Une multitude d’articles sont parus sur une décision du Tribunal administratif de Besançon du 10 novembre 2009 annulant le refus d’agrément pour l’adoption par une célibataire vivant en couple homosexuel.
Voici deux de ces articles :
— celui du Monde, le plus précis
— celui du Point, correct dans ses développements mais faux dans son titre.
Tous les autres articles consultés sont faux en affirmant que c’est à « un « couple homosexuel » que le tribunal a reconnu le droit à l’agrément pour l’adoption.
Attention le titre de l’article du Point ci-dessous est faux : ce n’est pas un couple d’homosexuelles qui pourra adopter, c’est l’une des deux seulement et en tant que célibataire.
En revanche les développements de l’article sont corrects.
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LE MONDE
Le tribunal administratif de Besançon a donné son feu vert, mardi 10 novembre, à l’adoption d’un enfant par une homosexuelle vivant en couple, annulant les décisions du conseil général du Jura, qui refusait l’agrément. Le conseil général a indiqué qu’il appliquerait le jugement du tribunal administratif.
Le rapporteur public avait demandé au tribunal d’annuler la décision du conseil général du Jura et d’octroyer à cette enseignante, Emmanuelle B., un agrément sous quinze jours à compter de la notification du jugement avec une astreinte de 100 euros par jour de retard, et le remboursement de 2 000 euros pour les frais d’avocat. Depuis dix ans, Emmanuelle B., qui vit en couple avec Laurence R., se bat pour obtenir un agrément pour l’adoption d’un enfant, refusé à deux reprises par le conseil général du Jura.
« Le tribunal administratif ne dit pas : les homosexuels peuvent adopter. Il ne dit pas non plus : les couples homosexuels peuvent adopter. Il dit : la Cour européenne des droits de l’homme interdit des refus d’agrément au motif que les célibataires sont homosexuels », explique Anne Chemin du service Société du « Monde » qui rappelle le contexte de cette affaire : cliquez ici pour écouter
La Cour européenne des droits de l’homme avait condamné la France le 22 janvier 2008 pour discrimination sexuelle, soulignant que le droit français autorisait l’adoption d’un enfant par un célibataire et que la Convention européenne des droits de l’homme interdisait de discriminer des personnes sur la base de leur orientation sexuelle.
En dépit de rapports de travailleurs sociaux favorables à une adoption d’un enfant de 6 mois à 10 ans par ce couple, le conseil général avait de nouveau refusé de délivrer un agrément aux motifs qu’il existerait « des différences notables [dans le couple] dans le projet d’adoption, notamment au niveau de l’âge de l’enfant » à adopter, et que son amie montrait « peu d’engagement affectif vis-à-vis de cet enfant ». « Le président du conseil général du Jura n’a pas refusé l’agrément à Mme B. parce qu’elle vit avec une femme, mais parce qu’il existe un désaccord » entre les membres du couple, avait soutenu Me Christophe Nicoley, avocat de la collectivité jurassienne, lors de l’audience.
La Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité a rendu le 5 octobre un avis jugeant ce refus « discriminatoire ». Le conseil général a saisi le Conseil d’Etat d’un recours contre l’avis de la Halde.
Cette affaire met une nouvelle fois en exergue la question de l’adoption par un couple homosexuel. En France, cela reste formellement impossible.
« L’adoption est réservée au couple marié. Un couple concubin ou un couple pacsé n’a pas le droit de demander un agrément pour adopter. Donc la seule manière d’adopter pour un couple homosexuel c’est de se présenter comme célibataire et d’avoir l’agrément pour le célibataire », explique à ce propos Anne Chemin. Elle souligne les limites et conséquences de cette procédure. Elle évoque également la possibilité du recours à la procédure d' »adoption simple » qui a été un moment envisagée par certains couples homosexuels, mais rejetée par la Cour de cassation : cliquez ici pour écouter
Attention le titre de l’article du Point ci-dessous est faux : ce n’est pas un couple d’homosexuelles qui pourra adopter, c’est l’une des deux seulement et en tant que célibataire.
