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19 octobre 2011

Miller toqué

Quelques extraits du Blog de notre ami Michel Rotfus sur Médiapart. Octobre 2011

Miller toqué de Roudinesco

Je ne m’attendais pas pour cette rentrée, où la presse célèbre avec intelligence et dignité le trentenaire de la mort de Lacan (avec des conférences de Jean-Claude Milner, Alain Badiou et Elisabeth Roudinesco notamment), à voir surgir sous la plume collective d’une petite secte convaincue de détenir la seule lecture possible de l’oeuvre de leur maître, des écrits dignes des pamphlets de l’entre-deux-guerres, façon Léon Daudet ou des imprécations staliniennes des années cinquante.

Tel est bien le style de Madame Nathalie Jaudel, illustre inconnue, qui écrit sous la dictée de son mentor-psychanalyste Jacques Alain Miller, le tout étant hébergé par le site, genre Corée du Nord, de la Règle du Jeu (par BHL alias Botul) : «Roudinesco plagiaire de soi-même». Diantre! Nouveau concept dit lacanien ? De quoi se tordre de rire si l’on ignorait que hélas des cinglés de cette espèce mènent des cures psychanalytiques à cinq minutes la durée de séance, cinq fois par semaine comme ils s’en vantent eux mêmes dans un film documentaire passé récemment à la télévision, réalisé sous la houlette de Gérard Miller, frère du précédent (on s’y perd). Un analyste allumé y explique que Lacan volait de l’argent dans la poche de ses patients. Et il trouve ça formidable, très «lacanien», absolument génial…

C’est quoi un « plagiat de soi-même »? : on recopie ce qu’on a déjà écrit? Mais pas une ligne du livre de Roudinesco, Lacan envers et contre tout, n’est la copie de ce qu’elle a écrit. Un plagiat de soi-même? Un auteur reprend des conférences dans un ouvrage? Tout le monde le fait. Et c’est normal. Mais ce n’est pas le cas du livre de Roudinesco. Et quand elle souligne qu’elle reprend des arguments déjà avancés, elle ajoute une note en bas de page comme tous les auteurs sérieux.

Incapable d’achever la transcription des séminaires de son beau-père – Miller, Jacques-Alain, le frère de l’autre, en a fait 15 en 38 ans, il en reste 10 et il a 67 ans, jugez vous-même – et incapable d’écrire la moindre ligne qui ne soit pas insultante, le voilà parti en croisade maniaque contre Elisabeth Roudinesco, historienne de renommée mondiale, dont il est à l’évidence jaloux. Il ne l’aime pas, la belle affaire! Miller, amoureux même pas éconduit, Miller toqué de Roudinesco, la suivant à la trace depuis trente ans. Il peut courir longtemps…

Aveuglé par sa haine, il a ordonné à ses troupes, qui lui obéissent comme des robots, d’organiser chaque jour un déluge d’immondices. Tout le monde en prend pour son grade : Michel de Certeau, le grand historien, traité de sale curé antilacanien, Henri Ellenberger, autre grand historien insulté, Derrida voué aux gémonies (il avait l’habitude), d’autres encore. Badiou en prend plein la figure. La tribu n’aime ni l’histoire ni la philosophie, ni la littérature, elle n’aime rien que son gourou adoré, elle se vautre dans la calomnie.

Lors de la manifestation de l’ENS du 9 septembre pour le trentenaire de Lacan – comme me l’a raconté un ami philosophe qui se marrait bien – Miller, Jacques-Alain, est arrivé vers 23h45 entouré de sa petite famille (enfants, petits-enfants) et de sa secte, hurlant et vociférant, tapant sur des tables sous l’oeil médusé de ceux qui étaient là. Et l’ancien normalien, devenu dingue de Roudinesco, laquelle enseigne justement dans cette prestigieuse école, s’est fait huer par les jeunes élèves qui buvaient tranquillement un verre dans le jardin face au magnifique bassin….

Inutile de dire qu’on ne doit jamais répondre à de tels brulots – tendance jaudéliens-millériens – qui déshonorent ceux qui en sont les auteurs. Et Roudinesco l’a bien rappelé dans son entretien à Libération (1er octobre, «Comment former des psychanalystes équilibrés?»)

Donc pas question de commenter les sottises robotiques de la pauvre Jaudel, certainement éprise de son mentor, qui n’a pas lu une ligne des textes qu’elle prétend commenter, qui se trompe de sources, de références et de citations : pas une seule n’est conforme à la réalité. Repassez vos examens Madame pauvre Jaudel, vous insultez, vous calomniez et vous êtes illisible. Et en plus, vous traitez d’antisémite un brillant universitaire, Jeffrey Mehlman, traducteur de Roudinesco (justement, ça ne vous plait pas), de Vidal-Naquet et de Régis Debray. Et accusé d’être le complice en antisémitisme de Roudinesco. On n’y comprend plus rien.
Quelle somme de conneries !

