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1 mars 2012

Autisme, un témoignage

Écouter soigneusement sans s’embarquer d’un bord à l’autre

Par Philippe Grauer

Notre collègue Michelle Tual-Artigues nous écrit. Quand j’ai dit à Anne-Cécile, ma nièce, maman d’un enfant autiste, Arthur 6 ans, que j’avais signé la pétition de Balat en fait de [Pierre Delion, hébergée sur le site Balat, note de la Rédaction], elle a fortement réagi. Elle a créé avec d’autres parents, l’école ABA à Nantes. Je vous livre ses courriels.

Nous choisissons d’éditer ces courriels tels quels, adoptant un des principes directeurs de notre École qui n’entend qu’une cloche n’entend qu’un son.

Cela n’empêche que nous tenons la psychanalyse en haute estime. Elle ne saurait se réduire à ce que certains de ses représentants ont pu faire et dire pour la déconsidérer. Notre collègue a reçu successivement trois courriels, nous laissons la progression s’établir d’elle-même.

Nous continuons de militer pour que cette complexe pomme de discorde de l’autisme ne serve pas à éliminer la psychanalyse après que cette dernière ait tenté d’éliminer les autres courants. Il demeure qu’il y a beaucoup à entendre, d’une parole trop longtemps occultée par des spécialistes mêmes de la parole libre et libératrice.

De toute façon, éducation et soin peuvent aller de pair. L’antipsychanalytisme primaire qu’on trouve à la base de l’argumentation des associations de parents ayant pris le légitime parti de l’éducation fait pâtir ce même parti d’un fanatisme d’école. Opposer une attitude passionnelle dogmatique à un autre dogmatisme positionne en miroir deux postures erronées. Autant il importe d’écouter attentivement tous les protagonistes de ce débat qui vire au combat acharné, avec ses composantes idéologiques, autant nous continuons d’estimer dommageable de chercher à substituer une hégémonie à une autre.


Autisme, un témoignage


premier courriel

Il se trouve que Balat est très exactement le genre de professionnel de l’autisme contre lesquelles les associations de familles se battent !
non je ne peux signer cela. Et je pense qu’il est important que ceux qui le font lisent mon modeste témoignage.

[Image : Sans titre]

Balat est de ceux qui ont fait que la France a pris quarante ans de retard dans l’accompagnement des autistes et de leurs familles. Des gens inspirés par Balat m’ont demandé ce qui avait pu chez moi générer l’autisme de mon fils. J’étais déjà à terre. Accueillir un enfant différent se fait dans la douleur. Là, on m’a piétinée en me demandant comment j’avais causé cela. Je rappelle qu’Arthur a une anomalie génétique identifiée (microdélétion de shank 3 sur le chromosome 22).

J’ai refusé de leur laisser mon enfant dans une pataugeoire en attendant l’ « émergence du désir ». Nous avons choisi une éducation adaptée à son handicap, faite de supports visuels, de renforçateurs et d’Amour. De compréhension de sa manière d’appréhender notre monde.

Aujourd’hui, il est continent, il dit une trentaine de mots. Il reconnait les premières lettres de son prénom. Il est intégré dans sa classe. J’aurai du préférer l’asile psychiatrique, le poney club à vie ? car c’est ce qu’on nous proposerait.

Les gens qu’il est aujourd’hui question de défendre dans cette pétition préconisent aujourd’hui le packing, c’est-à-dire l’enveloppement des enfants nus dans des draps humides, réfrigérés à 8 degrés pour calmer les autistes. Nous sommes le seul pays au monde à pratiquer un acte sans le consentement de celui qui le subit. Je refuse le packing pour mon fils. Jamais un de ces thérapeutes ne s’approchera de mon fils. Jamais ! vous savez quoi ? tout ça parce que je suis une mère narcissique.

L’autisme est un trouble neuro-développemental et non une maladie mentale. Pas une psychose infantile, pas une dysharmonie évolutive, pas une dysfonctionnement de la relation mère-enfant mais un handicap neurologique. Le monde entier le dit, la génétique et l’imagerie le prouvent. Rien à ce jour n’a fait la preuve de l’existence de l’inconscient du moi du surmoi, du transfert, ou de ce genre de chose.

La psychanalyse est à la science ce que l’astrologie est à l’astronomie. Le monde scientifique international dénonce la France. Elle a été condamnée par le Conseil de l’Europe. Des députés dénoncent très très bien.

Or, aujourd’hui, les professionnels français sont toujours d’obédience freudo lacano machin, approche qui n’a pas fait ses preuves. Loin sans faut. Ils font des procès à ceux qui osent leur reprocher leur pratique. Ils gardent leur bisness. Les autistes et les familles souffrent et eux continuent à les tenir en otage.

deuxième courriel

J’ai répondu tout à l’heure dans l’émotion vive. Tu sais que l’autisme est quelque chose qui me touche bien au delà du raisonnable et du rationnel. Je n’aime pas écrire sans me relire et je t’ai envoyé un texte peu construit, je tiens donc à t’exposer, sans colère, ce qui me choque dans cet appel, et dans la victimisation des psychanalystes.

