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28 février 2012

La croissance des inégalités Bernard Ginisty

C’est dans ce monde là que nous exerçons, et préparons à exercer nos étudiants. Ne jamais oublier le contexte. Ces pauvres par millions qui va les écouter ? la psychothérapie de cabinet c’est comme la peinture de chevalet, strictement assigné. Et pourtant, ne jamais renoncer.

PHG


Bernard Ginisty

La croissance des inégalités

Chronique hebdomadaire de Bernard Ginisty du 23 février 2012

Récemment, le Journal Le Monde publiait, sous le titre « 115 millions d’Européens menacés de pauvreté ou d’exclusion sociale » des statistiques concernant la pauvreté et l’exclusion sociale en Europe (1). On y apprend que 16% des Européens vivent au dessous du seuil de pauvreté, que 10% ont utilisé moins de 20% de leur capacité de travail et que 8% sont en état de « privation matérielle grave », c’est-à-dire dans l’impossibilité de payer un loyer ou de se chauffer correctement. Dans un dossier sur les inégalités et la pauvreté en France (2), le journal La Croix écrit ceci : « Depuis le milieu des années 2000, tous les indicateurs statistiques de mesure de la pauvreté dessinent une courbe nettement ascendante. Dans les rues de nombreuses villes, les associations caritatives, dont le Secours Catholique, enregistrent une montée de la misère, ainsi qu’une multiplication des travailleurs pauvres. En revanche, de nombreux économistes relèvent depuis peu, la croissance spectaculaire du nombre d’hyper-riches ainsi que l’envolée de leurs revenus. Ce grand écart des inégalités représente pour certains une menace sur notre pacte républicain ».

Ainsi donc, ce que les responsables politiques ne cessent d’invoquer pour justifier leurs difficultés, à savoir « la crise », apparaît finalement comme l’inexorable montée d’une fracture sociale de plus en plus indécente que Louis Maurin, directeur de l’Observatoire des inégalités commente ainsi : « Cela fait plusieurs années que l’Observatoire dénonce la hausse des inégalités monétaires, depuis sa création en 2003. Depuis les années 2000, cet écart se creuse de façon de plus en plus préoccupante. C’est un signe de retournement par rapport à une période, commencée dans les années 1970, de réduction des écarts ».

Depuis des décennies, beaucoup de chantres de la modernité nous assurent que le libéralisme serait le nouvel horizon indépassable de notre temps. L’univers radieux passerait par une dérégulation généralisée des forces du marché qui nous arracheraient aux brumes des idéologies au profit de la seule langue universelle qui aurait du sens : l’argent. Un des acteurs de cette aventure libérale, Pierre Dauzier, PDG du groupe Havas de 1986 à 1998, décédé en 2007, analysait avec lucidité l’inanité de ce dogme : « Cette inanité, écrit-il, je l’ai partagée. Jour après jour, je me suis efforcé de me conformer à la banalisation des idées et à l’adaptation aux schémas financiers. Car tous les schémas finissent par devenir financiers ». Et de son expérience de manager de groupe international il conclut : « Le capitalisme financier n’est pas amendable. On a pu espérer l’avènement d’un capitalisme populaire plus égalitaire. C’était un leurre. Certains l’ont agité au moment des privatisations. J’étais bien placé pour observer la promotion de cette illusion. On faisait miroiter aux petits épargnants des perspectives de prospérité. Ils se sont vite aperçus qu’ils étaient floués : le capitalisme ne récompense plus que les spéculateurs et les financiers » (3)


(1) « 115 millions d’Européens menacés de pauvreté ou d’exclusion sociale ». In Cahier Géo & Politique du journal Le Monde des 19 et 20 février 2012, page 3

(2) « Le prix des inégalités » Journal La Croix du 20 janvier 2012, pages 12 -13

(3) Pierre DAUZIER : Le marketing de l’apocalypse Editions de la Table Ronde, 1998, pages 137 et 140