Lacan a dit que la psychanalyse ne pouvait rien contre la connerie. Elle peut encore moins contre la connerie des psychanalystes qui se prennent pour ses seuls héritiers et qui calomnient tous ceux, psychanalystes ou non, qui ne pensent pas comme eux. Amusant spectacle! Mais très triste quand on pense aux vrais événements d’aujourd’hui. Cette bande d’insulteurs professionnels, qui se disent psychanalystes, défigurent le débat psychanalytique français…

À qui appartient l’avenir ?


Après les calomnies, voilà maintenant le mépris bien poli et bien lisse. Je n’ai jamais eu la prétention de penser que la vie intellectuelle française avait besoin de moi et des mes hauteurs de vue. J’ai enseigné modestement pendant plus quarante ans la philosophie dans des classes terminales et j’ai participé à de nombreux débats, notamment au Greph ou bien à ceux que j’ai moi-même organisé dans mon dernier lycée en y invitant des intellectuels prestigieux.

J’ai eu parfois des élèves difficiles mais jamais ils ne m’ont méprisé de cette façon grotesque.

J’ai été souvent très heureux d’enseigner et pendant si longtemps. J’y reviendrai dans ce blog en évoquant quelques souvenirs.

J’ai toujours beaucoup aimé la psychanalyse et son histoire et je suis triste de voir qu’elle est défigurée par ceux qui pourtant devraient la défendre. Mais passons pour le moment.

Aujourd’hui, il me revient en mémoire, le beau journal de Julien Green, L’avenir n’est à personne (Fayard, 1993) dont le titre me rappelle d’ailleurs un autre texte, L’avenir dure longtemps de Louis Althusser qui est aussi un journal par certains côtés, un émouvant témoignage de la vie d’un homme, détesté lui aussi par des médiocres et des imbéciles.

Et voilà ce que je lis à la page 317 de ce journal de Green, datée du 8 novembre 1991 (vingt ans déjà!) et dans lequel il relate sa rencontre avec l’historienne venue l’interroger sur ses relations avec Gide, Stefan Zweig et la psychanalyse : “Hier, journée passée avec Elisabeth Roudinesco qui m’a paru plus belle encore qu’à l’ordinaire dans une grande robe blanche. Arrivée tôt, elle est restée une grande partie de l’après-midi.” Et encore : “Que son œil noir est beau et que l’intelligence y brille mystérieusement.”

On comprend à lire ces pages combien l’intelligence et la beauté peuvent rendre bêtes et jaloux ceux qui ne se nourrissent de la haine et du mépris des autres…


Miller toqué de Carla, de Rosanvallon et des autres

Dans ses publications insultantes contre le monde entier, Miller se désigne comme l’incarnation vivante de Lacan – born again? Diantre! Nous voilà dans le New Age! On comprend que son vieil ami Partrick Valas l’ait représenté sur son site avec un entonoir sur la tête. Il est vraiment toqué le pôvre. Et du coup, il a fait son université populaire pour se célébrer lui-même en Dieu vivant réincarné. Et il s’est déclaré le Coach de Carla Bruni : Carla, Carla où es-tu, j’ai déjeuné avec toi, je veux encore et encore… C’est écrit, c’est archivé…
Mais le voilà maintenant toqué de Pierre Rosanvallon. Vieille histoire. Le Miller, avec famille et tribu, insulte toute la gauche – vieille affaire – lui reprochant d’adhérer à la politique du marché. Et vlan, un coup contre Mélenchon, un coup contre Obama, un coup contre les autres et vive Tapie et Berlusconi, il les aime, il le dit parce qu’il accuse le peuple de les aimer. Quel mépris pour le peuple!
Mais c’est quand même Rosanvallon dont il est le plus toqué, comme il le dit dans Le Point (29 septembre 2011, p. 72 : “Rosanvallon, lui, rêve à chaque rentrée de faire rêver. Ah qu’il serait beau nous dit-il de vivre dans une société “refondée”, où les égaux – gogos, go! – danseraient tous en rond sur le pont d’Avignon.”
Pourquoi tant de vulgarité ? Pardi. Rosanvallon est un auteur du Seuil dont le dernier livre, La Société des égaux, est un best-seller. Quelle tristesse pour la psychanalyse !

Pour l’heure, je vais aller soutenir François Hollande qui n’est pas du tout toqué. Certes, nul n’est “normal” mais enfin on a envie d’un peu d’humour – et il en a – et d’un peu de sérieux au milieu de cette folie. Moi j’aime bien la gauche et je ne supporte pas qu’on l’insulte de façon imbécile…. Ou alors il faut avoir des arguments.

à suivre