable, pour les parents comme pour les enfants.

Enfin, et surtout, dignité pour l’enfant. Elle doit primer. Certes, ces enfants atteints du trouble autistique semblent ailleurs, perdus dans leurs pensées, comme s’ils venaient d’une autre planète. Mais ils sont bien de notre monde et, comme chaque enfant et comme chaque individu dans notre pays, ils ont des droits.

Ils ont besoin d’une attention toute particulière afin de faciliter leur acceptation, leur intégration et leur inclusion dans notre monde. Cette attention et les soins qui l’accompagnent doivent respecter leurs choix, ainsi que leur intégrité physique et mentale.

Parce que chaque enfant atteint de troubles autistiques est unique – on mesure, là aussi, la dure tâche du personnel de santé et éducatif –, il faut respecter sa personnalité et l’expression de son autisme, comme sa capacité d’adaptation et sa vitesse de progression.

Oui, il existe des cas extrêmement graves. Alors que faire ? Persévérer ! Étudier, développer des théories scientifiques, laisser la psychiatrie et la psychanalyse libres de travailler, tout en respectant un cadre protecteur pour l’enfant comme pour les familles.

La dignité, mes chers collègues, commande également de suivre les recommandations de la Haute Autorité de santé en matière de soins. Je pense notamment à celles portant sur les troubles du sommeil, sur la structuration matérielle de l’environnement, sur les réponses à l’hyperactivité, sur le comportement alimentaire ainsi que sur la prescription de psychotropes.

Je pense également à ses recommandations en matière d’éducation : elles visent à intégrer les enfants concernés en milieu scolaire ordinaire, grâce aux personnels enseignants ainsi qu’aux auxiliaires de vie formés à cette prise en charge. Malheureusement, nous en manquons cruellement.

Et quand l’intégration en milieu scolaire ordinaire ne s’avère pas possible, il faut pouvoir les accueillir dans des établissements spécialisés adaptés à leur handicap.

Dans ceux-ci également, nous manquons cruellement de places : cette situation condamne les enfants à régresser alors que nous devons donner à chacun d’entre eux la chance de progresser.

De ce fait, les familles se trouvent souvent obligées de reprendre l’enfant à domicile, avec toutes les conséquences que cela entraîne sur la vie de famille. Parfois, l’un des membres du couple se voit contraint d’arrêter de travailler.

Je tiens à rappeler que l’État a été condamné en juillet 2015 à verser 240 000 euros à des familles d’enfants autistes pour défaut de prise en charge adaptée. Cet exemple est flagrant : l’État de droit n’existe pas plus pour ces enfants que pour ces familles.

  1. Daniel Fasquelle. Il faut en passer par les tribunaux !
  2. Denys Robiliard. Perdu !
  3. Gilles Lurton. Mes chers collègues, notre devoir est également d’examiner de quelle manière nous pouvons accompagner ces enfants. Nous devons bien avoir conscience que, pour leurs parents, lutter contre cette maladie revient à renoncer à tout et à éprouver cette amère sensation de ne jamais en faire assez.

Ils découvrent également que l’amour paternel et maternel est certainement le moins mièvre des sentiments. Nous devons reconnaître leurs droits, pleins et entiers, ainsi que leur dignité en tant qu’individus et citoyens de notre pays.

  1. Denys Robiliard. Très bien !
  2. le président. La parole est à M. Gérard Sebaoun.
  3. Gérard Sebaoun. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion, mes chers collègues, cher collègue Fasquelle, alors que vous êtes co-président du groupe d’études consacré à l’autisme au sein de notre assemblée, la lecture de votre proposition de résolution m’a fait davantage l’effet d’une posture monolithique plutôt que de la position d’équilibre nécessaire à l’amélioration de la prise en charge des personnes autistes et souhaitée par toutes leurs familles. Avant d’aborder les alinéas les plus marquants de votre proposition de résolution, je veux rappeler quelques points fondamentaux.

S’agissant des médecins, tout d’abord : le serment d’Hippocrate leur commande de préserver l’indépendance nécessaire à l’accomplissement de leur mission ; votre résolution lui tourne le dos.

  1. Nicolas Dhuicq. Très bien !
  2. Daniel Fasquelle. Mais non !
  3. Gérard Sebaoun. La charte de la médecine libérale affirme la liberté de prescription ; votre résolution n’en a cure. Vous entendez contraindre les médecins, j’y reviendrai. Mais si je ne vous imagine pas en partisan d’une nouvelle forme de science officielle, dont on a connu en d’autres temps les dérives et les ravages dans le cadre de régimes totalitaires, j’avoue ne pas comprendre l’essence de votre résolution.

Les professionnels de santé n’ont pas à se plier à une injonction du législateur, qui leur dirait comment soigner. C’est le code de déontologie qui encadre leur pratique : son article 5 affirme que « le médecin ne peut aliéner son indépendance professionnelle, sous quelque forme que ce soit ». Son article 8 précise : « Il est libre de ses prescriptions les plus appropriées dans les limites fixées par la loi et compte tenu des données acquises de la science. »

  1. Daniel Fasquelle. Dans les limites fixées par la loi.
  2. Gérard Sebaoun. Monsieur Fasquelle, écoutez bien ce que je vous dis, comme j’ai écouté vos propos. À ses articles 11 et 33 est inscrite l’obligation de formation et l’usage des méthodes scientifiques les mieux adaptées. Les articles 34, 37 et 39 du code rappellent que « le médecin formule des prescriptions compréhensibles par le patient et son entourage, il soulage les souffrances par tout moyen approprié et suffisamment éprouvé. »
  3. Daniel Fasquelle. Exactement.
  4. Gérard Sebaoun. Monsieur Fasquelle, écoutez-moi : vous en avez besoin car vous êtes par trop monolithique.
  5. Daniel Fasquelle. Vous me donnez raison.
  6. Gérard Sebaoun. Enfin, toute pratique de charlatanisme est interdite. Est un charlatan « toute personne qui se prétend thérapeute mais qui se situe hors du champ de la science, de la loi ou de la morale. »

Voilà le seul cadrage qui vaut. Je tiens ici à rendre hommage au travail du président Accoyer, qui a encadré le titre de psychothérapeute.

Le diagnostic d’un trouble du spectre autistique pose moins la question de son étiologie, qui fait l’objet de recherches nécessaires, notamment génétiques, que celle du soin et de la prise en charge.

Celle-ci doit tenir compte de la singularité de chaque individu et conjuguer une pluralité d’approches par des professionnels reconnus.

J’en viens, monsieur Fasquelle, aux alinéas de votre proposition de résolution.

À l’alinéa 4, vous vous appuyez sur les recommandations de bonnes pratiques faites par la HAS en mars 2012 quant à la prise en charge. Pas plus que vous, je ne suis qualifié pour en discuter la pertinence.

Je rappelle cependant que ces recommandations, si elles synthétisent l’état de l’art et des données à un instant t, et si elles constituent pour le praticien une aide, ne dispensent pas le professionnel de santé de faire preuve de discernement dans le choix de la prise en charge qu’il juge la plus appropriée.

À l’alinéa 7, vous exhibez des chiffres très contestables : 44 % des personnes atteintes d’autisme seraient victimes « de maltraitance, de mauvais traitements ou de carence en matière de soins. » Or cette affirmation repose sur une seule enquête, effectuée par courrier électronique, et n’ayant recueilli les réponses que de 538 familles.

Elle n’a en outre rien de scientifique sur le plan méthodologique, chaque question posée induisant tout ou partie de la réponse. Pire, malgré ce biais, vous n’hésitez pas à extrapoler par une simple règle de trois, dans votre exposé des motifs, en affirmant que 250 000 personnes autistes seraient victimes de maltraitance dans notre pays.

Je vous le dis sans précaution oratoire : j’y vois une manipulation dangereuse.

