Comment se dire psy de nos jours ? pour paraphraser Maurice Chevalier en 1939, en période pré catastrophique, chantant tout ça nous fait d’excellents franc-psys parfaitement dispersés au moment où ils ont le plus besoin d’être repérables en blocs discernables, répartis en multiples écoles et appellations illisibles. Il est vital pour le public comme pour nous de se retrouver dans le maquis des psys appellations.
Nous sommes les seuls[12] à maintenir un jeu de principes fondamentaux, fondateurs, délimiteurs, dont le pouvoir séparateur nous décale des pratiques psys avoisinantes, axées sur des systèmes médicalistes[13] débouchant sur la médicalisation de l’existence.
1) le principe relationnel du C’EST LA RELATION QUI SOIGNE, applicable également à la psychanalyse contemporaine, les deux écoles se rejoignant dans le présupposé de la dynamique de subjectivation.
2) le principe d’une psychopratique[14] du complexe et de prise en compte du multiple.
3) le principe d’une profession de santé non médicale fondée sur la définition de la santé par l’OMS datant de 1945
4) le principe de présence, d’être, savoir être, à deux (ou plus), savoir faire-être. L’idée d’être là avec l’autre, de la psychothérapie existentielle (Dasein) correspond assez. Penser-sentir en situation et relation.
5) principe antiautoritaire d’une démarche psy d’inspiration démocratique. Praticien/ne d’expérience et de mise en suspens du savoir, je ne sais pas pour toi mais reste avec toi pour découvrir ensemble.
6) le principe de responsabilité méthodologique, épistémologique, éthique, de la psychopratique qu’engagent les professionnels que nous formons, consistant à s’interdire toute pratique que nous n’ayons d’abord expérimentée en première personne, au cours de notre formation comme de la démarche engagée en amont et poursuivie tout au long des études. L’exact inverse du savoir cognitif universitaire[17].
7) le principe des Cinq critères du SNPPsy, ayant fondé en France notre profession en 1980, valables plus que jamais.
1) Psychothérapeute, titre administratif d’exercice, est réservé aux psychologues, qui se disent entre eux cliniciens.
2) Psychopraticien, non titre concernant le reste du monde psy, est à peu près à tout le monde[2] : psy sans qualités.
3) Psychopraticien relationnel, titre autoréglementé d’exercice, alternatif à psychothérapeute (peu utilisé par les psychologues qui se disent… psychologues) est réservé aux syndiqués du SNPPsy et membres d’une société savante relevant de l’AFFOP. Une minorité historiquement organisée[3]. Terme générique renvoyant à un champ disciplinaire, appellation d’école — pour laquelle c’est la relation qui soigne. Valable pour les pros qui tiennent de la sorte à se positionner, se démarquer entre psys. Le public s’en indiffère.
Lesquels pros, sortis d’école, avec inscription en société savante et éventuellement syndicalisation, s’affichent avec des noms de méthode ; au cœur de leur liste un noyau d’une dizaine d’items. Pour vous faire une idée, en ordre rhapsodique, Rogers, gestalt-thérapie, analyse bioénergétique, systémisme, analyse transactionnelle, PNL, transpersonnel, intégrativisme. Deux bons auteurs (Durruz et Elkaïm) ont publié deux manuels de « psychothérapies choisies », en comportant chacun une douzaine. La FF2P, se voulant œcuménique, liste 26 thérapies. Tout cela descendant du tronc commun de la psychologie humaniste. Dont le SNPPsy a dérivé la psychothérapie relationnelle. Appellation plus conceptuelle englobante, dont peu se réclament, plus à l’aise dans la cage de leur méthode. Dommage, car on peut légitimement considérer que la psychothérapie, en tout cas la relationnelle, constitue un champ scientifique au-delà des méthodes, non réductible à elles.
Résultat pratique, les praticiens (sic) se présentent comme art-thérapeutes[4], gestalt thérapeutes ou gestaltistes, psychanalystes intégratifs (de la SFPI), ceux du psychocorporel sont bioénergiciens ou font de l’analyse bioénergétique, de la psychodynamique. Voyez encore la thérapie centrée sur la personne (rogeriens). Un peu à la marge, les thérapeutes transpersonnels de Stanislas Grof, mixés spiritualité, très prisée chez certains psychopraticiens. Vous êtes disciple du XY, dites-vous XY-thérapeute. Un peu de tout ? vous voici thérapeute intégratif[5]. Et n’oublions pas les thérapeute multiréférentiel, objets de tous les soins du CIFPR.
Mais il faut faire attention à ce qu’on (se) dit. Alerte rouge : psychothérapeute strictement réservé aux psychologues, s’en tenir au terme tronquatif de thérapeute, plus imprécisément et très prudemment.
Alentour avoisinent les sophrologues[6], les hypnothérapeutes, qui courent les rues, les je-ne-sais-quoi thérapeutes, qui se revendiqueraient de Jankélévitch s’ils existaient. Écartons les parapsychosectes, négligeons les appellations exotiques locales, fondée sur des techniques[7] ou de petits inventeurs, pas d’affolement, mettre un peu d’ordre dans une collection de deux douzaines à tout casser n’est pas tâche impensable.
Reste la psychanalyse. Prestigieuse psychothérapie[8] fondatrice, en recul. Affaire de grandes organisations historiques, sérieuses et rivales. Noter que les psychanalystes contemporains conduisent à présent des… psychothérapies. Et puis voici à présent de petites écoles champignons de psychanalyse dont la qualité n’est vérifiée nulle part car ce titre professionnel est non protégé. Depuis la crise de la psychiatrie, retombée dans l’organicisme et régressée à la neurologie[9], la psychothérapie officielle chancelle. La nôtre, la relationnelle, flotte mais ne sombre pas.
