Tombé dans le domaine public comme le dit Libération (1) sous la plume de Frédérique Roussel dont vous trouverez ici l’article du 2 janvier en pdf, Freud est moins mort que nos neuropsys de tous poils le proclament volontiers, donnant davantage de crédit à la réalité de leur désir et à la force d’une résistance à la psychanalyse qui n’en démord pas en France, 70 ans après la mort du héros fondateur, qu’à celle de ce qui est devenu du bon sens en sciences humaines.
Achetons et lisons Freud, ne nous préoccupons pas des chamailleries interminables des gardiens du temple dont chacun s’est trouvé une porte à garder dans son propre style. Avec Freud mettons-nous à penser, et à nous faire plaisir car c’est un bon écrivain, tout cela n’a jamais fait de mal à personne. Et puisque nos mentors nous indiquent chacun la meilleure façon de marcher, comme dans la chanson considérons que la meilleure c’est encore la nôtre, à chacun sa libre allure comme nous le conseille Montaigne.
La psychothérapie relationnelle compte d’évidence comme une héritière et prolongatrice de l’œuvre de Freud, même paradoxalement quand elle dévie, contredit et innove. Quand elle invente et crée la psychologie humaniste américaine des années 60 elle ne fait que suivre l’exemple d’un chercheur profondément honnête qui ne s’est jamais arrêté de remettre en question ses découvertes, de les renouveler et approfondir. Il serait cependant incorrect de situer la psychothérapie relationnelle comme un simple courant freudien. Fleuve puissant elle est allé creuser son lit ailleurs, tout en maintenant des bras connexes, mais nous coulons bien dans la même large vallée, celle du processus de subjectivation.
Nos adversaires le savent qui s’en prennent tantôt à l’une tantôt à l’autre de nos deux disciplines, en vue de tenter de ramener les flots de la liberté humaine dans leurs canaux TCC à fond plat conduisant à des réservoirs médicalisés enfin prévisibles. Freud nous donne l’exemple d’une discipline toujours rebelle, en cela nous saurons inspirer notre créativité et double héritage de son exemple.
Dans la situation actuelle nos Écoles constituent une référence incontournable du développement d’une pensée et clinique impensables sans la puissance du génie de Freud. Notre Cifp qui fait toute sa part à la transmission d’une œuvre qui aura marqué le XXème siècle, y conjoignant des disciplines rigoureuses et innovatrices, maintenant au titre de la multiréférentialité le débat et la tension théorique et clinique nécessaires, y tient sa partie honorablement, et s’associe avec joie à l’événement de l’année Freud.
Philippe Grauer
[Document : Freud, une lecture pour tous.]