Dans le droit fil de cette distorsion des chiffres, vous appelez le Gouvernement, à l’alinéa 12, à faire cesser immédiatement ce que vous appelez la « violence institutionnelle ». C’est une accusation d’une particulière gravité.

  1. Daniel Fasquelle. Je l’assume.
  2. Gérard Sebaoun. Je sais que vous l’assumez, mais je tenais à le dire. Par les alinéas 9 et 11, vous entendez priver de financement toutes les équipes aux pratiques plurielles, pour les réserver aux seuls types de prise en charge qui auraient votre aval.

À l’alinéa 10, votre demande d’actualisation et de formatage du contenu des formations professionnelles et académiques est totalement datée et obsolète. Votre proposition de résolution se termine sur un série d’injonctions partisanes en appelant, à l’alinéa 13, à l’interdiction du packing, une technique historiquement très ancienne, peu répandue et réactualisée.

Il ne m’appartient pas, pas plus qu’à vous, monsieur Fasquelle, en tant que législateur, de condamner telle ou telle technique. Dans la même veine d’ailleurs, vous poursuivez, à l’alinéa 14, en n’hésitant pas à vous en prendre à une société savante, la Fédération française de psychiatrie.

Vous finissez en amalgamant psychanalyse et maltraitance, et vous réclamez du Gouvernement qu’il s’engage à faire systématiquement « engager la responsabilité pénale des professionnels de santé » mal pensants – ou peut-être, dans votre esprit, déviants.

  1. Daniel Fasquelle. C’est dans la loi.
  2. Gérard Sebaoun. Cher collègue Fasquelle, sans mettre en doute votre engagement auprès des personnes autistes, je regrette que votre résolution relève davantage de la monoculture que de la volonté d’apaiser.
  3. Daniel Fasquelle. Apaiser, cela veut dire ne rien changer !
  4. Gérard Sebaoun. C’est pourquoi j’appelle tous nos collègues à la rejeter. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)
  5. Nicolas Dhuicq. Très bien !
  6. le président. La parole est à M. Jacques Bompard.
  7. Jacques Bompard. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la fragilité est le sujet de cette résolution. Dans une société où la réification de l’homme et sa soumission aux valeurs marchandes deviennent un mode de relation au monde, il est de notre devoir d’établir chacun dans sa dignité sociale. Il est de notre devoir de tout faire pour que, de l’État, à travers l’éducation nationale, jusqu’aux collectivités locales, chacun comprenne que notre société sera jugée à l’aune de son accueil bienveillant pour les plus faibles.

Je tiens donc à dire ma grande satisfaction de voir le groupe des Républicains présenter ce texte. Une résolution à ce sujet montre que la droite, quand elle se souvient de l’anthropologie qui assoit son discours et quand elle choisit de faire primer le réel, peut faire advenir le consensus national, quoiqu’il m’ait l’air un peu troublé.

J’ai accueilli il y a quelques semaines un colloque sur Pierre Boutang dans les murs de l’Assemblée nationale. Pierre Boutang est l’un des plus grands penseurs de notre siècle. Quelle est son inspiration fondamentale ? La politique vue comme un souci. Telle est la manière dont j’aimerais que nous abordions cette proposition de résolution.

Boutang avance d’abord le souci comme « le domaine humain où la relation aux autres, originellement donnée, permet l’achèvement et la continuité du projet de vérité sur ce qui existe ». Dès lors, toute vie est un don, un bonheur. C’est pourquoi il est scandaleux qu’au dernier congrès des gynécologues, l’une des conclusions ait été que le problème de la trisomie a été réglé par l’interruption volontaire de grossesse.

Mme Chantal Guittet. Quel rapport avec la résolution ?

  1. Jacques Bompard. C’est pourquoi aussi il est scandaleux que l’État, s’appropriant la puissance de définir ce qu’est l’humain, s’engage depuis des années sur l’ensauvagement de la société, au point que la diversité des fragilités humaines rencontre la violence. La résolution le dit, 44 % des personnes autistes sont victimes de violences par thérapies psychanalytiques imposées unanimement décrites comme inefficaces.

Dans la situation faite aux enfants autistes, nous voyons donc des maux terribles de nos institutions : l’État se substituant aux parents, la vie perçue comme un choix et non un don, le service des intérêts partisans plutôt que celui du bien commun.

Boutang a une phrase magnifique pour cela, « la cité n’est plus fondée dans son être », c’est-à-dire qu’elle est fondée non plus comme famille de familles servant le bien commun, mais comme délimitation d’un projet d’action de l’État à travers des idéologies. Dans le trio Marx-Keynes-Freud, Freud mérite d’être enfin ramené à son état d’option intellectuelle et plus d’idée normalisée.

Dans son maître ouvrage, La Politique, Boutang continue de nous aider pour aborder ce sujet : « L’existence d’un homme dont je dépendais, qui me donnait le nom qu’il avait reçu, qui créait dans la relation à moi une situation irréductible, était l’inépuisable matière de ma première réflexion. Cela était ainsi, il était mon père, c’était un « fait ». Mais ce fait était originel, il était plus spirituel que l’esprit, il absorbait, pour ainsi dire, l’esprit, et remplissait la solitude. Il créait une « puissance » légitime que rien ne pouvait me faire contester. » Ce passage nous intéresse pour comprendre les motivations de la proposition de M. Fasquelle.

Nous posons que la fragilité se dépasse par des médiations, et que la première médiation de l’homme avec la société, c’est bien la famille. Cette famille, dans le cas de l’autisme, n’a pas à être le lieu d’extrapolations, de divinations philosophico-émotionnelles, elle doit être mise en valeur pour son rôle joué auprès des plus faibles. Aussi la pratique du packing et de la psychanalyse pour les enfants autistes est-elle critiquable.

Je suis donc heureux de soutenir ce texte ambitieux. Il aidera les autistes, leurs familles et montre en creux quelques erreurs fondamentales qui continuent d’abîmer notre nation et même notre civilisation.

  1. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq.
  2. Nicolas Dhuicq. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, c’est avec beaucoup d’émotion que je m’adresse à vous. Je pense à l’un de mes maîtres, élève de Pierre Mâle, l’un des grands fondateurs de la pédopsychiatrie française, je pense à Roger Misès, je pense à la noblesse de la psychiatrie française, qui avait une clinique fine, qu’elle a malheureusement souvent abandonnée, et je pense surtout à tous les parents, à tous les enfants que nous avons rencontrés et que nous n’avons pas pu forcément sauver.

De quoi parlons-nous ? Nous parlons d’un médecin originaire de la Galice, Kanner, qui, en pleine deuxième guerre mondiale, invente ce que l’on appelle aujourd’hui l’autisme, sur un triptyque. Dans le même temps, un autre médecin d’origine autrichienne, Asperger, invente un autre syndrome, qui mettra trente ans à nous parvenir, parce qu’il était dans le camp des vaincus.

Ces deux exemples montrent tout simplement que ce que l’on appelle aujourd’hui autisme recouvre des réalités bien différentes et bien variées. Il n’y a pas un autiste, il y a des autistes. Je n’aime pas le terme de handicap, parce que ces frères humains vivent des réalités différentes. Parfois absorbés par l’objet, ils doivent fournir des efforts gigantesques pour entrer en contact avec l’autre et donner un sens au monde qui les entoure.

Il fut un temps, certes, où, parce que Kanner, non analyste lui-même, avait trouvé dans sa première série de patients que la mère avait une relation relativement peu affective et froide, certains exégètes, à court terme, culpabilisèrent les mères, qu’ils recevaient en laissant l’enfant à l’extérieur du bureau.

