Dans le désordre de l’intime, il arrive parfois un moment où la justice s’en mêle, franchies les limites que trace la loi. Il arrive aussi un moment où le biopouvoir se fait sentir. Il arrive un moment où l’on sent l’actualité de la pensée de Michel Foucault. Il arrive un moment où le système législatif vacille et administre lui-même la perversion dont il a pour mission de protéger le corps social.
Le moment de ce retournement se présente avec ce qu’on appelle l’effet pervers. L’effet pervers de minime contre coup imprévu à l’acte de vertu institutionnel devient son envers exact. À cela près que si l’on a affaire à une surface de Möbius les discerner devient problématique et qu’on ne peut plus se débarrasser avec l’expression effet pervers du mouvement inverse qui finit par caractériser la réaction du corps social lui-même. À telle enseigne que l’organisation du soin elle-même devient perverse, par exemple quand on en vient à infliger des tortures à celui qu’on est censé « redresser », ou à persécuter des innocents, Dieu ne reconnaissant pas toujours en tout cas pas tout de suite les siens.
Il arrive un moment où la loi chargée d’organiser les psychothérapies en encadrant le titre générique de psychothérapeute s’en prend à ceux d’entre eux qui, pour protéger et eux-mêmes et le public, ont pris en charge historiquement l’encadrement de leur pratique, en fondant leurs institutions, sociétés savantes, syndicats, écoles agréées. Retournement quasi parfait, le législateur, entreprenant de vérifier qu’ils ne sont pas ce qu’ils n’entendent point être, les amalgame à ceux contre lesquels ils ont expressément constitué leur profession de psychothérapeute relationnel.
Profession spécifique dont personne dans les pouvoirs publics ne parle, ce qui en dit long sur la violence muette mise en œuvre. Violence de rapt qui permet à M. Bernard Accoyer de dire en substance en début de crise, faites ce que vous voulez sous un autre nom, ce que je veux récupérer c’est le titre que vous avez créé. Surveiller et punir, surveiller et soigner, mais qui, pourquoi et comment ? Surveiller et confisquer, surveiller et éliminer la psychanalyse et plus généralement les deux professions du psychisme qui s’occupent de la dynamique de la subjectivité et du sens ? et que serait une psychothérapie de surveillance ?
Le prochain débat inspiré par les développements actuels du foucaldisme promet une réflexion riche et approfondie sur la loi et le désordre intime et public. Voici pour ceux qui prennent à cœur leur métier, et de penser là ou parfois ça dé-pense, une façon originale et passionnante de démarrer leur semaine d’ici quinze jours.
Philippe Grauer
Colloque International — Culture psychiatrique et culture judiciaire
Dans le cadre de
Lundi 15 et mardi 16 septembre 2008
de 9h30 à 18h
Grande Halle de la Villette
Entrée libre
Prise en charge possible dans le cadre de la formation professionnelle
Contact Association TranSFaire
Tél : 01 53 69 08 80 / Fax : 01 53 69 09 99 / info@transfaire.org
Organisé dans le cadre de « 2008 – Année européenne du dialogue interculturel », ce colloque international portera sur la santé mentale en Europe.
Dans le contexte des récentes controverses en France et en Europe sur les questions de l’expertise psychiatrique, de la responsabilité pénale des malades mentaux et de la dangerosité dans la société contemporaine, d’éminentes personnalités du monde psychiatrique, judiciaire et philosophique interrogeront ces notions, avec l’œuvre de Michel Foucault comme horizon de réflexion.
LUNDI 15 SEPTEMBRE
MATIN
Modération : Martin LEGROS, rédacteur en chef adjoint de Philosophie Magazine
Avec Maître Robert BADINTER, Mme Élisabeth ROUDINESCO, M. Colin GORDON, M. Frédéric GROS
APRÈS-MIDI
Modération : Martin LEGROS
Avec Mme Claude FINKELSTEIN et des représentants d’associations européennes d’usagers de la psychiatrie, M. Frédéric CHAUVAUD, Dr. Daniel ZAGURY, Jean DANET
MARDI 16 SEPTEMBRE
MATIN
Modération : Claude-Olivier DORON (sous réserve)
Avec M. Denis SALAS, Juge Edward ORMSTON, Mme Claude FINKELSTEIN, M. Alain BOULAY
APRÈS-MIDI
Modération : Martin LEGROS
Avec Mme Françoise DIGNEFFE, Dr. Mario COLUCCI, M. Claude-Olivier DORON, M. Le Procureur Général Jean-Olivier VIOUT
Laurence Février ponctuera les débats de lectures de textes de Michel Foucault, et présentera, en collaboration avec Brigitte Dujardin, une installation vidéo reprenant les paroles d’usagers et de personnels de santé collectées à l’hôpital de Montfavet.