Les développements dans l’article sont en revanche corrects.
Le Point – Société
Publié le 10/11/2009
JUSTICE
Un couple d’homosexuelles pourra adopter un enfant
Par Ségolène Gros de Larquier
Une institutrice homosexuelle se bat depuis onze ans, avec sa compagne, contre le conseil général du Jura pour obtenir le droit d’adopter un enfant
C’est une première en France. Une institutrice homosexuelle, qui se bat depuis 11 ans avec sa compagne pour adopter un enfant, a obtenu gain de cause. Emmanuelle B., 48 ans, va obtenir un agrément, véritable sésame pour prétendre à adopter.
À l’origine de cette avancée, une décision du tribunal administratif de Besançon, qui a annulé, mardi, le refus d’agrément opposé à deux reprises à Emmanuelle B. par l’administration départementale. Aussitôt, le conseil général du Jura a précisé qu’il se conformerait au jugement du tribunal. « Il s’agit là d’une belle victoire contre l’homophobie, alors que les propos et les comportements homophobes demeurent vivaces dans notre société », a réagi Me Caroline Mécary, avocate de la requérante.
Toutefois, le parcours entamé par Emmanuelle B. pour adopter un enfant est loin d’être terminé. L’obtention d’un agrément — délivré par le service de l’aide sociale à l’enfance du département — correspond seulement à la première étape de la procédure d’adoption. Il est remis lorsque les conditions d’accueil d’un enfant sont jugées satisfaisantes sur les plans familial, éducatif et psychologique.
La « solidité » du couple mise en avant
Pour donner leur accord, les juges administratifs se sont justement appuyés sur les rapports des services sociaux. Ces documents se montrent « favorables à la demande d’agrément pour adoption ». « Le couple formé par Mme B. et sa compagne, dont la démarche en vue d’adoption s’inscrit dans la durée, présente une solidité certaine », ont estimé les juges. Selon eux, les motifs retenus par le président du conseil général du Jura ne permettaient pas de « justifier légalement la décision de rejet de la demande d’agrément pour l’adoption présentée par Mme B. ». Saisie de l’affaire, en janvier 2008, la Cour européenne des droits de l’homme avait d’ailleurs condamné la France pour discrimination sexuelle.
Les associations de lutte contre l’homophobie se réjouissent de cette décision. Mais pour l’APGL (Association des parents et futurs parents gay et lesbiens), des progrès restent à faire. « Ce n’est pas suffisant. Si Emmanuelle B. a obtenu l’agrément pour adopter, c’est seulement en tant que célibataire », insiste Franck Tanguy, porte-parole de l’association qui bataille depuis 1986 pour une légitimation sociale et juridique de l’homoparentalité.
La loi de 1966, réformée le 5 juillet 1996, autorise en effet l’adoption « par toute personne âgée d’au moins 28 ans ». Pour adopter, les couples homosexuels sont donc contraints de jouer aux célibataires – ce qu’ils sont légalement – et de taire leur homosexualité. « Il y a deux types de citoyens en France : les hétérosexuels et les homosexuels, qui sont victimes de l’homophobie de l’État. Il faut changer la loi pour qu’un couple de même sexe soit autorisé à adopter », soutient Franck Tanguy. « Nous espérons que ce symbole deviendra réalité pour les couples homosexuels qui demandent la reconnaissance de leur droit de parents », souligne, de son côté, le maire de Bègles, Noël Mamère, qui a célébré en 2004 un mariage homosexuel. Mais le gouvernement ne semble pas l’entendre ainsi. Au sortir du Conseil des ministres, Luc Chatel, porte-parole du gouvernement, a immédiatement rappelé : « Le président de la République lui-même s’est exprimé sur le sujet. Nous ne sommes pas favorables à l’adoption d’enfants par les couples homosexuels. » En attendant, la décision du tribunal administratif devrait relancer le débat au sein de la société.
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