Cette réalité est totalement dépassée et obsolète. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

  1. Daniel Fasquelle. Cela se pratique encore !
  2. Nicolas Dhuicq. Aujourd’hui, dans les grands services, que ce soit celui de Widlöcher dans lequel j’ai été externe ou d’autres, nous travaillons en commun. Il suffit d’écouter sur France Culture les dernières déclarations de Jean-Didier Vincent pour comprendre que les avancées des neurosciences, que le discours sur la réceptologie, que la pratique de la psychiatrie, qui était autrefois appelée biologique, ne sont pas incompatibles, bien au contraire, avec la pensée analytique.
  3. Gérard Sebaoun. Bravo !
  4. Nicolas Dhuicq. Du reste, il n’y a pas de technique analytique par définition, de cure analytique pour un enfant autiste. C’est totalement impossible et contradictoire. Nous nous appuyons sur un triptyque de trois types de thérapies, cognitive, comportementale et analytique.

L’être humain est infiniment plus compliqué, et c’est justement parce qu’il ne peut pas être réifié qu’il a une double dimension.

J’invite mon prédécesseur à relire Paul Ricœur, à comprendre la grande humanité de tous ces soignants, qui font avec ce qu’ils peuvent pour aider et soulager leurs patients.

Mme Chantal Guittet. Très bien !

  1. Nicolas Dhuicq. Nous devrions ici nous préoccuper de rattraper notre retard par rapport à l’Italie, à la Grande-Bretagne, à la Belgique, pour offrir aux enfants et aux adultes qui souffrent, ou ne souffrent pas du reste, de syndromes que l’on appelle autistiques une place dans notre société.

Je voudrais ici rappeler la grande misère de la pédopsychiatrie (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain), rappeler le problème des vocations et des contraintes qui pèsent.

Ce texte est dépassé, parce qu’il n’y a pas de conflit entre les différentes visions de l’humain, entre la réceptologie et la prescription éventuelle de psychotropes, qui sont très récents. S’il y a eu des techniques que l’on appelait physiques, ce n’est pas par sadisme des aliénistes, c’est simplement parce qu’avant les années 70, il n’existait aucun traitement disponible.

La génétique humaine n’a rien à avoir avec les calculs de Mendel et ses petits pois, dont on sait aujourd’hui qu’ils furent falsifiés par Mendel lui-même. Elle est bien plus compliquée que celle que l’on apprend aux enfants dans les collèges.

Ce texte est dépassé aussi parce qu’il n’est pas du pouvoir du législateur de contraindre les professionnels de santé, qui font ce qu’ils peuvent en leur âme et conscience, à utiliser des techniques, d’en favoriser certaines ou d’en interdire d’autres. C’est une dérive profondément dangereuse, et le médecin que je suis ne peut que s’opposer fermement à ce type de décision.

Si je prends un autre champ de connaissances, devrons-nous à terme imposer aux physiciens d’abandonner la mécanique relativiste et de ne suivre que la mécanique quantique ? Nous sommes à ce niveau d’incompréhension des savoirs.

Notre société moderne a un gros souci, mon cher collègue, parce que plus elle avance en complexité, plus elle veut des discours d’un simplisme absolu.

Je ne remets pas en doute le parcours du combattant de ces parents qui, dans une méthode, ont trouvé une solution permettant à leur enfant de progresser. Nul ne remet en doute ce combat, nul ne remet en doute leurs difficultés, mais, de grâce, si nous voulons conserver un minimum de connaissances dans ce pays de liberté, je vous invite malheureusement, quelle que soit mon amitié envers son auteur, à rejeter cette proposition. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et sur quelques bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)

  1. Daniel Fasquelle. Le lobby a bien fait son travail ! Continuons comme ça !
  2. le président. La parole est à M. Denys Robiliard.
  3. Denys Robiliard. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, prendre la parole sur la proposition de M. Fasquelle ne se fait pas sans trembler, non que je craigne le procureur spécial Fasquelle, mais je sais la souffrance des personnes autistes,…
  4. Daniel Fasquelle. Justement !
  5. Denys Robiliard. …celle de leurs familles, et c’est toujours avec la crainte de blesser que l’on s’exprime, y compris quand on n’a pas à y mettre les formes.Je crois que votre proposition, monsieur Fasquelle, pose le problème de la déontologie du législateur. Le législateur doit savoir s’arrêter et ne pas empiéter sur des domaines qui ne sont pas les siens.
  6. Daniel Fasquelle. Quand vous votez le PLFSS, il y a des choix à faire !
  7. Denys Robiliard. D’abord il me semble qu’en la matière, le respect dû aux personnes autistes suppose l’exactitude. Or il n’y a pas d’exactitude dans les propos que vous tenez.

D’abord, vous évoquez le taux de 1 % alors que la HAS parle de 2 ‰ en 2010. Il y a tout de même une très grande différence qui mériterait d’être expliquée.

Il n’y a pas non plus d’exactitude sur l’efficacité des méthodes ABA, pour reprendre la plus connue et la plus répandue. Je n’en conteste pas le principe, en tout cas à ce stade, mais on ne peut lui faire une telle publicité sans citer des études qui invalident vos propos. Je pense à l’étude Shea, qui date de 2004 et que vous connaissez, à l’étude Cruveiller, qui date de 2012 et que vous connaissez, et à l’étude spécifique sur les vingt-huit centres expérimentaux mis en place en 2010, qui, malheureusement, ne donnent pas les mêmes résultats que vous sur l’efficacité de ces pratiques. C’est l’étude Cekoïa, qui a été réalisée à la demande de la CNSA en 2015 et qui mériterait tout de même d’être prise en compte.

Et puis, j’attends d’un professeur agrégé des facultés de droit une très grande exactitude juridique. De ce point de vue, je suis un peu étonné de lire dans votre proposition de résolution que la France aurait été condamnée en février 2015 par la Cour européenne des droits de l’Homme. Je vous avoue n’avoir trouvé aucun arrêt de la Cour européenne qui ait condamné la France pour des pratiques en matière d’autisme, que ce soit en février 2015 ou à une autre date. Peut-être vous référez-vous à d’autres documents. Encore faudrait-il les citer avec exactitude.

  1. Daniel Fasquelle. Je vous les donnerai !
  2. Denys Robiliard. Très bien.

Au paragraphe 15, vous allez tout de même extrêmement loin puisque vous invitez à sanctionner pénalement le non-respect de ce que vous qualifiez de recommandations de la HAS, « conformément à l’article L.1142-1 du code de la santé publique ». Cet article, vous le savez comme moi, concerne la responsabilité civile, la responsabilité administrative, pas la responsabilité pénale. Dès lors, le terme « conformément » est déplacé.

Il faut encore, me semble-t-il, que les recommandations de la HAS que vous évoquez soient exactes. La HAS développe méthodiquement des propositions pour aider le praticien, et elle rappelle que ces recommandations de bonnes pratiques « ne sauraient dispenser le professionnel de santé de faire preuve de discernement dans sa prise en charge du patient qui doit être celle qu’il estime la plus appropriée, en fonction de ses propres constatations ». Vous voudriez, vous, que ses recommandations soient obligatoires, le fait de ne pas les respecter étant pénalement sanctionné. Vous êtes aux antipodes de ce que la HAS elle-même définit comme ses recommandations.

En cette matière, il nous appartient, à nous législateurs, de ne pas nous immiscer dans un débat entre différentes méthodes. Je suis parfaitement d’accord avec ce qu’a dit Nicolas Dhuicq à l’instant, mais je ne saurais reprendre ses propos avec le talent qui a été le sien ni avec la connaissance qui est la sienne.

  1. Daniel Fasquelle. Qu’il ait du talent, c’est une chose ! Mais qu’il dise des choses exactes, c’en est une autre…
  2. Denys Robiliard. Je dirai simplement que nous avons affaire à des recommandations basées sur la recherche des preuves, et que le plus haut niveau reconnu pour les méthodes ABA et Denver, d’inspiration psychanalytique, est le niveau B, soit une présomption scientifique et non une preuve scientifique établie de grade A, qui n’a été accordée à aucune méthode en la matière.

