Rien de mystique dans l’intitulé malgré une trompeuse apparence. Par ailleurs la quatrième de couverture s’avérant illisible, en plus de l’excellent travail de présentation par Edwy Plenel et Hugo Vitrani paru dans Médiapart que nous mettons sur notre site à votre dispostion (sans les séquences vidéos ça c’est dommage mais Médiapart vous les livre pour un €), voici une première brève introduction. "Quiconque croit qu’une croissance exponentielle peut durer toujours dans un monde fini est ou un fou ou un économiste" (Keneth Boulding), cite Edgar Morin au début de son ouvrage. C’est que comme pour tout le reste il nous faut une croissance complexe, incluant croissance et décroissance se nourrissant l’une de l’autre – comme vie et mort. Affaire de complexité, concept trop rare de nos jours, qui en ont tant besoin. Confrontés à la réalité d’un "âge de fer" qui ressemble à la "préhistoire de l’esprit humain" sur le seuil d’un gigantesque naufrage et/ou d’une métamorphose débouchant sur une politique de civilisation, nous autres psychopraticiens relationnels qui avons la charge de réguler un tout petit segment de la folie (homo sapiens, homo demens rappelle sans cesse Morin) de ce moment de l’histoire de la planète nous trouvons dans la position de devoir pour y comprendre quelque chose recourir au nécessaire concept de complexité qui fonde la pensée d’Edgar Morin.
Celui qui dit qu’on est en train de remplacer "les anciennes ignorances par un nouvel aveuglement", résultant de "la conception techno-économique du développement qui ne connait que le calcul comme instrument de connaissance (… statistiques prétendant tout mesurer)", ajoutant que "le calcul ignore non seulement les activités non monétarisées comme (…) la part gratuite de l’existence, mais aussi et surtout ce qui ne peut être calculé ni mesuré : la joie, l’amour, la souffrance, la dignité, autrement dit le tissu même de nos vies", celui-là sa pensée est précieuse à la nôtre, à notre action au sein de cette société multicrise dont nous constituons à bas bruit un des éléments activateurs du principe espérance.
Edgar Morin note que "l’Occident ressent en lui un vide et un manque : de plus en plus d’esprits, dit-il, désemparés, font appel aux psychanalystes et aux psychothérapies (…)". Il prolonge l’énumération jusqu’au yoga, au bouddhisme zen et aux marabouts, domaines hors de notre champ de compétence. En charge de notre rôle dans le processus en cours, modeste et indispensable, nous sommes conscients que sans une vision d’ensemble, enfermés dans nos cabinets nous risquons de devenir otages de forces incommensurables dont il urge que nous nous fassions une idée, dont il urge que nous disposions d’une représentation.
Lisez ce grand et bon livre, pour devenir de meilleurs acteurs de l’Histoire à laquelle nous appartenons, grosse de tous les dangers et de toutes les promesses, pour, mieux contextualisés, mieux pratiquer notre métier au service de nos frères humains.