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14 août 2012

Camus – l’historien écarté le faiseur promu Jonathan Bouchet-Petersen, Libération, & Philippe Grauer, « L’étranger qui nous ressemble » et l’historien révolté

L’étranger qui nous ressemble et l’historien révolté

par Philippe Grauer

« Exposition Camus : Stora, l’homme révolté contre le choix d’Onfray » titre Libération du 13 août à propos de l’exposition Camus prévue à Aix en Provence dans le cadre de Marseille 2013, commémorant le centenaire de l’écrivain. Les organisateurs légitimes : Catherine Camus, l’héritière, et Maryse Joissins la maire UMP d’une ville qui compte 40 000 pieds-noirs et un boulevard Bastien-Thiry. Benjamin Stora, comme nous l’avons annoncé précédemment, n’en est toujours pas revenu de son éviction. Exit l’exposition Camus l’étranger qui nous ressemble, introït Camus un homme révolté qui ressemble à Onfray. Furax, Benjamin Stora, spécialiste reconnu de la guerre d’Algérie, rappelle qu’il a travaillé à cette exposition depuis 2009, ce pour quoi il vient de recevoir pour solde de tout compte 1500 €. Pas vraiment des manières.

il fallait un historien qualifié, ce fut un faiseur qui l’obtint

Il paraît lance Stora qu’il y fallait un auteur plus vendeur façon Ruquier, Ardisson, Denisot, la grande culture quoi – ou encore Entoven ou Finkielkraut, qui n’ont rien spécialement à voir avec Camus. Il paraît surtout que quand on manque d’élégance on choppe la place d’un autre respecté au gré du vent médiatique et que ça ne paraît pas si moral que ça on n’ira pas jusqu’à se demander ce qu’en aurait pensé Sartre pour ne pas susciter l’ire du parachuté d’Aix mais Camus lui-même tel qu’il ressemble à chacun de nous.

« J’ai suivi avec indignation mais sans surprise l’histoire d’Aix, écrit Roger Grenier à Stora […] Le comble c’est que vous soyez remplacé par Michel Onfray qui est un faiseur. » Le libertaire certes mais frôlant savamment un aspect extrêmement à droite bien solaire tout de même de notre générateur d’ « émeute » médiatique pour reprendre le mot de La Provence, ne sera pas mine de rien pour déplaire à l’électorat de madame Joissins qui ne voulait absolument pas de ce « FLN » de Stora. Tout de même rien n’est si net dans ce malaise qui marigote ! Les crocodiles dévorent les rats je suppose, au moins cela nous mettra à l’abri de La peste.

Voir aussi

L’exposition Albert Camus, Michel Onfray et les monothéismes , où il apparaît que Michel Onfray via son ami Jean Soler vire à la Nouvelle droite solaire et polythéiste.

– « La bataille ratée de Michel Onfray« , par Marc Riglet (Lire), publié le 01/03/2012

Michel Onfray pilotera l’exposition et le Musée Camus

Camus – l’historien écarté le faiseur promu

Motion de soutien à Benjamin Stora

Affaire Camus : Onfray quitte la « pétaudière »

– et cliquer ici-même Onfray pour plus d’information.


Jonathan Bouchet-Petersen, Libération, & Philippe Grauer, « L’étranger qui nous ressemble » et l’historien révolté

ALBERT CAMUS, L’HOMME DISPUTÉ

par Jonathan Bouchet-Petersen

Libération 13 août 2012

Micmac

Le philosophe Michel Onfray a été préféré à l’historien Benjamin Stora pour organiser l’expo aixoise de 2013 consacrée à l’écrivain et à son engagement algérien. Les dessous d’un débat politico-littéraire.

Un historien en colère et un philosophe gêné aux entournures. Le tout dans une municipalité au rôle ambigu. Benjamin Stora, spécialiste de la guerre d’Algérie, et le médiatique Michel Onfray sont au cœur d’une polémique dont la ministre de la Culture, Aurélie Filippetti, ne peut que constater les dégâts. Manque le cadre : Aix-en-Provence, ses 40 000 pieds-noirs, sa maire de la Droite populaire, Maryse Joissains. Et le principal protagoniste : Albert Camus, dont la fille Catherine gère la mémoire depuis une trentaine d’années.

Au cœur de ce «Patacaix», selon l’expression de l’écrivain Pierre Assouline, une exposition consacrée à Camus, prévue à Aix fin 2013. À l’occasion du centenaire de la naissance du Prix Nobel et dans le cadre de la manifestation Marseille-Provence capitale européenne de la culture. Dernier épisode de cet imbroglio à rallonge, l’annonce officielle par la mairie aixoise, le 31 juillet, que Michel Onfray en sera le commissaire. Sur le papier, pas de quoi fouetter un chat, l’essayiste ayant publié cette année chez Flammarion L’Ordre libertaire. La vie philosophique d’Albert Camus. Une «déclaration d’amour» au Camus anarcho-libertaire et un succès de librairie.