Monsieur Fasquelle, votre proposition, qui aboutirait à faire de la HAS l’autorité prescriptrice, en obligeant les médecins à suivre ses recommandations en toutes matières, y compris quand elle ne se prononce pas, comme c’est le cas pour la psychanalyse, faute de preuves dit-elle – nous pourrions d’ailleurs discuter des raisons pour lesquelles il n’y en a pas –, c’est la définition d’une science officielle. C’est, me semble-t-il, du lyssenkisme. Or, je crois que la pire des choses que nous puissions faire pour les personnes autistes, ce serait de suivre les préconisations d’un Lyssenko au petit pied. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

  1. Nicolas Dhuicq. Très bien !
  2. Daniel Fasquelle. La pire des choses, ce serait de ne rien faire ! La France n’est pas près de progresser !
  3. le président. La parole est à M. Pierre Morel-A-L’Huissier.
  4. Pierre Morel-A-L’Huissier. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, en France, un enfant qui naît sur cent est affecté par des troubles du spectre autistique – TSA. Ce sont au total 600 000 personnes, enfants et adultes, qui sont touchées par cette maladie. Ces chiffres doivent nous alerter sur l’ampleur de l’enjeu de santé publique auquel nous sommes confrontés. Notre rapporteur, Daniel Fasquelle, a fait preuve, depuis de nombreuses années, d’un engagement sans faille pour améliorer la prise en charge de l’autisme, et je tiens ici à saluer son investissement exemplaire pour cette cause.

Définir l’autisme n’est pas chose aisée. Ses contours restent flous pour la plupart d’entre nous, et nous avons le plus grand mal à connaître et à décrire précisément la nature de cette affection qui reste encore mal connue. En la matière, il paraît sage de se référer à l’Organisation mondiale de la santé, qui a posé une définition : l’autisme est selon elle « un trouble envahissant du développement qui affecte les fonctions cérébrales ». Il est important de souligner qu’il n’est plus considéré, dans la classification internationale de l’OMS, ni comme une affection psychologique ni comme une maladie psychiatrique.

  1. Daniel Fasquelle. Absolument !
  2. Pierre Morel-A-L’Huissier. Depuis 2010, cette définition est également reconnue par la Haute autorité de santé en France. Il est dès lors assez incompréhensible que bon nombre de médecins français ne la reconnaissent toujours pas et que l’approche psychanalytique soit encore majoritairement enseignée dans les universités françaises.
  3. Daniel Fasquelle. Très bien !
  4. Pierre Morel-A-L’Huissier. C’est cette lecture erronée de la maladie qui prévaut aujourd’hui, lorsqu’un enfant autiste est pris en charge en hôpital de jour, en institut médico-éducatif ou en centre médico-psychologique. Cette mauvaise prise en charge aboutit à un terrible constat d’échec : 80 % des enfants atteints de TSA sont exclus de l’école en milieu ordinaire.

Alors qu’une prise en charge précoce et adaptée permettrait de réduire considérablement le coût économique et social de l’autisme, comme cela a été démontré dans le rapport d’un comité sénatorial québécois dès 2007, qui préconisait un accompagnement précoce, avec des méthodes éducatives et comportementales, la France s’obstine à allouer la majeure partie des moyens financiers destinés à l’autisme aux pratiques psychanalytiques.

Déjà en 2012, Daniel Fasquelle déposait une proposition de loi visant à l’arrêt des pratiques psychanalytiques dans l’accompagnement des personnes autistes, et mettait en place un groupe d’études sur l’autisme. Il est urgent aujourd’hui d’avancer sur ce sujet pour enfin utiliser à bon escient les ressources allouées à l’autisme, lesquelles sont largement insuffisantes.

La prise en charge de l’autisme en France accuse quarante ans de retard : 44 % des personnes autistes sont encore victimes soit de mauvais traitements, soit de carences en matière de soins. La maltraitance reste donc la norme, comme l’a tristement rappelé le Comité des droits de l’enfant de l’ONU en février dernier. Les gouvernements successifs ont accumulé les « plans autisme ». Nous en sommes aujourd’hui au troisième. Mais quelles sont les avancées concrètes ?

Nous devons réallouer les moyens dévolus et les augmenter, afin de financer sur fonds publics des éducateurs spécialisés, pour permettre aux 80 000 enfants atteints d’autisme d’aller à l’école ou, à défaut, de recevoir une éducation adaptée. Nous devons stopper l’hémorragie des familles d’enfants autistes vers la Belgique, bien mieux dotée que la France en structures adaptées à la prise en charge de l’autisme. Nous devons dépister plus tôt, car plus la prise en charge est précoce, plus l’espoir d’une vie adulte normale ou quasi normale est grand.

Nous devons lutter contre les discriminations dont sont victimes les personnes autistes. Nous devons mettre en place un service d’informations national sur l’autisme. Nous devons développer les places en accueil temporaire pour les familles qui y ont recours lorsqu’elles sont au bord de l’épuisement ou pendant les fermetures des structures.

À cet égard, la Lozère, département emblématique pour la prise en charge des personnes en situation de handicap depuis plus de cinquante ans, grâce à l’action conjuguée de l’abbé Oziol et du docteur Jacques Blanc, ancien parlementaire, rapporteur de la loi de 1975, qui a pour la première fois reconnu la dignité de la personne handicapée, est disposée à développer de nouvelles réponses à l’autisme.

Ce département dispose de toutes les réponses de type ESAT – établissement et service d’aide par le travail –, MAS – maison d’accueil spécialisée –, foyer de vie, foyer-logement, et déjà de structures adaptées à l’autisme, notamment l’IME – institut médico-éducatif – Les Sapins, la MAS Les Bancels, le FAM – foyer d’accueil médicalisé – de Grandrieu et l’EEAP – établissement pour enfants et adolescents polyhandicapés – Les Genêts. Nombre d’expérimentations sont portées grâce aux actions conjuguées de Mmes Catherine Blond de l’ADAPEI – Association départementale de parents et d’amis des personnes handicapées mentales –, Josette Boissier, la maman de Jérôme que je connais bien, et Sylvie Breuil, directrice de structure, et des deux grandes associations que sont Le Clos du Nid et l’association de lutte contre les fléaux sociaux.

Je sais que cette proposition de résolution suscite des passions, voire des réactions très contradictoires. Elle a cependant le mérite de mettre en lumière un vrai problème que la France n’a pas totalement pris en considération : celui du monde de l’autisme, ce monde incompréhensible et imprévisible, où les bruits, la lumière, le toucher peuvent devenir des agressions.

  1. Daniel Fasquelle. Bravo ! C’était lucide et courageux !
  2. le président. La parole est à Mme Chantal Guittet.

Mme Chantal Guittet. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous examinons ce matin une résolution qui m’a vraiment surprise et qui pose plusieurs questions. La première qui m’est venue à l’esprit est de savoir si nous, parlementaires, devons promouvoir une méthode de soins plutôt qu’une autre,…

  1. Daniel Fasquelle. On n’arrête pas de le faire !

Mme Chantal Guittet. …condamner ou interdire certaines pratiques. L’orientation de votre résolution, monsieur Fasquelle, vise à faire adopter politiquement une position radicale,…

  1. Daniel Fasquelle. Oui !

Mme Chantal Guittet. …qui est en totale contradiction avec les principes fondamentaux de notre législation sanitaire.

  1. Daniel Fasquelle. Pas du tout !

Mme Chantal Guittet. Selon l’article 6 du code de la déontologie médicale, « Le médecin doit respecter le droit que possède toute personne de choisir librement son médecin. Il doit lui faciliter l’exercice de ce droit. » Ce droit, ainsi que la liberté consentie par la loi d’en faire usage, contribue à forger la confiance que le patient accorde à son médecin. La responsabilité du médecin est fondée sur cette confiance.

  1. Daniel Fasquelle. Sur la science !

Mme Chantal Guittet. Arrêtez de parler ! C’est pénible.

