Les bêtes n’ont pas inventé Auschwitz, ne disposant pas de la fonction symbolique. Pas une raison pour s’arroger le droit de les maltraiter et torturer (une invention humaine).
► Mots clés : condition animale
les abattoirs de Srebrenitza
le sang des bêtes, comme celui d’Abel, crie. Vers nous si Dieu s’absente. En Afrique, avant de tuer un animal dans la brousse, autrefois on lui demandait pardon. Il y avait entre l’homme et ce que nous appelons la nature, une relation. Nous avons changé tout cela, avec la mentalité industrielle, le monde autour de nous, animaux compris, est devenu un monde d’objets. Or, si on se met à y penser, ni les bêtes ni les esclaves ne sont des objets. Pour les esclaves, ça continue, à bas bruit. Pour les bêtes, nous commençons à nous réveiller. À Srebrenitza c’est dans des abattoirs que les serbes ont procédé à leur nettoyage ethnique.
planète des singes
Cela dit avec l’hominisation, animaux dénaturés, nous avons inventé la cruauté et la perversion, ainsi que l’héroïsme de la Résistance et la figure de Mandela, mais rappelle Élisabeth de Fontenay, les grands singes qui savent négocier un arrangement, ne peuvent pas faire la révolution.
Il y a tout de même longtemps qu’on pense à tout cela. Après les Anciens, on retiendra :
– Louise Michel
depuis l’oiseau dont on écrase la couvée jusqu’aux nids humains décimés par la guerre
"Au fond de ma révolte contre les forts, je trouve du plus loin qu’il me souvienne l’horreur des tortures infligées aux bêtes. […] On m’a souvent accusée de plus de sollicitude pour les bêtes que pour les gens : pourquoi s’attendrir sur les brutes quand les êtres raisonnables sont malheureux ? C’est que tout va ensemble, depuis l’oiseau dont on écrase la couvée jusqu’aux nids humains décimés par la guerre."
– Isaac Bashevis Singer :
un couteau ou un pistolet pour détruire des êtres plus faibles que lui
« Tant que les êtres humains continueront à répandre le sang des animaux, il n’existera pas de paix dans le monde. La distance qui existe entre la création des chambres à gaz à la Hitler et les camps de concentration à la Staline n’est que d’un pas, car tous ces actes ont été perpétrés au nom d’une justice sociale et il n’y aura aucune justice tant que l’homme empoignera un couteau ou un pistolet pour détruire des êtres plus faibles que lui. »
– Tom Regan, Les Droits des animaux, The Case for Animal Rights, Berkeley, University of California Press, 2004, trad. Enrique Utria, Hermann, 2013 :
ce qui leur arrive leur importe
"Certains animaux ont une vie mentale suffisamment complexe pour avoir une expérience propre de leur bien-être. En d’autres termes, ils ont une vie mentale assez complexe pour que ce qui leur arrive leur importe."
– Élisabeth de Fontenay, Le Silence des bêtes, la philosophie à l’épreuve de l’animalité :
paroxysme de l’inintelligibilité meurtrière
"On sait que la grande majorité de ceux qui, descendant des trains, se retrouvaient sur les rampes des camps d’extermination ne parlait pas allemand, ne comprenait rien à ces mots qui ne leur étaient pas adressés comme une parole humaine, mais qui s’abattaient sur eux dans la rage et les hurlements. Or, subir une langue qui n’est plus faite de mots mais seulement de cris de haine et qui n’exprime rien d’autre que le pouvoir infini de la terreur, le paroxysme de l’inintelligibilité meurtrière, n’est-ce-pas précisément le sort que connaissent tant et tant d’animaux ?" mais aussi :
ne pas suturer cette faille par une idéologie scientiste
"Bien que je sois immanentiste et matérialiste, je ne partage pas la volonté qu’ont certains de réduire l’ethnologie à l’éthologie, la sociologie à la biologie et la psychologie aux neurosciences. On peut ne pas croire à un Dieu créateur, législateur et sauveur, et rester cependant attaché à quelque chose comme la transcendance. Je fais mienne la réponse du philosophe Paul Ricœur (1913-2005) au neurobiologiste Jean-Pierre Changeux: « Ce n’est pas dans votre champ que l’on sait ce que signifie évaluer ou normer. » Pour le dire autrement, il y a, à cause de ce 1 %, du tragique dans toute existence humaine et il importe de ne pas suturer cette faille par une idéologie scientiste."
complexité
Cela rappelle que la frontière entre humains et animaux existe aussi bel et bien. Question annexe : situer et évaluer les subfrontières avec les animaux les plus élevés dans l’échelle de l’intelligence et de la sensibilité (grands singes, dauphins, poulpes, corvidés etc.), et situer la conscience liée au langage articulé proprement humain. Sujet résolument complexe.