Avec le soutien de la Commission européenne dans le cadre de « 2008 – Année européenne du dialogue interculturel »
Depuis le 19ème siècle, par le détour de l’expertise psychiatrique, la psychologie de l’inculpé se retrouve au cœur des débats judiciaires. La justice examine à la fois des actes dont le caractère délictueux doit être établi, et des sujets dont la responsabilité doit être évaluée. Aujourd’hui, la prise en compte accrue du ressenti des victimes et des peurs de la société réinterroge les rapports entre le domaine pénal et le domaine médical. De ces rapports toujours instables et conflictuels, Michel Foucault a fait l’histoire ; une histoire qui vise à déranger nos partages trop évidents, nos certitudes prétendument immémoriales.
Si le code pénal a évolué, les questions posées par le philosophe à cette entrée du savoir psychiatrique dans le pouvoir judiciaire restent d’actualité : à quelle légitimité prétend l’expertise psychiatrique ? Jusqu’où la justice doit-elle se préoccuper de la psychologie des individus ? A quelles stratégies répond le suivi socio-judiciaire des malades jugés « dangereux » ? Ces trois questions seront abordées au cours d’un colloque qui ne se propose pas tant de commenter Foucault, que d’utiliser certaines de ses grilles de lecture pour analyser l’inquiétude actuelle des professionnels et des usagers. A l’heure où la santé mentale devient un enjeu de la politique commune européenne, ce colloque se veut international.
Mais pourquoi revenir aujourd’hui à une pensée qui a accompagné les combats d’hier, liés à un contexte médical différent, comme ceux de l’antipsychiatrie ? Publié en 1961, L’Histoire de la folie est devenu un ouvrage classique, au risque d’être classé, comme un monument. Sa thèse principale semble aussi connue que contestée. L’actualité éditoriale internationale nous invite cependant à souffler la poussière accumulée. Dans les pays de langue anglaise, ce n’est que l’an dernier que le grand public a pu accéder à la première traduction intégrale de L’Histoire de la folie.
À travers le monde, la publication des cours au Collège de France, entamée en France en 1997, a profondément renouvelé notre approche de l’œuvre foucaldienne. Au sein de ce corpus foisonnant, les deux cours consacrés à la psychiatrie (1973-1974 : Le pouvoir psychiatrique et 1974-1975 : Les anormaux) opèrent des déplacements importants par rapport au travail inaugural de 1961. Pour une jeune génération de chercheurs, relire Foucault a d’abord été synonyme de l’entendre pour la première fois.
Par ailleurs, le philosophe français a été particulièrement sensible à la dramaturgie de la folie qui a habité notre culture, de Calderon à Artaud. Le lieu même de La Villette nous invite à honorer cet aspect à travers les paroles collectées par Laurence Février, comédienne et metteur en scène, ainsi que l’installation « Dots Obsession » de Yayoi Kusama présentée dans la Grande Halle cet été.
Philippe Chevallier
Coordinateur scientifique
Philippe Artières, historien, chargé de recherche LAHIC-CNRS
Daniel Defert, sociologue, maître de conférences à l’université Paris VIII
Claude Finkelstein, présidente de la Fédération nationale des associations de patients et ex-patients en psychiatrie
François Gibault, avocat à la Cour d’appel de Paris
Tim Greacen, psychologue, directeur du laboratoire de recherche de l’EPS Maison Blanche
Frédéric Gros, philosophe, professeur à l’université Paris XII
Jean-Louis Senon, psychiatre, professeur à la Faculté de Médecine, Université de Poitiers
Nous avons le plaisir de vous convier à la journée découverte de notre école de formation de psychopraticien, conduite par Pascal Aubrit et Henry Kisiel, qui aura lieu :
L’objectif de cette journée consiste à découvrir et à expérimenter le programme de l’école, les formations que nous dispensons et notre méthodologie reliée à la psychothérapie relationnelle. Elle se déroulera dans une alternance de séquences expérientielles et de temps d’élaboration. Une présentation du cursus de formation au CIFPR sera suivie par un temps de questions-réponses.
Lieu : Centre de Psychologie Biodynamique du Père Lachaise
Salle ALIZE
59 boulevard de Ménilmontant, 75011 Paris
Code immeuble : 19 B 60
Code BLOC 1 : 1519