PAR RENÉ SABOURAL
Nous l’avons dit, cet avant-projet est inacceptable pour les psychologues parce qu’il supprime, à terme, la profession. Il entraîne, plus particulièrement dans les institutions, la fin des pratiques orientées par la psychanalyse qu’ils soutiennent. À terme, ce projet promeut un nouveau titre, une nouvelle profession de psychothérapeute mais de psychothérapeute paramédical, multicartes, multi référencé, standardisé. Sous qualifié, il sera mal rémunéré.
Inacceptable pour les psychologues, on peut douter que ce texte rencontre l’approbation de nos collègues psychothérapeutes [relationnels, note de la rédaction] tant il les éloigne des pratiques actuelles pour la majorité d’entre eux. Il promeut une psychothérapie d’État, des pratiques officielles, « validées scientifiquement » par l’organisme d’État INSERM.
L’article 2 du projet, la notion « d’attestation de la certification de la formation en psychopathologie clinique« , introduit la Commission nationale de la certification professionnelle, créée par la loi 2002-73 dite de modernisation sociale. Cette commission n’est pas inconnue des psychologues. Ses chargés de mission établissent des répertoires, veillent à l’adaptation des diplômes, émettent des recommandations… Cela nous a valu la fiche métier de laquelle toute référence à la psychanalyse a été soigneusement gommée malgré les demandes de la profession.
Pour nous ôter toute illusion, l’article 7 du projet de décret vient renforcer le dernier alinéa de l’article 52: cette « validation d’une formation en psychopathologie clinique conforme au cahier des charges« , fixée par arrêté des ministères de la santé et de l’enseignement et de la recherche nous concerne bel et bien, les « professionnels visés » au §2 comme professionnels visés au § 3. Lisez bien il ne s’agit ni de DESS, Master, DEA, ou autre doctorat. L’article 8 vous précise qu’il s’agit d’une formation « de niveau master« . C’est bien vague ! Il faut donc rechercher quelques précisions.
Cette formation devra nous donner une « connaissance des quatre approches » de la psychothérapies « validées scientifiquement ». Nous sommes invités à réaliser une fusion « de l’analyse, des théories systémiques, comportementalistes et intégratives« . Fusion, fiction? Plutôt supercherie ! Qui a pu imaginer un pareil montage ? Mais enfin, ils prétendent « valider scientifiquement » alors il faut y croire. Nous touchons au domaine de la croyance.
Dans cette nouvelle configuration il n’y a plus ni psychologues ni psychothérapeutes. Nos successeurs, sortis de ce labyrinthe, appliqueront des questionnaires et des protocoles de réadaptation ou réhabilitation. Exit aussi l’article 2 du décret de 1991 applicable aux psychologues lequel fonde leur autonomie en ces termes : « (ils) exercent les fonctions, conçoivent les méthodes et mettent en œuvre les moyens et techniques correspondant à la qualification qu’ils ont reçue.«
Les « anciens » justement, les professionnels visés au §3, ne sont pas oubliés. Comme l’indique la section III, ils auront jusqu’à 2009 pour s’intégrer grâce à une « formation complémentaire adaptée dans le cadre de la formation continue« . Une variante est prévue pour les professionnels visés au § 2 via la VAE. On peut là encore s’attendre au pire : entre les décrets et arrêtés à paraître, les labellisations INSERM des organismes de formation, les certifications par la CNCP et les accréditations délivrées par la Haute autorité de Santé — HAS, la voie sera étroite pour la survie de la Formation continue.
Autre point : il est également indiqué que restent à préciser le « poids et lieux des stages) ». On suppose que les lieux de stage seront agréés selon les mêmes procédures et publiés sur une liste officielle annexe à paraître ultérieurement ! Il n’y a rien à dire, c’est bien verrouillé. Impossible d’échapper, nous sommes faits comme des rats. Et en matière de rats, ils s’y connaissent !