Pour qui ne connait pas bien la question, cet appel est très œcuménique. « Cessons-là nos querelles stupides, et attelons nous au vrai problème : les vrais moyens. » Ben voyons ! ça en France, ça marche toujours. Mais le problème est tout autre, les familles demandent aujourd’hui que les fonds dédiés à l’autisme soient affectés différemment et qu’on leur offre un choix entre deux formes de prise en charge des personnes autistes, enfant, mais aussi adulte.

monsieur Balat et ses amis ne souhaitent pas être privés de leur gagne pain. Parce qu’en cette année de cause nationale, ceux à qui on confie dans les conditions déplorables que l’on sait, les autistes veulent qu’on travaille tous dans un même sens ?

C’est impossible car nous n’avons pas la même définition de l’autisme. Dysfonctionnement de la relation à l’autre ou souci dans le cortex frontal qui engendrent des troubles de la perception ? je n’adhère pas à leur approche, et je veux qu’on m’accorde ce droit élémentaire. Ils ne peuvent travailler avec les familles car les mères sont toujours pathogènes. Ils s’en défendent aujourd’hui, mais ils ont dit les pires choses aux mamans, ont séparé des familles. Que sur le terrain, ils continuent à bousiller les gens.

je ne lutte pas contre les approches psychanalytiques. Je n’y adhère pas, mais je m’en fous, dès lors que ce n’est pas pris en charge par la sécurité sociale. Si je suis en colère, c’est parce que depuis trente ans, les familles n’ont pas d’autre choix si elles n’ont pas d’argent. Mais pire encore, depuis trente ans, ils s’évertuent à discréditer les prises en charge éducative comportementale et cognitive en les caricaturant.

Actuellement, d’autres grands professionnels, neurologues, généticiens, dénoncent la supercherie. Une proposition de loi a été déposée pour proposer que l’approche psychanalytique soit déclarée inefficace. Ces signataires vont se battre jusqu’au bout. pour ma part, je suis très en colère quand je pense aux saccages qu’ont fait ces gens là. Là où leur suffisance les à mener. Ils méritent vraiment le sort de Servier. À l’inverse, je signe des pétitions pour soutenir les gens qui font des films pour prouver la supercherie.

Voila. Ça me tient très très à cœur, et je voulais m’en expliquer.

troisième courriel

Je sais très bien que tu entends mon point de vue, mais je voudrais que tu ne te méprennes pas sur ma colère.

Pour conclure cette discussion, je tiens juste à te dire que oui, des soignants s’investissent en toute bonne foi dans l’autisme, mais que l’enfer est pavé de bonnes intention. Je suis dans la colère effectivement, mais cette colère n’est pas liée qu’à la douleur. Parce que j’ai beaucoup lu, parce que j’ai suivi beaucoup de formations, je connais aujourd’hui mieux le handicap de mon fils que beaucoup de ceux qui prétendent accompagner les autistes. Et je suis surtout très en colère parce que les enfants et les adultes comme lui ne sont pas bien traités dans ce pays.

Les familles doivent pouvoir choisir ce qui est bon pour la personne avec autisme. Ce n’est pas aux soignants de choisir pour elles. Et les familles ne veulent plus des soins d’inspiration psychanalytique qui n’ont jamais apporté le moindre résultat. Elles veulent une éducation adaptée pour leurs enfants. Parce qu’ils le valent bien.

C’est un vrai combat que les familles mènent aujourd’hui contre l’approche psychanalytique de l’autisme. Il n’est pas inspiré seulement par la douleur ou la souffrance, mais par le fait que le monde entier offre des solutions adaptées, qui fonctionnent, et que les psyKk ont pris en otage la santé mentale depuis plus de quarante ans, sans apporter aucun résultat.

Je souhaiterais vraiment que tu lises ces deux textes. je connais personnellement les deux personnes qui les signent.

premier texte (page actuellement inexistante)

second texte.

Magali, qui est elle même autiste asperger et qui a été diagnostiquée à l’âge adulte, est la maman d’un enfant de l’âge d’Arthur.

Je sais que tu fais cela en toute bonne foi, et que c’est l’humain qui t’importe. Mais quid de l’humain quand le travail n’est pas fait en toute honnêteté et au mépris des avancées scientifiques ? quand on travaille avec la personne handicapée sans collaboration avec ses parents ?

Si ton petit fils venait à perdre la vue pour une raison génétique ou neurologique quelconque, accepteras-tu qu’on te dise qu’il est urgent d’attendre qu’émerge chez lui l’envie de voir en le laissant dans un hôpital avec tout plein de gentils soignants qui sont très gentils ? Qu’il ne faut surtout pas qu’il aille à l’école et qu’on lui apprenne à lire le braille ? et qu’il faut que sa mère cherche à quel moment elle a été défaillante ? c’est exactement ce qui se passe aujourd’hui. parce qu’on refuse de diagnostiquer les autistes – âge moyen du diagnostic en France 6 ans, âge moyen du diagnostic en suède 16 mois ! – et de leur offrir une prise en charge adaptée.

