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Glossairede la psychothérapie

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dynamique de groupe

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dynamique de groupe

Terme inventé par Kurt Lewin au MIT en 1944 quand il crée le Research Center for Group Dynamics. En 1946 l’État du Connecticut passe une commande à Kurt Lewin. Il s’agit d’entraîner des animateurs sociaux à apprendre à réduire les tensions inter raciales. L’action se passe à New Britain, K.D. Benne raconte (1) comment Lewin constitue des groupes de discussion, comment appeler ça, assis autour d’une table on n’a pas le droit de sortir, ça dure, c’est dur, des groupes de dix, des étudiants, qui seront observés. Le soir les observateurs se réunissent pour dépouiller leurs observations et réfléchir à ce qui est en train de se passer dans ces groupes sans tâche autre que celle de se parler. Quand les participants prennent connaissance de ce dispositif, curieux, ils demandent à être admis à ces séances. Les animateurs (K.D. Benne, L. P. Bradford, Ronald Lippitt) et observateurs sont réticents, les participants se rendront compte de leurs incompétence et ils redoutent l’effet que pourrait produire sur les participants d’entendre parler d’eux devant eux les observateurs.

Clairement il s’agit d’une subversion (transgression autorisée) radicale du cadre en cours de route. Néanmoins, nous sommes dans le domaine de la recherche et il est dans le caractère et la conviction scientifique de Lewin de jumeler recherche et action. Les participants sont acceptés. D’abord quelques uns puis rapidement tous fréquentent ce moment d’après coup. La découverte du siècle a lieu, quasi serendipitale, prodigieuse. Le groupe centré sur l’ici et maintenant se nourrit des observations restituées à mesure (feed-back) et son processus prend un caractère exceptionnellement fertile, justifiant pleinement le terme de dynamique initialement choisi. C’est sous le nom de T-Group, pour Training, formation (aux relations humaines groupales) que la découverte fera le tour du monde.

du T-Group au groupe d’évolution

C’est sous ce nom puis celui de Basic Encounter Group, traduit en franglais (c’est ce qu’avec Étiemble on dénonçait alors) par groupe de base, (2) à base – précisément ! – d’authenticité, d’empathie-congruence, et de facilitation émotionnelle, puis de groupe d’évolution (Michel Lobrot 1964 – qui reprend l’idée lewinienne de dynamique du groupe en insistant sur le devenir et du groupe moteur et des personnes embarquées – qu’elle parvient, également véhiculée il faudrait dire propulsée par Georges Lapassade, qu’elle parvient en France, se diffuse à Royaumont, pénètre les milieux pédagogiques Célestin Freinet, se mêle aux recherches sur l’autogestion pédagogique, opère sa jonction avec la psychothérapie institutionnelle, intègre le rogerisme, se laisse à l’occasion pénétrer par le renouveau lacanien (tout cela ne va pas sans antagonismes), découvre la forme marathon, intègre la critique libertaire en cours du soviétisme bureaucratique (Lapassade, Socialisme et barbarie), se relie aux travaux de Crozier (dont le maître est Georges Friedman), à l’analyse du phénomène bureaucratique et à l’ensemble de la recherche sociologique des années 60-70 (Raymond Aron, Alain Touraine, Pierre Bourdieu, etc.). En très peu de temps la psychologie sociale aura accouché de la psychosociologie. Entre 1963 et 1966 (année où le Max Pagès de la thèse sur Rogers joignant le geste à la parole transforme son cours d’amphi en cours non directif) la révolution lewinienne a gagné l’Europe et se propage en France, où elle participera au Mouvement de Mai 68.

la révolution psychocorporelle : du groupe d’évolution au groupe de Rencontre

L’esprit d’Esalen centre alternatif californien fondé en 1962, Mecque du Mouvement du potentiel humain, débarque en Europe peu d’années plus tard, installe à Londres deux Growth Centers, le Kaléidoscope de Bill Grossman et le Quaesitor de Mike Burnett, se propage en France par Max Pagès en 1969, révolutionnant la révolution par l’extraordinaire puissance du psychocorporel et de l’improvisation théâtrale (Happening) surajoutés à la parole. Le raz de marée (on ne parle pas alors en termes de tsunami) emporte tout, fondant à Paris le CDPH (1972) et le Centre d’Évolution (groupes marathons de Jacques Durand-Dassier). Tout, excepté la psychanalyse de son côté ravie par le lacanisme. Toutefois certains Nouveaux Thérapeutes, eux, fréquenteront le lacanisme, pendant que des psychiatres pionniers (Roger Gentis) exploreront le « Mouvement du potentiel humain » dispensateur de groupes psychocorporels.

