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Glossairede la psychothérapie

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psychiatrie

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OBJET DE LA PSYCHIATRIE

par Philippe Grauer
On peut distinguer sous le vocable hétérogène de psychiatrie plusieurs composantes relevant de champs disciplinaires à épistémologies différentes(1).

– a) médecine

Les données psychiatriques relèvent du médical (médecine, neurosciences) et à ce titre du biologique et du physico-chimique : « Comment va mon traitement ? » Le médical jouit du privilège exclusif de diagnostiquer : DSM quand tu nous tiens ! La psychopathologie relève de la médecine(2). Qui tient le diagnostic tient le traitement. Valable en médecine pure, en psychiatrie l’adage n’est pas sans danger, vu l’indigence des grilles diagnostiques, et l’à peu près (encore heureux, s’agissant d’êtres humains) fatal de la clinique. Le psychiatre (puis par défaut le simple médecin) prescrit donc un traitement. Dont la dynamique est celle des dosages et de la surveillance de l’effet des neuroleptiques(3). Reste la question de la pertinence des grilles diagnostiques(4) et de l’hégémonie globalisatrice d’un DSM controversial.

– b) citoyenneté (soins sans consentement)

Noter que la psychiatrie évolue également dans le « médico-juridique », en ce sens que le psychiatre (et maintenant le juge) doit se prononcer sur l’hospitalisation contre leur gré de certains patients. Délicat de « juger » bonne à enfermer pour dangerosité envers soi ou autrui et pourtant en certains cas il faut le faire, une personne psychiquement fragile, délicate encore l’autorisation de sortie, empoisonnée par des considérations sécuritaristes (depuis Sarkozy) qui ont multiplié les chambres de contention et relevé les murs, restaurant l’asile à caractère carcéral, disparu il n’y a pas si longtemps (voir antipsychiatrie).

– c) sociologie

Les données relèvent aussi de la sociologie, notamment de la sociologie clinique, du jeu des interactions familiales et socioprofessionnelles, de l’histoire de vie : « Comment ça se passe en ville, à la maison, au travail (si travail il y a), avec les autres ? » Il faut savoir également que quantité de malades mentaux lourds sont à la rue, ou en prison. Étrange dimension sociologique.

Ainsi la psychiatrie s’exerce également dans l’univers carcéral, sans s’étonner outre mesure de la proportion 7 fois plus élevée là qu’ailleurs de schizophrènes. Elle procède à leur médication que voulez-vous d’autre qu’elle fasse ?

– d) psychosociologie

En milieu hospitalier fermé, on peut rencontrer encore parfois une méthodologie psychosociologique communautariste héritière de la psychothérapie institutionnelle, qui combine les séances de groupe psychothérapique, un peu de psychothérapie individuelle d’inspiration psychanalytique, parfois du psychodrame individuel (tout cela coûte et se voit limité par la conception gestionnaire de l’hôpital), et l’administration d’une médication lourde.

– e) psychothérapie

on connaît l’ampleur de l’éventail de méthodes et écoles antagonistes composantes du vaste et flou domaine de la psychothérapie, allant des thérapies comportementalistes à protocole à la conversation psychothérapeutique (difficile de dire en quoi elle l’est parfois) jusqu’aux incursions dans le monde de l’expérience personnelle et du sens de l’existence : « Que devenez-vous ? » En matière de psychiatrie on reste dans le médical et la relation fondamentale demeure de consultation, Roland Gori et Marie José Del Vongo parlent singulièrement de « colloque » pour qualifier le dialogue médecin malade, comme s’il était égal. Or l’un va mal l’autre bien, on l’espère pour lui. Le malade consulte (5) un spécialiste (en effet titulaire d’une spécialité médicale) en qualité de patient en souffrance venu chercher un traitement (a). Le spécialiste, tient le rôle du sujet, dispose du savoir, a les cartes en main. L’objet c’est le patient et sa maladie. Que le premier va prendre en charge (couvert par sécurité sociale et mutuelle) dans le cadre objectiviste sujet-objet. Il n’y a pas d’implication méthodologique forte sujet-sujet en interaction psychothérapique, pas de co-engagement risqué, pas d’implication forte de part et d’autre, pas d’aventure, sauf si …

voir également

DSM

DSM5

– Robin Lindley interviewe Edward Shorter, Comment la dépression est devenue dominante, 10 août 2013.

méthodologie mixte

… Sauf si le psychiatre choisit d’agir plus ou moins (!) en psychanalyste (6) ou en psychothérapeute relationnel (plus rare) dans le monde médical. On rencontre même parfois des psychiatres gestaltistes, comptés sur les doigts de la main) sous couvert de psychiatrie, œuvrant dans le sens d’une substitution disciplinaire. Nous touchons aux rivages de la psychiatrie dynamique (Henri Ey et l’organo-dynamisme), organicisme conjugué à du relationnel : »Où en sommes-nous ? » Le dialogue psychiatre-malade peut s’approfondir, mais généralement sans aller jusqu’à la dynamique de subjectivation requérant l’implication mutuelle d’un tout autre espace méthodologique et même disciplinaire, à considérer la psychanalyse et la psychothérapie relationnelle comme disciplines.

Stratégie à la limite

Comment déterminer qu’on passe de la consultation à la séance (à périodicité régulière), selon des méthodes variables – à la séance de quoi au juste ?

Figure extrême

On peut même de façon caractérisée engager une psychanalyse à deux ou trois séances par semaines pour une durée indéfinie : une discipline chasse l’autre, sous le couvert de laquelle elle s’exerce. Cette pratique se raréfie : économie managériale exige. Le médicament coûte tellement moins cher (à première et courte vue). D’autre part les mœurs psychothérapiques ayant évolué, les pratiques relationnelles en la matière sont plutôt d’une fois par semaine.

Figure mixte

Travail en réseau. Plus fréquemment le psychiatre (débordé) coopère avec un autre psy, psychothérapeute ou psychopraticien relationnel, qui se charge des séances régulières (e), lui s’attachant au suivi des prescriptions, au suivi psychiatrique (médical, privé ou hospitalier) proprement dit.

Le professeur Shorter s’en désole, au Canada « la plupart des psychiatres ne font plus de psychothérapie. » Et en France ?

Tout cet à peu près, ce plus ou moins qui précède l’usage souvent vague d’un peu d’approche psychodynamique mais rien de trop, signale que de plus en plus la psychiatrie renonce à opérer dans le champ de la psychothérapie intersubjective engagée : pas le temps pas les moyens.

Les protestataires encore affiliés à la mouvance psychanalytique par le biais de la psychothérapie institutionnelle font de grands moulinets avec les bras mais ne doivent pas faire fausse figure de majorité dans la profession. Il serait bon par contre qu’eux et nous constituions un front commun. Que ceux qui sont du même bord le pratiquent en alliance. Conjoints aux psychologues de l’Appel des appels, ensemble ils représenteraient une force, et un recours pour le public. Il suffirait de commencer à réduire les lignes défensives du corporatisme, ce poison du milieu psy.

conclusion

La psychiatrie constitue une discipline complexe à méthodologies diverses et contradictoires. La réduction et la rection par une seule voire deux seulement des dimensions de base ici évoquées ne résout pas ses problèmes mais opère une dommageable réduction. Rien à faire, la psychiatrie doit se faire à l’idée de sa complexité, ni embrouiller ni se reneurologiser et revenir au tout biologique mais articuler. Sans hégémonie ni rejet des disciplines de la dynamique de subjectivation.

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