Voir également

-* L’Autisme et la querelle des classifications nosographiques [février 2012] par Patrick Landman, précédé de « Patrick Landman : au DSM mal conçu opposons l’alternative de notre CFTMEA », par Philippe Grauer
-* J’ai un enfant autiste, j’envisage de m’exiler [29 février 2012] par Magali Pignard
-* Pétition internationale pour l’abord clinique de l’autisme par le CLIPS (mouvance Cause freudienne) [24 février 2012]
-* Autisme, la psychanalyse (enfin) contrainte à évoluer [22 février 2012] par Serge Tisseron in Libération prédé de « Et si que la psychanalyse jouait l’ouverture ? » par Philippe Grauer
-* Ni rituel psychanalytique ni réductionnisme génétique ! Les malades méritent mieux [22 février 2012] par un Collectif
-* Autisme : c’est la psychiatrie qu’on attaque. Défendre la psychothérapie institutionnelle [22 février 2012] par Jean-François Rey
-* APPEL A UNE PLATE FORME CONSENSUELLE POUR L’ANNÉE DE L’AUTISME 2012 [21 février 2012]
-* Packing – convoqué par l’Ordre le Pr. Delion s’explique [18 février 2012] entretien Quotidien du médecin, conduit par David Bilhaut, précédé de « Pour une démarche intégrative humaniste, contre la guerre des emmurés » par Philippe Grauer
-* Alain Vanier écrit à la HAS [16 février 2012]
-* autour des enfants autistes, une bataille de bac à sable [14 février] par Laure Daussy
-* autisme – guerre ouverte contre la psychanalyse [17 février] par Catherine Vincent – Le Monde 17 février
-* autisme – quel jugement pour quelle cause ? [16 février] précédé de « Conviction peu convaincante » par Philippe Grauer
-* autisme – la HAS prend position [14 février] par AFP/PHILIPPE HUGUEN, précédé de Psychanalyse, récifs en vue, par Philippe Grauer
-* Autisme dans Libé [13 février] par ERIC FAVEREAU, précédé de « Pour une démarche intégrative« , par Philippe Grauer.
-* Autisme– les psychologues freudiens entrent dans l’arène [6 février] par InterCoPsychos N° N°327
-* Autisme – à propos du packing [6 février] par Pierre Delion
-* Autisme : Delion, packing, inquiétante comparution [6 février] par sans auteur
-* Autisme : Guy Baillon écrit au Conseil de l’Ordre [6 février] par Docteur Guy Baillon, Psychiatre des hôpitaux
-* Les batailles de l’autisme : hier et aujourd’hui [6 février] par Jacques Hochmann, précédé de « Y voir clair dans la question de l’autisme » par Philippe Grauer
-* Psychanalystes, encore un effort pour ne pas délirer sur l’autisme ni adhérer aux positions d’Edwige Antier [6 février] par Michel Rotfus, précédé de « À droite, droite ! » par Philippe Grauer
-* psychanalyse et autisme : la polémique [31 janvier] par Élisabeth Roudinesco – précédée de « Résister à la bêtise de l’autre démultipliée par la sienne propre », par Philippe Grauer
-* Autisme : la psychanalyse en procès [30 janvier]
-* autisme – appel à soutien à Pierre Delion et David Cohen [29 janvier] précédé de « Ne pas jeter l’enfant avec l’eau du soin humide », par Philippe Grauer
-* autisme packing – Lettre ouverte des 39 par Collectif des 39 [27 janvier 2012]
-* Autisme – dossier [22 janvier]
-* Autisme – une maladie grave aux multiples visages [17 janvier] par Élisabeth Roudinesco
-* Autisme : dogmatismes en duel au tribunal de Lille [Décembre 2011] par Stéphanie Maurice
-* Autisme : les emmurés de l’indicible [Novembre 2010] par Élisabeth Roudinesco chronique Henri Rey-Flaud
-* Autisme : Les enfants de l’indicible peur [Octobre 2010]
-* L’autisme au cœur de l’humain. Approche psychanalytique [Octobre 2010]
-* Autisme — halte à la désinformation ! [Mai 2009] par Caroline Eliacheff. Précédé de « Pas l’un ou l’autre mais l’un & l’autre » par Philippe Grauer
-* Autisme — lettre ouverte aux parents d’autistes, à leurs éducateurs et soignants [Avril 2009] par Pierre DELION — introduction de Philippe Grauer
-* Autisme à nouveau [Octobre 2008] par Par Isabelle Fauvel , du Collectif InterCoPsychos de Saint-Malo, avant-propos de Philippe Grauer
-* Henri Rey-Flaud expose avec clarté les théories, approches et hypothèses sur l’énigme de l’autisme [Mai 2008] par Élisabeth Roudinesco, suivi de 8 commentaires.
-* Autisme et impasses de la médecine chroniqués au Monde des livres [Avril 2008] par Élisabeth Roudinesco, avant-propos de Philippe Grauer
-* Sandrine Bonnaire témoigne [Janvier 2008] par Éric Favereau — précédé de « Sandrine Bonnaire sans haine dit la souffrance » par Philippe Grauer
-* Sandrine Bonnaire, sa sœur, l’HP ordinaire. [Janvier 2008] par Libération