L’article 8 énonce que le médecin est libre de ses prescriptions, qui seront celles qu’il estime les plus appropriées. Ainsi, associé à l’indépendance et à la liberté de prescription, le libre choix constitue l’un des piliers actuels de l’exercice médical.

Si je comprends bien votre résolution, vous souhaitez revenir sur ce droit. C’est curieux, pour des députés qui sont les chantres du libéralisme, de proposer une résolution liberticide. Si les parlementaires viennent à rompre avec ces principes, en prenant parti dans des débats scientifiques d’une grande complexité, nous dérivons vers des thérapeutiques d’État. Nous en avons un exemple cruel dans l’Histoire, celle de la biologie de Lyssenko, cité par Denys Robiliard, qui préconisait la fin de la génétique et l’arrêt de la discipline naissante qu’était la biologie moléculaire.

Enfin, cette proposition méconnaît clairement les travaux de la Haute autorité. Vous procédez à un détournement de ses recommandations. C’est une autorité administrative indépendante à caractère scientifique, qui est chargée de l’amélioration de la qualité des soins. Elle élabore des recommandations, comme avait pu le confirmer un arrêt du Conseil d’État. Elles ne sont donc pas du droit, mais un guide de bonnes pratiques.

Vous portez atteinte à l’indépendance de la Haute autorité au moins sur trois points. Tout d’abord, vous voulez transformer des recommandations en injonctions. Deuxièmement, vous affirmez que les méthodes recommandées sont validées scientifiquement, alors que, des collègues l’ont rappelé, à l’heure actuelle, aucune des trois méthodes évoquées par la Haute autorité n’a reçu de validation scientifique. Enfin, vous portez atteinte à cette indépendance en prétendant que la psychanalyse se trouve dans la liste des méthodes non recommandées, alors que la Haute autorité a bien pris soin, en l’absence de consensus entre experts, de la classer dans les méthodes non consensuelles. « Non consensuelles », cela ne veut pas dire « non recommandées ». Il faut savoir lire le français !

  1. Daniel Fasquelle. Je sais lire ! Je sais très bien ce qui s’est passé et les pressions qu’il y a eu !

Mme Chantal Guittet. Vouloir donner une force contraignante à des recommandations serait méconnaître qu’en matière de santé, les vérités d’aujourd’hui peuvent ne pas être celles de demain. Cela conduirait à dresser un obstacle à toute tentative de faire progresser les connaissances sur la prise en charge de l’autisme. Pourtant, les connaissances actuelles sont insuffisantes et incertaines. Les efforts pour figer le savoir ne font jamais bon ménage avec le progrès.

  1. Nicolas Dhuicq. Très bien !

Mme Chantal Guittet. Je partage les propos du Président de la République, qui lors de la Conférence nationale du handicap, a souhaité que le quatrième Plan Autisme soit un plan qui permette l’apaisement et le rassemblement, parce que nous devons avoir toutes les réponses et les réponses les plus adaptées, sans préjugés ni volonté d’inventer une solution plutôt qu’une autre. Le pluralisme des formations et des pratiques a toujours été l’orientation des politiques de santé publique, pour proposer aux familles et aux patients un libre choix éclairé pour les soins et les accompagnements.

Plutôt que de faire une résolution, battons-nous ensemble pour que toutes les personnes souffrant d’un handicap soient prises en charge dignement, pour que cesse le parcours du combattant des familles pour trouver des solutions. Soutenons financièrement la recherche sur les maladies psychiatriques.

  1. Daniel Fasquelle. Mais ce n’est pas une maladie psychiatrique ! Comment peut-on dire des choses pareilles ? C’est n’importe quoi !

Mme Chantal Guittet. Mais ne votons pas cette proposition de résolution, qui déroge fondamentalement aux orientations de notre politique de santé. Pour toutes ces raisons, je ne la voterai pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

  1. le président. La discussion générale est close.

La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion.

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, monsieur le député Daniel Fasquelle, vous avez souhaité déposer une proposition de résolution parlementaire concernant l’autisme, un sujet qui, je le sais, vous intéresse tout particulièrement. Je souhaite donc, en quelques mots, vous exposer les priorités du Gouvernement à ce sujet.

L’année 2012 a été marquée par une réorientation majeure des politiques publiques en matière d’autisme, du fait de la parution des nouvelles recommandations de la Haute autorité de santé et de l’Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux – l’ANESM – pour la prise en charge des enfants avec des troubles du spectre autistique. Le troisième Plan Autisme 2013-2017 en a été la traduction. L’application des recommandations de bonnes pratiques professionnelles de la HAS et de l’ANESM est la colonne vertébrale de ce plan et de toutes les actions que nous avons menées en matière d’autisme depuis 2012.

Pour ma part, en prenant la suite de Marie-Arlette Carlotti, ma position n’a jamais varié sur ce sujet. En accord total avec les déclarations très récentes du professeur Catherine Barthélémy, récompensée aujourd’hui par le prix INSERM pour ses recherches sur l’autisme, je pense que ce n’est pas mon rôle de décider si telle ou telle méthode, si tel ou tel traitement serait meilleur qu’un autre. Si tel était le cas, pourquoi se limiter à l’autisme ?

En revanche, c’est mon rôle de promouvoir les recommandations de bonnes pratiques de la HAS. C’est aussi mon rôle de rendre accessibles à tous les données de la science, afin de garantir le meilleur accompagnement qui soit pour les enfants et les adultes autistes. C’est aussi mon rôle de travailler en lien étroit aussi bien avec les associations et les personnes avec des troubles du spectre autistique qu’avec les professionnels. C’est d’ailleurs tout le sens du comité de suivi du troisième Plan Autisme.

La politique que nous avons menée a d’ores et déjà produit ses fruits. Les priorités du troisième Plan Autisme, ce sont les diagnostics et les interventions précoces. C’est pourquoi nous privilégions l’accompagnement par des professionnels grâce à l’ouverture de places en services d’éducation spéciale et de soins à domicile – les SESSAD. C’est pourquoi nous avons réformé les centres de ressources autisme. Le décret les concernant sera présenté dès le mois de décembre au comité national consultatif des personnes handicapées. C’est pourquoi nous privilégions l’inclusion scolaire – ce sont 110 unités d’enseignement en maternelle qui ont été créées.

Le comité interministériel du handicap de vendredi dernier a été l’occasion pour l’éducation nationale de s’engager à développer des unités d’enseignement en école élémentaire et en unités localisées pour l’inclusion scolaire, ULIS. C’est aussi pourquoi nous avons créé les pôles de compétences et de prestations externalisées, afin de faciliter l’accès à une prise en charge par des professionnels libéraux. Enfin, en matière de communication, j’ai lancé la semaine dernière le nouveau site gouvernemental d’information sur l’autisme. Il est le fruit d’un travail collectif avec les associations de familles et de personnes autistes, les professionnels et les scientifiques. Ce site permet désormais au grand public d’avoir accès à une information officielle claire et validée scientifiquement.

Des travaux sont également en cours sur les recommandations pour les adultes avec autisme, et alors que les travaux de concertation sur le quatrième plan s’ouvriront dès le mois de janvier, le Gouvernement a rappelé, lors du comité interministériel du handicap du 2 décembre dernier, que ces réflexions se baseraient systématiquement sur les recommandations de bonnes pratiques, pour enfants et adultes, et ce dans tous les domaines de prise en charge. Ce ne sont là que quelques-unes des actions du troisième plan et du Gouvernement en matière de prise en charge de l’autisme. Bien sûr, il reste encore beaucoup à faire, et j’en ai tout à fait conscience, mais ces progrès permettent aujourd’hui, mieux qu’hier, d’accompagner les personnes et de soutenir les familles. Ce sont là des avancées concrètes, pragmatiques, guidées par le seul souci d’améliorer cet accompagnement.

