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8 mai 2017

Whirlpool, l’expert et « Les misérables » par Élisabeth Roudinesco, L’OBS, 8 mai 2017

Passée l'alerte retour à la psychothérapie relationnelle au quotidien de notre pratique

par Philippe Grauer

Passée l'alerte retour à la psychothérapie relationnelle au quotidien de notre pratique

échappé à la chappe

Les Journaux de campagne collectés, classés et commentés, constitueront une archive précieuse. Nous avons traversé un moment historique. Durant la journée qui suivit l’élection, les radios et télés ont consacré de bonnes émissions pour célébrer le rituel républicain, et finalement la démocratie tout simplement, délivrée dans l’immédiat du cauchemar, restée aux prises avec son péril mais soulagée d’avoir échappé à la chappe. Beaucoup de pensée intelligente, de la part de journalistes et de politiciens pas si mauvais que ce qu’un antimédiatisme stéréotypé tendrait à nous laisser croire.

Whirlpool et Les misérables

Élisabeth Roudinesco ici en billet d’humeur épingle notre Finkielkraut perdu dans ses imprécations inappropriées. Oui Whirlpool et Les misérables. On ne peut pas vivre avec la mondialisation tout en la verrouillant, ni non plus sans aucun système de réglementation. Pour la première fois nous vivons une époque de souverainetés à coordonner dans le cadre d’une région, l’Europe. Rome, Charlemagne, la monarchie française et la Maison d’Autriche, les Lumières et la Révolution, le réveil des nationalités et le cauchemar du XXème siècle européen et mondial, l’Europe, la chute du mur et du soviétisme (rien à voir avec le communisme demeuré utopie – manipulée par une propagande totalitaire) : maintenir le couple franco-allemand et rendre l’Europe sociale, reste historiquement impératif. Si nous parvenons à résoudre ne serait-ce que partiellement (pragmatisme ! la politique ou l’art de ne faire que ce qu’on peut faire, en tenant compte de la contrainte existentielle d’imperfection, ce qui devrait permettre de faire l’économie de la promesse en forme de mirage) la question du ou des populisme(s) souverainistes, nous, comme nation parmi et avec nos voisines européennes, aurons avancé.

imprévisibilité en vue

En fonctionnant à l’interne autrement qu’avec le système de l’essuie-glace prévalant depuis trente ans, autrement que sous la férule sans pitié de la fameuse finance que le précédent Président s’était engagé chimériquement à combattre. Nous verrons bien, le nouveau, ce dont il sera capable et "en même temps" incapable. Comment dans notre pays se déploiera le combat politique à cinq acteurs régulé par un improbable homme jeune, sorte de Giscard à sensibilité de gauche et doctrine libérale modérée mais libérale. Le jeu n’est pas bloqué, la partie relancée, affichant l’apparence de quelque nouveauté.  Se présente un moment où survient un peu d’imprévisible. Dans notre métier, de telles conjonctures sont intéressantes. Voyons ce que nous trouverons, chacun dans son style, le moyen d’en faire.

Comme nous le disions précédemment, notre rôle là-dedans n’est plus de faire de la politique, mais de la psychothérapie relationnelle. Dégagés par le vote de la menace directe d’extrême droite, nous n’aurons en principe plus à traiter directement l’actualité politique. La politique professionnelle suffira. Déjà beaucoup, depuis le demi siècle que ça dure, avec une psychanalyse à 30 ans de retard et une psychothérapie relationnelle qui rame.


par Élisabeth Roudinesco, L’OBS, 8 mai 2017

perte de la dignité physique ou psychique

En fin la vie des gens ! La question sociale a fait irruption dans cette campagne après avoir été trop recouverte par les discours des économistes qui n’ont cessé d’envahir l’espace public avec leurs courbes d’inversion sans se soucier de la vie réelle des gens, celle racontée par Victor Hugo dans Les misérables : souffrances quotidiennes, perte de la dignité physique ou psychique, aggravation des angoisses liées à l’horreur économique qu’est le capitalisme fou. On peut  reconnaître à Jean-Luc Mélenchon de s’en être fait, avec succès, le porte-parole. Mais quelle déception devant tant de contorsions égocentriques ! Quelle erreur politique que ce fanatisme de l’abstention !

expert et mépris

Bien que la vie soit meilleure en France que partout ailleurs, la peur justifiée d’une dégradation de tous les acquis sociaux est venue rappeler combien le populisme s’en nourrit. La colère ouvrière porte désormais un nom, Whirlpool, site intégré à une immense corporation dirigée par un homme d’affaires vivant dans le Michigan et bientôt délocalisé en Pologne où seront exploités des Ukrainiens beaucoup plus pauvres que les travailleurs français. Telle est la vraie réalité de cette vie réelle reprise en boucle sur toutes les chaines de télévision et commentée aussitôt par un « expert », Jacques Attali, qui aurait mieux fait de se taire : « Une anecdote, a-t-il dit qui s’inscrit dans le contexte plus large de la mondialisation » (LCI, 26 avril). Quel aveu de mépris !

Finkielkraut – quelque peu exagéré

Dans la même perspective, je retiendrai les propos d’Alain Finkielkraut dans l’émission « L’esprit de l’escalier » (30 avril), animée sur RCJ par Elisabeth Lévy. Terrorisé par la crainte fantasmatique de perdre tous ses repères – son école, sa rue, ses ploucs (sic), ses bourgeois – il a d’un coup accusé Emmanuel Macron de toutes sortes de vilenies mondialisées non sans avoir affirmé qu’il voterait pour ce candidat honni. Faisant allusion à la visite de celui-ci au Mémorial de la Shoah il a explosé : « C’est le fils de déporté qui hurle en moi. On ne peut pas faire de l’extermination des Juifs un argument de campagne. »  On savait que la phobie du progressisme avait fait son chemin dans les discours hallucinés de notre Académicien mais cette fois-ci les lignes rouges ont été franchies au point que la directrice de RCJ, Paule Henriette Lévy, s’est désolidarisée de ces propos. Après le mépris, voilà l’obscénité.

Comment ne pas voir dans ces errances verbales le symptôme propre à une génération de polémistes, dont les uns haïssent le peuple au nom d’un avenir radieux et les autres rejettent l’avenir au nom d’un repli identitaire. En ce sens, Emmanuel Macron est en rupture avec ces discours et il faut s’en féliciter.

Vichy le spectre toujours actif

Mais je n’oublie pas que des millions de Français ont voté pour le Front national, un parti qui porte en lui les stigmates de l’histoire la plus sombre que la France ait connu : Vichy. Ils ont voté contre eux-mêmes. Et c’est pourquoi le vrai combat commence, d’abord celui des législatives et très vite celui en faveur d’une Europe plus sociale.