par Philippe Grauer
Comment commenter ce texte ? La liberté d’expression a gagné, victoire pour tous. Les associations incriminées s’en sortent la tête haute. Une société savante, une école honorable, un syndicat historique, des intellectuels respectables, menacés par des manœuvres qui s’adressent durement au morte-monnaie, de la part de qui parle haut et fort à bourse déployée, s’entendent dire le droit de s’exprimer même quand cela contrarie un lanceur de pétition controversée.
Que le débat se situe là d’où il n’aurait pas dû sortir, sur le plan de l’établissement de faits et de diffusion de dossiers et d’analyses, sous forme de billets, sous toutes les formes qu’on voudra, respectueuses des lois républicaines. Que la peur de dire ne s’installe pas du fait de l’intimidation par l’argent.
Merci à Michel Rotfus pour sa participation à ce combat. Merci à tous ceux qui ont soutenu cette cause, celle de la liberté de parole. Dans nos métiers, incontournable.
Comme on sait ce jugement est susceptible d’appel.
Mediapart 13 septembre 2013 |
par Michel Rotfus
Nous voici arrivés à ce qui est certainement le dernier épisode des aventures judiciaires de Miller-Capitaine Win-Win. On se souvient des péripéties qui à la veille de l’été ont conduit au procès qui s’est tenu au tribunal de Nanterre[1].
Disons-le sans plus attendre ni sans autre forme de procès : le voici débouté et condamné aux dépens.
Chroniqueur des aventures du Capitaine-Win-Win, je viens d’avoir connaissance du délibéré du jugement concernant le procès en diffamation intenté par Jacques Alain Miller contre Élisabeth Roudinesco, Henri Roudier, Philippe Grauer, la SIHPP – Société internationale d’histoire de la psychanalyse et de la psychiatrie, le CIFP – Centre interdisciplinaire de formation à la psychothérapie relationnelle, et le SNPPsy – Syndicat national des praticiens
en psychothérapie relationnelle et psychanalyse.
Je peux vous annoncer que ses aventures se changent désormais en mésaventures : Miller-Capitaine-Win-Win est débouté de toutes ses demandes leur encontre.
Le jugement du tribunal le dit de façon claire et nette. Il s’appuie sur la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Ce faisant, il confirme le droit inconditionnel à la liberté d’expression, les limites de celle-ci étant définies dans l’article 10 de la Convention européenne[2].
Autrement dit, la tentative de judiciariser un débat intellectuel, et d’intimider quiconque tenterait de s’en prendre à la pratique pétitionnaire de Miller-Capitaine Win-Win, vient d’échouer, de faire long feu. Chou blanc.
Comme je l’ai déjà écrit dans mon compte rendu du procès (voir note 1), Maître Streiff, plaidant pour Philippe Grauer, l’a déclaré : il s’agit de faire intérioriser la censure, de faire intégrer l’autocensure chez tous ceux qui prétendent dire leur mot sur Lacan, il s’agit de régner seul sur cet empire. Un bon dressage comportementaliste, quoi : donner des coups, faire rentrer dans le rang à coup de procès, intimider. Et qu’on se taise !
Opération de mise au pas. Miller-Win-Win-Terminator veut faire place nette. Maitre Bigot, avocat d’Élisabeth Roudinesco, déclarait de son côté à la présidente du tribunal : « Vous êtes instrumentalisée. Miller mène une campagne politique pour sa psychanalyse. La pseudo « libération » de Mitra Kadivar en faisait partie, ce procès pour « diffamation » aussi ! ».
Ils ont terminé leurs plaidoirie en affirmant haut et fort que Miller tentait d’instrumentaliser la justice française en général et le tribunal de Nanterre en particulier. Et ils ont demandé à Madame Nicole Girerd, vice-présidente du Tribunal Grande instance de Nanterre, de le débouter, et d’envisager alors une action pour procédure abusive.
Ils ont pour l’instant été entendus sur le premier point.
Miller est débouté de toutes ses demandes. En sera-t-il dégouté ? Ses manœuvres passées hélas ne plaident pas en ce sens.
Faut-il terminer ici par un à suivre ?
On aimerait bien, pouvoir inscrire enfin le mot FIN.
Car ce jugement est susceptible d’appel.
NOTES
[1] Lire : http://blogs.mediapart.fr/blog/michelrotfus/230613/jacques-alain-miller-capitaine-win-win1-au-tribunal
[2] Cet article 10 dispose que : 1. Toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir d’autorités publiques et sans considérations de frontières. (…). 2. L’exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l’intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l’ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d’autrui, pour empêcher la divulgation d’informations confidentielles ou pour garantir l’autorité et l’impartialité du pouvoir judiciaire.