Excitant tout cela, désolant surtout. N’oubliez pas, confrères cibles de classifications dignes des médecins de Molière, que vos confrères médecins (donc sûrs, nous sommes au Quotidien du médecin ) psychanalystes pourront vous sortir de l’ornière pharmaco-illogique. Pour les psychothérapeutes relationnels, on attendra le troisième tiers du XXI ème siècle pour les désigner à l’attention de votre angoisse clinique. Nous en profitons au passage pour combler cette petite lacune.
En attendant, lisez cet avertissement adressé aux médecins, s’efforçant de les prémunir contre la lame de fond neuro pharmaco comportementaliste outre-atlantiste qui arrive, avec ses études dans le style épidémiologiste, pour assaisonner l’insomnie teintée d’hypomanie sexuelle selon les remèdes que les visiteurs médicaux ne manqueront pas de suggérer dans les meilleurs délais.
Philippe Grauer
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Peut-être parce qu’ils préfèrent lire la naissance de la médecine à partir de la technologie et de la thérapeutique au détriment de l’examen clinique né avec Hippocrate ; peut-être aussi parce qu’ils méconnaissent la psychanalyse qui serait de l’autre côté du fossé de par la maladresse de quelques psychanalystes ; toujours est-il que la médecine française est de plus en plus sensible aux chants des sirènes d’outre Atlantique.
Dans l’obscurité de la clinique, face au symptôme, face à la plainte, face à la demande exigeante, les médecins français s’accrochent toujours davantavge aux classifications ; probablement est-ce pour répondre à une exigence légitime de rigueur, mais également, semble-t-il, pour se sortir de l’embarras et de l’angoisse provoqués chez eux par la souffrance du patient.
La plus récente classification est celle des troubles du sommeil qui peuvent être perturbants « pour le patient et pour le couple. » (Le Quotidien du Médecin, n° 8172). « Par une revue de la littérature [Laquelle ? Demandé-je], les médecins américains ont pu, pour la première fois, classer, en quatre groupes, les troubles du sommeil associant des comportements ou des sensations à caractère sexuel. »
Dans le premier groupe nous trouvons « la masturbation, caresse de l’autre « , entre autres ; dans le deuxième groupe, « orgasmes soudains, agressivité sexuelle « , entre autres ; dans le troisième groupe, l’ » insomnie chronique sévère pouvant s’accompagner d’une libido exacerbée « , entre autres ; enfin, la quatrième catégorie, qui est constituée de cas particuliers car au « cours des troubles nocturnes psychotiques peuvent survenir, après les réveils, des illusions et des hallucinations d’ordre sexuel « , entre autres.
Cet envahissement régulier de la pratique médicale et scientifique anglo-saxonne et surtout nord-américaine, basée sur les preuves mais aussi le lobbying et la suggestion, n’appauvrit-il pas la médecine, celle basée sur la preuve du transfert, de la relation avec le patient ? Le RPH dénonce dans un esprit scientifique et de courtoisie, depuis des années, l’avancée de cette idéologie technologique, de l’idéalisation génétique et de la propagande pharmacologique au détriment de la clinique de la parole et du désir inconscient.
Soyez attentifs, collègues médecins, vous introduisez ainsi au cœur de votre clinique de fallacieux compagnons de route. L’intérêt d’un laboratoire n’est pas d’abord de soigner, mais bien d’abord de vendre. Votre intérêt, votre désir, soutenus par une formation hospitalière et une clinique quotidienne, est, nul doute là-dessus, de soigner d’abord. Face au trouble du sommeil ou à n’importe quel trouble du corps, pour quelle raison ne pas faire appel à votre correspondant psychanalyste ? Pour quelle raison ne pas partager avec lui la charge de recevoir la souffrance symptomatique de votre patient ? C’est par la parole que le patient entre en traitement chez le médecin, c’est par la parole qu’il en sort, chez le psychanalyste.