de Pythagore à Franju
L’ami Daniel vous adresse en ce sens une lettre que nous répercutons volontiers. Cela fait quelques décennies que notre sensibilité philosophique commence à se ressaisir de cette question – et puis le pet des vaches se met à risquer de nous péter à la gueule. Certes il y a les vaches sacrées, la métempsychose, et Pythagore. La question est immense, que Franju avait en 1949 traitée dans un documentaire (en noir et blanc, on imagine ce que ça aurait donné en couleurs à la japonaise), dont nous ornons du titre ce papier numérique.
à quoi bon s’occuper des bêtes ?
Je poursuis mon exploration des divers champs de questionnement de l’éthique contemporaine, cette fois-ci avec la question de l’animal. J’espère que cette thématique semble moins étrange aujourd’hui, grâce à l’apport (bien tardif) de personnes un peu médiatiques, comme Mathieu Ricard et certains journalistes. Cela fait une dizaine d’années, lorsque je commençai à m’y intéresser, personne en France n’en parlait. La réaction était de surprise, avec des réponses comme « il y a tant de malheurs chez les humains, à quoi bon s’occuper des bêtes ?», et autres beaucoup moins mesurées. J’essayerai de vous montrer pourquoi il faut s’en occuper et quelles sont les principales approches pour cela.
hors la zone de confort
La philosophie n’est vraiment utile que lorsqu’elle nous aide à sortir de la zone intellectuelle de confort, lorsqu’elle nous mène en dehors des habitudes. C’est souvent le cas lorsqu’on évoque les problèmes que pose l’ensemble de nos relations avec les animaux, notre alimentation et notre place dans l’ensemble du vivant. Pourtant, la réalité de ce que nous faisons ou ce que nous permettons que nos sociétés fassent est abyssale. C’est un de plus grands impensés de notre vie et de notre façon d’être.
L’éthique animale, un défi pour les humains d’aujourd’hui
FORUM PHILOSOPHIQUE DE PARIS / Institut d’éthique contemporaine
Conférence-débat
Mardi 19 mai 2015 à 19:30
ATTENTION : REPORT SINE DIAE
pour cause de force majeure (grève locaux de la Mairie)
par Daniel Ramirez
philosophe, docteur en éthique et en philosophie politique de l’Université Paris-Sorbonne.
Avec la participation du Dr. Jean-Pierre Kieffer, vétérinaire. Président de l’OABA Œuvre d’assistance aux bêtes d’abattoirs et Secrétaire Général du Conseil national de la protection animale. Modérateur : Christian Cousin, Vétérinaire.
1:15 de conférence, 45 minutes d’échanges ouverts avec le public.
Mairie du 10e arrondissement de PARIS – Salle des fêtes
72 rue du Faubourg Saint Martin, Paris 10e (M° Château d’eau).
Entrée libre.
L’origine (ou la condition) animale de l’homme est une donnée paradoxale. L’humain s’est développé dans une ancestrale fréquentation des animaux non humains: chasse, pêche, domestication, élevage, rites et cultes, art, travail, consommation, guerre, jeux et spectacles, expérimentation scientifique, compagnie et aide.
Les interactions avec l’animal sont omniprésentes, mais elles changent beaucoup dans l’histoire. Le développement de nos sociétés et l’état de la réflexion nous permettent, depuis quelques décennies, de nous interroger sérieusement sur le bien-fondé éthique de beaucoup de pratiques qu’autrefois semblaient naturelles et intégrées dans la culture.
– Quels sont nos devoirs envers les animaux ?
– Doit-on leur reconnaître des droits ?
– Comment intégrer notre connaissance (de plus en plus importante) de leur capacité à souffrir et de leur complexité dans notre comportement envers eux ?
L’enjeu de l’éthique animale est de trouver une attitude et des comportements humains envers les animaux, ce qui semble lié à l’idée que nous nous faisons de nous-mêmes, à nos valeurs, à ce que nous mangeons et à la façon de concevoir notre place dans l’ensemble du vivant et son avenir.
Nous ferons le point avec un philosophe spécialiste de l’éthique contemporaine, passionné des questions animales et écologiques, et un vétérinaire très impliqué dans la défense des animaux et les politiques actuelles dans ce domaine.
NOTEZ BIEN
1:15 de conférence, 45 minutes d’échanges ouverts avec le public.
Mairie du 10e arrondissement de PARIS – Salle des fêtes,
72 rue du Faubourg Saint Martin, Paris 10e (M° Château d’eau). Entrée libre.