Nos diplômes n’étaient pas soumis à l’approbation du ministère de la santé. Cette « validation d’une formation en psychopathologie clinique conforme au cahier des charges », fixée par arrêté des ministères de la santé et de l’enseignement et de la recherche restée floue dans l’avant-projet se dévoile par les propos de M Basset. Où sera dispensé cet enseignement, et par qui ? Où se dérouleront ces stages pratiques destinés aux futurs psychothérapeutes? Si rien n’est dit dans l’avant-projet, le Verbatim version 2, de la rencontre du 10 janvier et publié par le SNPPsy nous donne une réponse. Voir le lien http://www.snppsy.org/data/308.pdf. M. Basset y confirme qu’il s’agit bien d’une formation confiée à la Faculté de Médecine, aux CHU. Ainsi nous revenons à la première mouture du plan Psychiatrie et Santé mentale, au rapport Cléry Melin qui l’inspire et aux rapports qui l’ont précédé, dont le rapport Berland.
Le Verbatim du SNPPsy prête les propos suivants à M. Basset, pourquoi ne pas les prendre en compte. On peut lire : « {Le texte prévoit bien une exigence professionnelle et adaptée pour les membres dits « de droit ». Et encore (page 5) : « Nous essayons de définir les cadres d’une formation mais pas son contenu. Nous ne pouvons excéder la loi. En clair cela veut dire que les membres dits de droit devront satisfaire à des exigences de formation. » Cependant il est des cadres qui déterminent le contenu. Plus loin : « Il y aura des textes complémentaires (…) en particulier de décret d’appdsur le contenu de la formation. Ce sera un décret simple et non en Conseil d’État. Ainsi le présent décret ne sera pas applicable avant le nouveau décret. C’est l’ensemble du dispositif qui rendra le système viable.«
Mais revenons en page 3 : « La formation est confiée à l’université … à un nouveau contenu correspondra un nouveau cadre. » Lequel ? Ce n’est pas dit. À nous de comprendre. Et en page 4, une contradiction qui n’est qu’apparente : » …S’agissant du master il y en aura un pour ceux qui ne sont pas médecins. On ne peut pas imposer un master aux médecins qui sont déjà titulaires d’un doctorat ! » Supprimons les médecins, reste un master destiné aux psychologues. Continuons la lecture du verbatim : « Seuls ceux qui n’auront pas de formation préalable devront répondre sur l’honneur. On ne peut exiger un master des médecins, mais pour les autres, il s’agit bien évidemment du master et non d’un niveau master. » Le projet, lui, énonce : « de niveau master ». Commentaire : Sauf erreur, un médecin, du fait de son doctorat n’est pas dispensé du DESS ou du Master pour faire usage du titre de psychologue. Alors pourquoi cette affirmation ?
Je ne vois qu’une explication à cette apparente contradiction. Nos DESS ou Masters sont délivrés par la faculté de Sciences Humaines. Il suffit donc de glisser la formation Master des « quatre psychothérapies » en Faculté de Médecine et le tour est joué. Il n’y a plus alors d’obstacle à délivrer un titre de psychothérapeute à un généraliste — sans formation — puisqu’il est titulaire d’un doctorat de médecine, de niveau dit supérieur. Ainsi l’exigence que nous avions affirmée de maintenir la formation des psychologues en Sciences Humaines se trouve contournée grâce à ce décret sur les psychothérapeutes. Il ne s’agit plus de former les psychologues en Faculté de Médecine comme l’annonçait le PPSM. On y formera à la psychothérapie.
Bien sûr cela ne supprime pas le diplôme ou la profession de psychologue. C’est plus subtil. Cela écarte les psychologues du champ de la santé — voire plus — s’ils refusent de passer par le formatage en CHU ; le tout sous le prétexte de réglementer l’usage du titre de psychothérapeute et de lutter contre les sectes. Il y a donc urgence à lire, faire connaître le Verbatim et de dénoncer tout cela.
Conclusion provisoire. C’est « l’ensemble du dispositif qui rendra le système viable« , dit M Basset. Grâce à l’article 52, grâce au transfert des compétences, la refonte des statuts des hospitaliers est en bonne voie : tous (psycho)thérapeutes TCC ! Après avoir remplacé les infirmiers psy par des infirmiers DE, il ne restait qu’à remplacer les psychiatres par des médecins généralistes. C’est déjà bien engagé. On confiera alors leur formation (continue) aux laboratoires pharmaceutiques.