Où allons nous ainsi éparpillés ? la psycho diversité du champ relationnel reste vivante. Lire le Guide des thérapies, d’Edmond Marc réédité depuis un demi siècle, preuve de l’intérêt continuel du public.
Nous l’avons vu, les psys se disent au nom de leur méthode[10]. Relevant quand c’est le cas du champ disciplinaire de la relation qui soigne, dit psychothérapie relationnelle, ils peuvent s’affilier au SNPPsy, qui s’en réclame, ou auprès d’une des sociétés savantes membres de l’AFFOP, qui s’en réclame également. Dans l’indifférence générale car le public s’indiffère du concept de dynamique de subjectivation (devenir soi-même) qui anime et passionne les pros, qui tiennent à leur spécificité différentielle, audible dans leur seule psycho-sphère.
1 — via l’université
pour les jeunes, apprendre la théorie d’une profession voisine, celle de psychologue. Noter que l’université ne forme pas à la psychothérapie relationnelle, chacun son domaine scientifique propre.
2 — par reconversion,
pour le deuxième âge, changement d’orientation à la maturité. Apprentissage d’un métier humanisant.
2.1 formations courtes à des techniques brèves
en vue de thérapies brèves, peu qualifiantes même par accumulation[11].
2.2 vidéo-formations pouvant laisser à désirer
relativement peu coûteuses (et peu formatrices – savoir ce que former veut dire dans ce métier), cours théoriques crypto universitaires, en deux ans.
Critères éthiques, déontologiques, épistémologiques, problématiques.
Résultats : des sous psys, du souci pour eux-mêmes et pour les personnes se confiant à eux.
2.3 formations longue durée
à des méthodes dignes de ce nom (sic). À fort investissement personnel, les seules hautement qualifiantes. Un véritable formation/transformation.
Résultats : une capacité humaine et professionnelle généraliste, à partir d’un encadrement convenable.
Le choix du CIFPR et des écoles fédérées AFFOP.
À vous d’en juger. Comme le dit la chanson la peinture à l’huile c’est plus difficile mais c’est bien plus beau que la peinture à l’eau. Or la psychothérapie est un métier d’art.
Noter encore à propos d’esthétique, que certaines personnes fréquentent notre école pour la beauté du geste, à titre de « super thérapie », expérientielle et didactique à la fois.
Ensuite, viennent les questions relatives à la mise en route, aux sessions découvertes, à la première année, qui sert de période d’orientation.
[1] Cf. Nicolas Durruz, https://www.cairn.info/revue-psychotherapies-2006-2-page-69.htm
[2] La FF2P encadre certains psychopraticiens, issus des écoles qu’elle fédère. Toujours confondables à l’oreille avec ceux qu’elle n’encadre pas. L’AFFOP /SNPPsy sont calés sur psychothérapie relationnelle/psychopraticien relationnel. Appellations disciplinaires, peu employées au quotidien, les professionnels se nommant d’après leur méthode.
[3] Le SNPPsy a spécifiquement refondé la profession psy autoréglementée, à partir de 1980.
[4] Un moment reconnu par l’État.
[5] À distinguer de l’éclectisme.
[6] Catégorie bien-être, on n’est plus dans la thérapie. Évidemment on trouvera des originaux qui se proclameront sophro-thérapeutes. Frontières incertaines et poreuses.
[7] Pas des méthodes. Voir ce mot à notre glossaire en ligne.
[8] Lacan avait pris le soin de définir et d’exclure la psychothérapie du champ théorique par lui édicté de psychanalyse. Exclusion relayée en 2000, y compris envers la psychothérapie relationnelle, par René Major. Querelles d’écoles et de dogmatismes. Freud incluait la psychanalyse dans la psychothérapie.
[9] Les prestigieux anciens continuent de se faire entendre, grands psychiatres témoins inspirants des temps passés, qui s’achèvent avec eux. Qui viendra ensuite ? et vous ?
[10] Attention, une méthode vous forme au métier, au minimum en 1500 heures, plus la démarche personnelle allant de pair. Une technique, en un tournemain, vous communique sa… technique. Sans avoir à vous former comme psy. Une collection de techniques ne forme toujours pas à la psychothérapie.
[11] Sauf pour des professionnels déjà formés.
[12] Bien entendu on trouve toujours quelque part des niches créatives. Ainsi les adeptes de la Grounded Theory, au sein même de l’université, dans certains laboratoires, en psychologie, sociologie et même médecine, cherchent à « enraciner » le savoir universitaire dans l’expérientiel.
[13] La médecine scientifique n’est bien entendu pas en cause. Ce qui n’empêche pas de distinguer maladie et malaise. Les deux susceptibles d’articulation institutionnelle par ailleurs. Encore qu’une certaine conception de l’exercice médical, qui est aussi une clinique, puisse poser problème à ses praticiens. Autre aspect du débat.
[14] Nous prétendons former des thérapeutes relationnels multiréférentiels, dont l’exercice et ministère constituerait une psychopratique. À l’écart de toute confusion avec le terme de psychopraticien, non défini s’il n’est pas adjoint à relationnel, comme avec la psychothérapie officielle pratiquée sous tutelle médicale dont l’hégémonisme positiviste organiciste tend à s’imposer, à rebours de nos principes.
[15] Belle expression du psychiatre jungien intégratif Pierre Coret, 1952-2021.
[16] Concept que François Roustang dit tenir d’un Jean-Louis Lamande introuvable, saisie sensible totale de la situation, en-deçà de la perception, à l’opposé du positionnement diagnostic. Sorte d’hypno-taoïsme du non-agir. À distance épistémologique radicale de la psychopathologie. Les malades sont des maladroits.
[17] Cf. note 12.