Vraie raison

Le nom d’Onfray bruissait depuis fin juin et Benjamin Stora a l’impression de s’être fait «enfler». De décembre 2009 au 25 avril 2012, c’est en effet l’historien qui était en charge de cette exposition, alors intitulée «L’étranger qui nous ressemble» et annoncée comme un des temps forts de la manifestation culturelle. Avant de se faire «virer comme un malpropre,» enrage-t-il encore, sans un mot d’explication de Marseille-Provence 2013 (MP 2013) et surtout de Catherine Camus. L’ayant droit assure alors que Benjamin Stora ne lui a pas transmis en temps et en heure la liste des documents nécessaires pour l’exposition, et en prend prétexte pour stopper le projet. «J’ai lu le travail de Benjamin Stora, confie aujourd’hui Michel Onfray. Ce que dit Catherine Camus est faux, la vraie raison est d’ordre relationnel.» Reste que Jean Iborra, directeur adjoint des expositions de MP 2013, assure à l’historien en colère qu’aucune expo Camus ne verra finalement le jour dans le cadre de Marseille-Provence capitale européenne de la culture. Frustré, Stora prend acte et rappelle que «c’est sur [son] nom que le projet a été validé à l’Union européenne».

Reconnaissant qu’il est «difficile de travailler avec Catherine Camus,» Stora est surtout convaincu d’avoir été mis dehors au profit d’une personnalité «qui passe à la télévision, chez Ruquier, Ardisson et Denisot.» Et l’historien de poursuivre en assumant sa subjectivité : «Pour Catherine Camus, le livre d’Onfray est tombé à pic. Ça fait du bruit dans le sens de la guerre Camus-Sartre et Onfray passe partout pour en parler. Entre Stora l’historien triste et Onfray la machine médiatique…» D’autant que, selon le commissaire écarté, l’ayant droit rêvait dès 2009 pour le remplacer d’un profil plus vendeur, idéalement Raphaël Enthoven ou Alain Finkielkraut. Or, «dans ce dossier, seules Catherine Camus et Marseille-Provence 2013 sont décisionnaires à parts égales», se désole la ministre Aurélie Filippetti, qui n’a pas voix au chapitre mais «regrette profondément» la mise à l’écart de Stora, «sur le fond comme sur la forme».

Après la remise, en octobre 2010, d’un scénario de 70 pages à Catherine Camus, l’historien n’avait en effet pas signé de nouveau contrat. Il s’est donc retrouvé «à poil» le 25 avril dernier, quand l’abandon du projet lui fut signifié unilatéralement. «Ils m’ont fait signer un papier disant que j’étais documentariste et ils m’ont filé 1 500 euros pour le travail effectué depuis la remise du synopsis,» s’étrangle Stora.

Émeute

Remonté comme un coucou, il refuse toutefois d’y voir une censure politique téléguidée, même s’il n’a pas été accueilli avec des fleurs par la mairie d’Aix. Une ville qui compte de nombreux pieds-noirs d’extrême droite, outrés du choix de Stora pour questionner la relation entre Camus et l’Algérie. «Tout le monde m’a dit qu’ils étaient fous furieux, se souvient l’historien. Aix, ce n’est pas que le festival de musique classique, c’est aussi une ville qui a un boulevard Bastien-Thiry [auteur de l’attentat du Petit-Clamart contre de Gaulle en août 1962, ndlr] et qui a fait citoyen d’honneur Jean-Pax Méfret, un ultra de l’Algérie française.» Un proche du dossier se souvient d’une scène révélatrice de ce climat de défiance : «Dès le départ, Maryse Joissains a déploré auprès de Frédéric Mitterrand [alors ministre de la Culture, ndlr] qu’un proche du FLN ait été choisi pour organiser l’exposition. Et Mitterrand avait explosé de rire en disant que Stora avait 4 ans quand la guerre d’Algérie a commencé et qu’il était tout, sauf un proche du FLN.» Mais, à la mairie d’Aix, Stora ou pas, priorité fut surtout donnée à ce que l’exposition se tienne bien.

Michel Onfray est entré dans ce micmac

Entre-temps, Michel Onfray est entré dans ce micmac. Au départ sans même le savoir. Après la publication de son livre sur Camus en janvier et sa participation à plusieurs conférences dans les mois qui suivent. Le 29 mai, celle qu’il a donnée à la Cité du livre d’Aix rassemble 800 personnes dans une salle habituée à en accueillir 300. «Onfray crée l’émeute,» titre alors la Provence.

Ce succès local arrive aux oreilles de Catherine Camus et de la mairie d’Aix, désireuse de relancer le projet. «J’ai ensuite été contacté début juin par un responsable de Marseille-Provence 2013, raconte Michel Onfray, à qui j’ai dit que j’étais d’accord pour une exposition, à la seule condition que celle-ci prépare la création d’un musée pérenne.» Les deux parties font affaire. Pour l’exposition qu’il entend intituler «Albert Camus, un homme révolté» Onfray a commencé à travailler avec le plasticien et peintre Robert Combas.