J’en viens maintenant, monsieur Fasquelle, à votre texte. Dans votre proposition, j’ai noté quelques contradictions, ainsi qu’une méconnaissance au moins partielle des actions en cours. Cela m’a surprise ; c’est pourquoi j’ai jugé utile de faire une série de rappels. Je crains surtout, monsieur le député, que votre proposition, de façon intentionnelle ou non, n’ait pour effet de raviver des tensions qui n’ont plus lieu d’être. Cela m’inquiète, car je ne souhaite pas que les familles et les personnes autistes soient d’une certaine façon prises en otage par ces tensions.

  1. Daniel Fasquelle. Mais elles sont déjà prises en otage par les professionnels !

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État. Sur vos contradictions apparentes, je veux dire deux mots. Vous invitez le Gouvernement à, je vous cite, « prendre des mesures immédiates pour assurer que les droits des enfants autistes, en particulier leur droit à l’éducation inclusive, soient respectés ». Monsieur le député, la ministre de l’éducation nationale et moi-même nous battons quotidiennement pour que ce droit soit mis en œuvre. Sous l’autorité du Président de la République, que je veux saluer pour son implication constante dans ce domaine, le Gouvernement a créé des postes d’enseignants et a décidé de pérenniser les postes des auxiliaires de vie scolaire, AVS, en transformant les contrats aidés en CDD puis en CDI. Les AVS seront désormais des accompagnants des élèves en situation de handicap. On sécurise donc leur statut, mais on leur offre aussi une meilleure formation. Je veux vous le dire clairement : sans enseignants supplémentaires ni accompagnants, pas d’école inclusive ! J’aimerais donc que vous nous disiez comment vous comptez vous y prendre, car avec le programme que vous défendez derrière votre candidat à l’élection présidentielle, qui prévoit la suppression de 500 000 postes dans la fonction publique, combien de postes d’enseignants seraient amenés à disparaître ?

  1. Daniel Fasquelle. Ne faites pas de politique sur un sujet pareil ! Vous me décevez, madame Neuville.

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État. Combien de postes d’enseignants spécialisés ? Combien de postes d’accompagnants d’enfants en situation de handicap ? Monsieur le député, je connais votre engagement auprès des familles d’enfants autistes, et je le respecte profondément. Je vous demande simplement d’être cohérent, au-delà des postures politiciennes, car c’est une question de crédibilité – pour vous, mais aussi pour l’ensemble de la classe politique.

Quelques mots maintenant sur la méconnaissance de certaines actions actuellement menées, car c’est pour moi l’occasion de les promouvoir. Que faisons-nous d’ores et déjà en matière de formation des professionnels ? Nous diffusons de manière résolue les recommandations de bonnes pratiques, tant dans les formations initiales que dans les formations continues. En matière de formation initiale des professions paramédicales, les recommandations ont été diffusées, à travers un document extrêmement précis, à l’ensemble des instituts de formation et des agences régionales de santé. Par ailleurs, la réingénierie des diplômes paramédicaux, en cours depuis plusieurs années, a permis de faire évoluer les référentiels de formation dans le sens des recommandations de bonnes pratiques. Pour les formations médicales, le deuxième cycle des études a été revu en 2013 et tient compte des priorités de santé publique.

En matière de formation continue, l’arrêté du 8 décembre 2015 fixant les orientations du développement professionnel continu, le DPC, pour les années 2016-2018 reconnaît la prise en charge des troubles du spectre autistique comme orientation prioritaire de la politique nationale de santé. Par ailleurs, plusieurs autres professions de santé – pédiatrie, orthophonie – ont défini l’autisme comme orientation prioritaire pour le développement professionnel continu. Actuellement, nous travaillons avec l’Agence nationale du développement professionnel continu à la création d’une labellisation qui permette d’identifier les formations répondant aux recommandations de bonnes pratiques. Vous le voyez, monsieur Fasquelle – même si vous m’écoutez fort peu –, le Gouvernement mène une action résolue pour que tous les professionnels puissent avoir accès à une formation de qualité, conforme aux données de la science.

  1. Marc Le Fur. Vous vous adressez en réalité à votre majorité !

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État. Mais j’en arrive au point qui me chagrine le plus dans votre proposition. Je suis d’ailleurs extrêmement surprise que certains députés de votre groupe, eux-mêmes médecins, aient accepté d’associer leur nom à ce texte. Car ce que vous proposez dans votre résolution, en réalité, c’est tout simplement de supprimer la liberté de prescription des médecins.

  1. Daniel Fasquelle. Mais non !

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État. Ce que vous proposez va bien au-delà de la seule question de l’autisme.

  1. Daniel Fasquelle. C’est faux !

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État. Ce que vous proposez, c’est de réprimer pénalement tout professionnel de santé qui ne respecterait pas les recommandations de bonnes pratiques ; c’est écrit dans votre texte.

  1. Daniel Fasquelle. C’est l’application du droit commun.

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État. Imaginez les conséquences d’une limitation de prescription pour toute nouvelle approche qui n’entrerait pas dans les recommandations de bonnes pratiques – y compris celles basées sur des découvertes scientifiques publiées –, au prétexte qu’il faudrait attendre une réactualisation des recommandations ? Car des publications, il y en a tous les jours, alors que les recommandations ne sont renouvelées que tous les cinq à dix ans. Si vous ouvrez cette porte en matière d’autisme, vous savez fort bien que vous l’ouvrirez pour tous les domaines de la médecine. C’est cela, la réalité de votre proposition.

  1. Daniel Fasquelle. Ne caricaturez pas mes propos ! Je m’attendais à autre chose de votre part, madame Neuville. Vous faites de la politique politicienne de bas étage !

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État. Je pense ainsi qu’il est utile de rappeler ici l’article R4127-8 du code de la santé publique, qui nous dit : « Dans les limites fixées par la loi et compte tenu des données acquises de la science, le médecin est libre de ses prescriptions qui seront celles qu’il estime les plus appropriées en la circonstance. »

  1. Daniel Fasquelle. Voilà ! Dans les limites fixées par la loi !

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État. Ce texte a été modifié le 7 mai 2012, un décret y ajoutant les mots : « compte tenu des données acquises de la science ». L’obligation, pour les médecins, de respecter les données acquises de la science existe donc déjà.

  1. Daniel Fasquelle. Bien sûr, c’est ce que je demande de respecter !

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État. C’est pourquoi votre texte n’a pas lieu d’être. Et encore, s’il ne disait que cela… Mais vous y ajoutez les contraintes en matière de liberté de prescription.

  1. Daniel Fasquelle. C’est faux !

Mme Chantal Guittet. C’est vrai !

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État. Dans son code de déontologie, l’Ordre des médecins considère également que la liberté de prescrire du médecin doit tenir compte des données acquises de la science. Je veux aussi préciser que les éventuelles infractions aux dispositions de l’article R4127 du code la santé publique relèvent non de la justice pénale, mais de la juridiction disciplinaire de l’ordre des médecins.

Revenons à la HAS. Sa mission est de diffuser des protocoles détaillés pour guider le médecin dans sa pratique clinique. Les recommandations de bonnes pratiques sont définies dans le champ de la santé comme des propositions développées méthodiquement pour aider le praticien et le patient à rechercher les soins les plus appropriés dans des circonstances cliniques données. L’utilisation des recommandations de bonnes pratiques médicales permet d’accompagner le médecin dans son obligation de se fonder sur les données acquises de la science tout en respectant sa liberté d’exercice. Les recommandations de bonnes pratiques ne sauraient dispenser le professionnel de santé de faire preuve de discernement dans sa prise en charge du patient, qui doit être celle qu’il estime la plus appropriée, en fonction de ses propres constatations. C’est uniquement l’obligation déontologique d’assurer aux patients des soins basés sur des données acquises de la science qui est opposable aux professionnels de santé, depuis le décret du 7 mai 2012. Je m’étonne que parmi les nombreux signataires de cette résolution, dont plusieurs médecins, nul n’ait soulevé cette question !

Mme Chantal Guittet. Ils ne l’ont pas lue.