Foulkes & Bion – le groupe comme un tout (psychanalytique)

Parallèlement et même antérieurement se développèrent le groupe gestalto-psychanalytique et le groupe psychothérapique d’inspiration psychanalytique. S. H. Foulkes, disciple de Kurt Goldstein et de la Gestalt Psychologie, juif allemand émigré en Grande Bretagne, représente autant le courant gestaltiste – il fut disciple de Kurt Goldstein et de la Gestalt Psychologie – que freudo-marxiste. On pourrait classer la variété qui va surgir de la collaboration de Foulkes avec W. Bion dans la catégorie de psychothérapie communautaire (courant qui fleurira en France avec la psychothérapie institutionnelle) psychanalytique, quand les deux hommes inventent le groupe psychothérapique.

Trigant Burrow – recherche psychanalytique pionnière

Devrait-on dire réinventent, si l’on considère qu’en 1923 Trigant Burrow, analysé par le premier Jung, explore le principe de l’analyse mutuelle avec son analysant Clerence Shields pour en élargir l’expérience en 1926 à un groupe de 24 personnes réunis à Lifwynn (État de NY) en session de deux mois, inaugurant le principe et modèle de la pratique psychanalytique de groupe ? Ce qu’il consigne en 1927 dans son The Social Bases of Consciousness: A Study in Organic Psychology Based upon a Synthetic and Social Concept of the Neurosis.

eaux mêlées

Ces multiples courants s’interpénètreront pour donner un véritable bassin de l’Amazone. La terminologie a évolué. On parle à présent de psychothérapie de groupe, quand c’est le groupe qui est considéré et traité comme le sujet de l’animation, de psychothérapie en groupe quand le groupe sert seulement de caisse de résonance à du travail individuel devant le groupe. On distingue encore groupe phénoménologique et psychanalytique.

En fait tous les mixtes existent, innombrables. Des formes affadies circulent, comme le groupe de parole, évitant de prononcer le mot de psychothérapie (ni d’en faire sinon à faible dose) pour ne pas susciter de défenses, et d’innombrables formes mixtes associant l’expression libre et le travail à médiation (argile, photographie, musique, cinéma, etc.), sans compter les séminaires à thème, à un cadre groupal sans caractère particulier.

une méthodologie

Le véritable travail de groupe commence avec la mise en place de dispositifs (setting en globish) rigoureux. Le groupe lewino rogerien, centré exclusivement sur la parole (on demeure dans l’aire de la talking cure freudienne), se fonde rigoureusement sur l’

ici maintenant

, armé des principes cardinaux suivants :

– la communication dès que possible de l’observation de ce qui se passe dans le présent même de la rencontre, c’est le principe du

feed-back

(l’information sert de carburant au moteur groupal), observation dont le groupe a la responsabilité d’évaluer l’ajustement à la situation décrite (auto correction dynamique)
– ce qu’on appelle parfois l’

observation participante

, l’expression à mesure de ce que chacun éprouve, pense, imagine, de ce dont chacun se souvient dans le moment. il s’agit de parler de soi en situation, en s’adressant aux autres, individuellement ou collectivement (3).
– réexaminer ses valeurs, convictions, hypothèses de base, à l’occasion des

confrontations

susceptibles d’apparaître.
– prendre note des

éclaircissements théoriques et méthodologiques

apportés à l’occasion par l’animateur. Cette dimension didactique à caractère éducationnel ayant pris place dans les groupes de formation à la conduite des groupes (les fameux T Groups) est rare dans les groupes psychothérapiques proprement dits.


Insert adapté de Yalom mais transformé, (pp. 526 et sq.) The Theory & Practice of Group Therapy, NY, Basic Books, 2005, 668 p.-

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