Comble

Depuis, la polémique enfle. Onfray est accusé de servir la soupe à ceux qui souhaitaient se débarrasser de Stora et d’être soutenu par l’extrême droite locale. Roger Grenier, ami et compagnon de Camus au journal Combat, a même repris la plume pour s’émouvoir de sa nomination : «J’ai suivi avec indignation mais sans surprise l’histoire d’Aix, écrit le nonagénaire à Stora […] Le comble c’est que vous soyez remplacé par Michel Onfray qui est un faiseur.» Benjamin Stora, lui, assure ne pas en vouloir à Michel Onfray mais lui demande de «prendre ses responsabilités» en se retirant, lui promettant que «l’affaire ne fait que commencer». Habitué des polémiques, l’intéressé assume : «Qu’on me juge sur la vérité de mon travail, je ne me suis jamais déterminé en fonction des risques d’instrumentalisation. Mon seul objectif est qu’un musée Camus voit le jour à Aix.» Et Stora de conclure : «Je découvre tous les jours des gens qui en veulent à Onfray et qui me disent de ne pas lâcher, je crois qu’il ne mesure pas bien dans quoi il s’est fourré.»


ONFRAY RESTE PRUDENT

par Jonathan Bouchet-Petersen

Libération 13 août 2012

Le philosophe assure qu’il n’y a pas de clivage idéologique avec Stora.

Si l’on met de côté les querelles aixoises, deux questions demeurent. Le Camus de Michel Onfray est-il le même que celui de Benjamin Stora ? Et surtout, l’exposition du philosophe mettra-t-elle en lumière les mêmes éléments que celle de l’historien ? Sur la guerre d’Algérie particulièrement, son propos sera scruté à la loupe.

remplaçant ou successeur

«On ne remplace par Benjamin Stora, on lui succède», assure un Michel Onfray prudent, qui réfute tout clivage idéologique avec son prédécesseur et juge d’abord «injuste» le sort fait à l’historien. «Mais je vois bien qu’on tente de monter une absurde opposition entre un Michel Onfray camusien, soutenu par la droite, et un Benjamin Stora sartrien, soutenu par la gauche.» Or, le philosophe le martèle : «Sur la guerre d’Algérie, il n’y a pas l’épaisseur d’une feuille de papier à cigarette entre Stora et moi.»

le rapport à une histoire folle, dingue, délirante

C’est d’autant plus probable que sur ce sujet Onfray a adopté les positions messalistes de Stora. «Messali Hadj [leader du Mouvement national algérien, concurrent du FLN pendant la guerre d’Algérie, ndlr], je lui ai consacré ma thèse en 1978, rappelle l’historien. C’était un ami intime de Camus et Camus soutenait sa démarche. Voilà comment j’ai rencontré Camus il y a trente-cinq ans et qu’il ne m’a plus quitté.» Stora avait prévu d’exhumer une correspondance méconnue entre Camus et son ami Yves Dechezelles, l’avocat de Messali Hadj. Mais s’il place en Algérie les racines de l’universalisme de Camus, Stora précise qu’il n’avait pas en tête une «exposition engagée» et que la guerre n’en aurait représenté qu’un sixième. Reste que pour lui, «Camus, c’est Le Premier Homme, c’est le rapport à une histoire folle, dingue, délirante. Sinon c’est quoi ? Un homme engagé abstraitement contre Sartre et le stalinisme ? Ce Camus, moi je ne le connais pas».

itinéraire anarcho-libertaire

En droite ligne avec son livre, Michel Onfray compte, lui, utiliser comme fil rouge l’itinéraire anarcho-libertaire de l’écrivain, qui est aussi le sien. «Camus était, avant tout, cela, du début à la fin de sa vie, assure-t-il. Il n’était pas le social-démocrate à fibre libertaire dépeint par Olivier Todd. Encore moins l’écrivain des petits Blancs et du colonialisme ou le philosophe pour classe terminale décrit par certains.» Et le philosophe de fustiger «le discours sartrien reprenant le vieux truc du socialisme autoritaire qui fait du socialisme libertaire une idéologie bourgeoise». Stora ne le contredira pas.

Benjamin Stora ç’aurait été remarquable

Au ministère de la Culture, Aurélie Filippetti a clairement choisi son camp : «La vraie belle exposition Camus aurait été l’éclairage de Benjamin Stora, qui est à la fois un admirateur de Camus et le meilleur spécialiste de la guerre d’Algérie. Il partage en plus les mêmes paysages que ceux de Camus, le même paysage mental en tout cas. Ça aurait été remarquable.» Un événement que la ministre aurait inauguré «avec plaisir». Et sans incriminer Michel Onfray, elle a décidé que son ministère ne donnera ni son logo ni un euro, «même via Marseille-Provence 2013» qui reçoit de l’argent de l’État, précise Filippetti.


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