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État. Quant à demander au Gouvernement d’engager la responsabilité pénale des professionnels de santé, vous me permettrez de faire quelques remarques. Tout d’abord, je ne crois pas qu’il serait souhaitable qu’un gouvernement, quel qu’il soit, prétende faire de la médecine à la place des médecins. Ce serait une porte ouverte à tous les abus. Ensuite, je veux rappeler que la régulation des pratiques médicales obéit à des règles et à des instances – en l’occurrence l’Ordre des médecins –, et la menace d’une sanction pénale en raison de telle ou telle pratique médicale fondée sur un état de la science à un moment donné ferait de tout médecin, tout au long de sa carrière, un criminel en sursis. Voilà la réalité de ce que vous proposez. Je ne sais comment vous avez pu imaginer, monsieur le député, qu’une telle proposition puisse s’appliquer dans un pays comme la France ! Je ne sais comment certains de vos collègues, qui avant d’être parlementaires étaient médecins, ont pu vous soutenir dans cette entreprise malheureuse. Chacun ici doit avoir en tête le serment d’Hippocrate : « Je préserverai l’indépendance nécessaire à l’accomplissement de ma mission. Je n’entreprendrai rien qui dépasse mes compétences. Je les entretiendrai et les perfectionnerai pour assurer au mieux les services qui me seront demandés ».

  1. Daniel Fasquelle. Vous ne parlez que des médecins. Parlez plutôt des familles !

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État. Tout est dit ! Le Gouvernement estime ainsi que, comme l’ont rappelé de nombreux professionnels éminents dans une tribune parue la semaine dernière dans un grand quotidien national, seule la science doit guider les décisions médicales. Et l’obligation de prendre en compte les avancées de la science figure déjà dans tous les textes : le code de la santé publique, le code de déontologie de l’Ordre des médecins et le serment d’Hippocrate. Mesdames et messieurs les députés, autant mon engagement est total pour promouvoir les recommandations de la HAS en matière d’autisme, autant votre proposition, telle qu’elle est rédigée, constitue une attaque sans précédent contre l’ensemble des professionnels de santé.

Mme Chantal Guittet. Exactement !

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État. Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est défavorable à votre proposition de résolution. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Mme Chantal Guittet. Bravo !

Explications de vote

  1. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Daniel Fasquelle, pour le groupe Les Républicains.
  2. Daniel Fasquelle. Madame la ministre, vous m’avez énormément déçu. Non seulement certains propos relevaient plus de la basse politique que du débat en cours, mais surtout vous avez passé votre temps à parler des professionnels et non des familles. Je suis heureux d’avoir fait entendre, dans cet hémicycle, la voix de ces dernières, et j’aurais aimé vous en entendre parler plutôt que de vous voir vous livrer à un exercice de défense des professionnels. D’ailleurs, la plupart des collègues qui sont intervenus l’ont fait pour défendre ces professionnels, mais à aucun moment l’on n’a évoqué la souffrance des familles et la réalité qu’elles vivent.

Mme Chantal Guittet. Ce n’est pas vrai !

  1. Daniel Fasquelle. Ces familles attendent que nous prenions des décisions courageuses et que nous allions de l’avant. Ce texte est certes imparfait ; il est dommage qu’on ne puisse pas travailler en commission pour amender les propositions de résolution. On aurait pu faire progresser le texte ensemble. En attendant, il est là et moi-même et mon groupe le défendons.

Certes, des progrès ont été accomplis. Je ne veux pas faire de politique politicienne sur ce sujet ; si j’ai créé, en 2011, le groupe d’études sur l’autisme, j’en ai proposé la coprésidence à Gwendal Rouillard. J’ai toujours refusé de faire de la politique politicienne dans ce domaine ; c’est pourquoi, madame la ministre, je n’ai pas apprécié certains de vos propos. Beaucoup a été fait avec la loi Chossy, le travail réalisé en 2010, puis en 2012, puis celui que votre gouvernement a mené – je le reconnais parfaitement et je ne l’ai à aucun moment remis en cause. Je trouve simplement qu’on ne fait pas assez et qu’on ne va pas assez vite. C’est ce que me disent les familles et ce que nous vivons sur le terrain. Tout l’objet de cette résolution est de donner un coup d’accélérateur au lieu d’attendre encore vingt ou trente ans pour enfin impulser l’évolution qu’ont réalisée d’autres pays.

Vous me parlez de liberté de choix ; mais celle-ci n’existe pas pour les familles. On est obligé de créer des structures financées par des dons et animées par des bénévoles pour permettre aux familles d’accéder à des méthodes qui devraient être remboursées par l’État et être à leur disposition. La réalité, aujourd’hui, c’est que les familles galèrent. Les seules à jouir de la liberté de choix sont celles qui ont de l’argent, et cela me surprend que des socialistes défendent un système dans lequel ceux qui ont de l’argent peuvent avoir accès aux méthodes éducatives et comportementales, alors que ceux qui n’en ont pas ne le peuvent pas. Un de mes amis a dû vendre son appartement, et sa femme, arrêter de travailler pour qu’ils puissent s’occuper de leur enfant. Est-ce normal ?

  1. François Loncle. Mais arrêtez de tout mélanger !
  2. Daniel Fasquelle. Non ! En revanche, s’ils avaient choisi les méthodes que défendent certains d’entre vous, ils auraient bénéficié d’une prise en charge totale. Ce n’est pas normal, et cela me révolte. C’est cette colère des familles dont je veux me faire le porte-parole aujourd’hui, et je regrette votre position.

Quant à la liberté de prescription, ne défendez pas mon texte ! Bien évidemment, et cela a été cité à plusieurs reprises, il s’agit de respecter la liberté de prescription des médecins, mais dans les limites de la science. Je demande simplement que les professionnels de santé français tiennent compte des avancées de la science et empruntent le chemin qu’ont suivi tous les autres praticiens dans le monde. C’est tout ce que je demande ! Certains textes auxquels je fais référence ont été montés en épingle, mais ils relèvent du droit commun.

Je ne demande pas la création d’un régime spécial pour l’autisme, qui aurait vocation, par la suite, à être appliqué à d’autres professionnels ; je demande au contraire que l’on applique dans le domaine de l’autisme ce que l’on applique dans toutes les autres disciplines.

Mme Chantal Guittet. Dont la psychanalyse !

  1. Daniel Fasquelle. Mais non ! Je suis désolé, madame Guittet, le choix est strictement binaire : ou c’est une psychose, ou ce n’est pas une psychose. Or les instances internationales qui se sont penchées sur cette question et la Haute autorité de santé sont unanimes : ce n’est pas une psychose, ce n’est pas une maladie psychiatrique.
  2. Gérard Sebaoun. Nous n’avons pas dit le contraire !
  3. Daniel Fasquelle. Pourquoi donc défendre la psychanalyse et la psychiatrie pour traiter une maladie qui n’est pas une psychose ?

Ce n’est pas une maladie psychiatrique, c’est un trouble envahissant du développement. Il faut donc faire comme la Belgique : utiliser massivement les méthodes éducatives et abandonner les méthodes inappropriées, qui n’ont pas à être employées dans ce contexte.

Vous nous dites : il ne faut pas s’ingérer dans le choix des thérapies. Qu’est-ce que c’est que cette histoire ? Madame la secrétaire d’État, c’est complètement contradictoire ! Vous avez avec courage, dans le cadre du Plan Autisme, décidé que tous les moyens supplémentaires seraient consacrés uniquement aux méthodes éducatives et comportementales. Vous avez donc fait un choix !

  1. Gérard Sebaoun. C’est vous qui mettez en cause ceux qui choisissent d’autres méthodes que celles que vous préconisez !
  2. Daniel Fasquelle. De la même manière, lorsque dans le cadre du projet de loi de financement de la Sécurité sociale, vous faites adopter des moyens financiers pour soutenir tel ou tel traitement, telle ou telle méthode, eh bien vous faites des choix ! On n’arrête pas de faire des choix, ici ! Simplement, nous devons opérer ces choix à la lumière de la science, comme l’a fait la Haute Autorité de santé dans ses recommandations de bonnes pratiques éducatives et comportementales.

