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16 mai 2007

Vive la psychothérapie institutionnelle ! Philippe Grauer, Pierre Delion

vive la psychothérapie institutionnelle !

par Philippe Grauer

La psychothérapie institutionnelle marqua la psychiatrie d’après-guerre. Le beau nom de psychothérapie y prenait le sens d’une adaptation psycho socio organisationnelle de la pensée psychanalytique au contexte de l’hôpital psychiatrique. Au carrefour de la psychanalyse et d’une psychosociologie freudo marxisante s’inspirant de Sartre (puis Marcuse), ne répugnant pas à parler Lacan (pour le meilleur et pour le pire), s’appuyant sur Foucault, elle disait que l’organisation institutionnelle de l’hôpital rendait fou à son tour, en répliquant l’image d’une société elle-même pathogène.

Elle disait qu’il fallait prendre soin tout autant des soignants que des soignés, faute de quoi l’hôpital se voyait condamné à n’être qu’une maison de fous concentrationnaire qui rappelait le cauchemar dont sortait l’époque.

La dynamique de cette pensée propulsa le formidable mouvement de libération de la psychiatrie qui, prenant son assise sur les concepts de base de la psychanalyse, aboutit à la liquidation de la pensée et de la pratique asilaire. Elle propulsa également la dynamique de la psychosociologie et de la réflexion organisationnelle et institutionaliste qui donnera l’analyse institutionnelle (Lapassade, Lourau) et la pédagogie du même nom (Oury, Lobrot, deux orientations différentes), débouchant sur l’orientation non directive (C. Rogers, M. Pagès, de Peretti, etc), laquelle précéda l’irruption du Mouvement du potentiel humain, fils de la psychologie humaniste américaine et père des Nouvelles thérapies dont la psychothérapie relationnelle représente l’aboutissement actuel.

La dynamique de cette pensée dont nous sommes héritiers aboutit au surgissement de 68. Ce mouvement manifesta avec vigueur la sortie de l’après-guerre d’une nouvelle génération. Soucieuse de se dégager d’un modèle autoritaire étriquant ses aspirations, la jeunesse d’alors ne pouvait mesurer encore que la société de consommation qu’elle vilipendait conduisait au tsunami de la mondialisation libérale sur fond du remodelage économique des Trente calamiteuses succédant aux glorieuses.

Savoir d’où l’on vient permet de mieux comprendre où l’on pourrait bien aller. Les «  psychistes » de Tosquellas sont devenus les psys. La psychothérapie relationnelle, psychothérapie de la dynamique de la subjectivité, a pris le relais de la psychothérapie, terme générique ayant fini par prêter à confusion. L’Histoire a avancé. Le livre de Joseph Mornet nous rappelle le chemin parcouru, et nous dit la pérennité d’une clinique maintenue en certains lieux qui se poursuit comme source d’inspiration.

Lisez ce livre et vous comprendrez mieux le sens de la pratique psychothérapique contemporaine.


Philippe Grauer, Pierre Delion

Joseph Mornet, Psychothérapie institutionnelle, Histoire et actualité

analyse par Pierre Delion

Dans son ouvrage Joseph Mornet propose trois grandes parties :

– Une première dans laquelle il décrit la naissance et le développement de la Psychothérapie institutionnelle et reprend le concept fondamental d’ aliénation sociale selon plusieurs perspectives notamment avec Marx et Sartre. Il montre comment la réalisation de « club thérapeutique » peut en résulter selon une dialectique subtile et opératoire.

– Dans la deuxième partie, il développe l’idée de l’ aliénation mentale en reprenant son parcours dans l’histoire de la folie, puis la « nouvelle administration de la folie » résultant des organisations plus récentes en matière de psychiatrie.

– Dans la troisième partie, il développe autour des grandes questions de transfert, psychose et institution , la pertinence des outils et des opérateurs conceptuels de la Psychothérapie institutionnelle. Il précise en quoi des concepts fondamentaux, tels que celui de liberté, d’humour et de risques du soin peuvent ou non modifier profondément les conditions d’exercice de nos métiers de psychistes (Tosquellas). Enfin il accorde une place importante à ce qu’il définit comme « soigner les soignants ».

Dans ce livre, les différents concepts de la psychothérapie institutionnelle sont revisités d’une façon précise et la longue expérience de l’auteur donne à l’ouvrage une authenticité qui en garantit la pertinence. Les principaux théoriciens de ce mouvement sont relus avec acuité et il est intéressant de voir comment les concepts cliniques et psychologiques sont déclinés en tenant compte des aspects institutionnels et inversement.

Tout cela fait de ce livre, non seulement une très bonne introduction à cette histoire de la Psychothérapie institutionnelle, mais aussi un manuel à la disposition des praticiens aguerris ou en formation pour approcher au plus près d’une méthode thérapeutique porteuse d’outils féconds pour demain.

Pierre Delion

Mis en ligne le 16 mai 2007