Mme Catherine Lemorton. C’est deux minutes, une explication de vote !

  1. Daniel Fasquelle. Vous ne pouvez pas dire qu’il ne faut pas s’ingérer dans le choix des thérapies, et en même temps préconiser les méthodes éducatives et comportementales – comme vous l’avez fait récemment, avec courage, via un site internet.
  2. Gérard Sebaoun. Vous confondez prescription et injonction ! C’est incroyable !
  3. Daniel Fasquelle. Soit on préconise ces méthodes : dans ce cas, il faut aller au bout de la démarche ; c’est ce que j’entends faire au moyen de cette proposition de résolution. Soit un reste complètement neutre : mais alors il faut l’être aussi dans le cadre du Plan Autisme, et dans le cadre du site internet dont j’ai parlé !
  4. le président. Il faut conclure…
  5. Daniel Fasquelle. Osez aller au bout de la démarche ! Je sais qu’au fond de vous-mêmes, vous êtes d’accord avec moi ! Le choix est clair : soit on va au bout de la démarche, en répondant aux attentes des familles,…
  6. François Loncle. Quelles familles ?
  7. Daniel Fasquelle. …en traitant comme ils doivent l’être les enfants autistes de France ; soit on continue à tergiverser, soi-disant pour apaiser les débats, mais en réalité simplement pour gagner du temps, et nous mettrons vingt ou trente ans à parcourir le chemin que d’autres pays ont déjà fait depuis longtemps.
  8. Gérard Sebaoun. Ils en reviennent, et vous le savez !
  9. le président. Merci, monsieur Fasquelle.

J’informe Mmes et MM. les députés que le temps de parole pour une explication de vote est de cinq minutes. La présidence de séance ne laisse pas parler les députés sans aucune limite ! Cela dit, les orateurs sont toujours libres de ne pas utiliser la totalité de ce temps pour expliquer le vote de leur groupe.

La parole est à M. Meyer Habib, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

  1. Meyer Habib. J’ai écouté attentivement tous ces débats. Il s’agit d’une question très dure, très poignante, dont nous n’avons pas l’habitude dans les débats politiques traditionnels. J’ai donné tout à l’heure la position du groupe de l’Union des démocrates et indépendants, qui a décidé de voter contre ce texte. Avec votre permission, monsieur le président, je donnerai à présent ma position personnelle, telle qu’elle s’est imposée à moi après avoir écouté les différents orateurs.

Il y a encore une vingtaine de minutes, je me posais en mon âme et conscience la question de savoir s’il fallait voter pour ou contre ce texte. J’ai écouté les uns et les autres : il y a du vrai dans chacune des thèses défendues. J’ai aussi longuement parlé avec Daniel Fasquelle.

J’ai par ailleurs eu la chance de connaître le professeur Feuerstein, qui est décédé l’année dernière à Jérusalem. J’ai passé beaucoup de temps avec lui, car il me demandait de l’aider, dans le cadre de mes fonctions – nouvelles pour moi à l’époque – de député de la République. J’ai regardé des films sur cette question ; j’ai compris que des méthodes étaient appliquées, qui ne donnaient aucune chance à certains enfants ; j’ai vu comment, au contraire, par des méthodes éducatives, ce professeur a sauvé des enfants que tout le monde pensait perdus.

Je ne vous cache pas que j’ai eu parfois les larmes aux yeux en regardant ces films. Je comprends très bien que l’on vote contre ce texte, ou que l’on s’abstienne ; mais pour ma part, j’ai décidé, à titre personnel, de voter pour le texte de Daniel Fasquelle.

  1. Daniel Fasquelle. Bravo !
  2. Meyer Habib. C’est ce que je pense réellement en mon âme et conscience.

Madame la ministre, vous avez tenu des propos très durs envers Daniel Fasquelle.

  1. Marc Le Fur. Tout à fait !
  2. Meyer Habib. Je vous invite à les relire ! Il a défendu ce texte avec passion, avec une grande connaissance de ces questions ; c’est pourquoi j’ai décidé, monsieur le président, de voter pour ce texte à titre personnel.

Mme Catherine Lemorton. Vous exposez votre position personnelle : ce n’est pas une explication de vote de groupe, alors !

  1. Meyer Habib. Je n’ai pas le droit d’exposer une opinion personnelle, alors ? Et c’est moi qui suis totalitaire !
  2. le président. Monsieur Habib, vous êtes le seul représentant de votre groupe. Votre intervention figurera donc au compte rendu comme l’explication de vote de votre groupe.La parole est à M. Philip Cordery, pour le groupe socialiste, écologiste et républicain.
  3. Philip Cordery. J’expliquerai le vote de mon groupe. Lors des explications de vote, en effet, sont exposées les positions de vote des groupes ; chaque député ne peut pas donner son avis personnel.
  4. Meyer Habib. J’en ai informé mon groupe !
  5. Philip Cordery. Cela, c’est votre problème !

Nous avons eu un débat assez riche aujourd’hui. Mais la question reste assez claire : les recommandations de la HAS et de l’ANESM sont, depuis le troisième Plan Autisme, la norme de l’accompagnement de l’autisme. Les choses avancent dans ce pays, monsieur Fasquelle : vous devriez le reconnaître !

  1. Daniel Fasquelle. Mais je soutiens le quatrième Plan Autisme !
  2. Philip Cordery. C’est une question qui dépasse les clivages politiques. Les mentalités commencent à changer ; les gouvernements successifs – je l’ai rappelé tout à l’heure – agissent en ce sens. Personne ne peut dire le contraire : les familles sont au cœur des préoccupations du Gouvernement. Dans ce débat, lorsque nous réfléchissons au quatrième Plan Autisme, les familles sont au cœur de nos préoccupations.
  3. Daniel Fasquelle. Alors faites un choix ! Ne vous retranchez pas derrière le refus de l’ingérence !
  4. Philip Cordery. Je peux vous le dire : au sein de notre groupe, nous serons tous vigilants. Nous veillerons tous à ce que ces recommandations de bonnes pratiques soient au cœur du quatrième Plan Autisme. Dans les appels à projet, dans les formations, ces recommandations devront systématiquement être respectées.

Votre proposition de résolution, monsieur Fasquelle, nous divise plutôt qu’elle nous unit. Elle stigmatise plutôt qu’elle n’incite à agir ensemble. Agissons ensemble ! Soyons constructifs !

  1. Daniel Fasquelle. Je l’ai toujours été !
  2. Philip Cordery. Apportons notre contribution au quatrième Plan Autisme : nous ferons là œuvre utile, plus qu’avec cette proposition de résolution déposée, de façon quelque peu opportune, quelques mois avant les élections. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)
  3. Daniel Fasquelle. Ne dites pas cela ! Cela fait des années que je me bats sur ce sujet !
  4. Marc Le Fur. C’est affligeant !
  5. le président. Seul M. Cordery a la parole !
  6. Philip Cordery. Le véritable enjeu, aujourd’hui, est de travailler ensemble. Cela fait des années que nous travaillons ensemble sur ces questions. Plutôt que de présenter des résolutions, nous devrions continuer à agir ensemble au sein des structures comme le comité de suivi du Plan Autisme, dans le cadre, par exemple, de la concertation préalable au quatrième Plan Autisme.

Nous souhaitons tous que les mentalités changent sur le terrain, et que les familles aient accès à des traitements totalement en phase avec les recommandations de la HAS et de l’ANESM, que nous soutenons tous.

Vote sur la proposition de résolution

  1. le président. Je mets aux voix la proposition de résolution.

(La proposition de résolution n’est pas adoptée.)

La séance est levée à treize heures vingt.

La Directrice du service du compte rendu de la séance de l’Assemblée nationale Catherine Joly.