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10 août 2014

Pierre RAYMOND, philosophe

Un cran au-dessus de certaines facilités France-culturelles, de la philosophie de haut niveau. Pierre Raymond était althussérien. Marxisme et théorie de la théorie, certains aiment. L’antihumanisme théorique en a médusé plus d’un. Ceux qui ne suivaient pas se traitaient eux-mêmes d’imbéciles et c’était réglé à l’époque. Le terrorisme intellectuel ça a existé, et dialectique il fut.

Éclairer sa lanterne avec Bernard Rousset, Althusser : la question de l’humanisme et la critique de la notion de sujet. De son côté Henri Roudier parle savamment de Pierre Raymond. Que l’importance de son œuvre ici évoquée rappelle au lecteur celle à nos yeux de la philosophie dans l’exercice de notre profession.

L’antihumanisme théorique, quant à lui, consistant à interroger philosophiquement le concept de sujet, à le décaler, démonter, remonter autrement, déconstruire fut le mot, ce fut un moment. L’humanisme, immense question, on peut s’en réclamer sans se voir ranger dans la catégorie des naïfs égarés dans l’illusion. Il y aura toujours retour sur le concept de sujet et d’intersubjectivité, horizon indépassable de la relation et du lien.

PHG


disparition de Pierre RAYMOND

par Henri Roudier

structuralisme

Le philosophe Pierre Raymond vient de mourir à l’âge de soixante et onze ans. Avec lui disparait, trop tôt, une de ces voix qui ont compté pour une génération passionnée par les avancées de ce qu’on appelait structuralisme à la fin des années soixante et par les efforts de Louis Althusser pour déconstruire un marxisme figé dans des formes politiques qui n’avaient plus grand sens.

histoire du calcul de l’infini, de la logique, des probabilités

Ancien élève de l’ENS de la rue d’Ulm, professeur en première supérieure au lycée Fénelon à Paris, proche d’Althusser, Pierre Raymond était un pédagogue hors pair ainsi que l’auteur d’une oeuvre qui a compté dans ce moment si intense de la pensée française. Œuvre théorique, qui ferait reculer les esprits avides de facilité d’aujourd’hui, mais dans laquelle la théorie se lit dans une langue claire et d’une rigueur inégalée. L’intelligence de Pierre Raymond frappait également par sa grande culture mathématique. Ses recherches le conduiront à reconstruire les grands moments de l’histoire du calcul de l’infini, de la logique ou encore des probabilités dans une perspective dialectique.

construire des méthodes sans avoir besoin de recourir à une méthode de la méthode

Cela lui permettait de critiquer aussi bien une certaine « idéologie de la rigueur » que l’idée de lois formelles générales qui seraient hors le monde : en quelque sorte, s’il y a bien de l’universel, c’est parce qu’il est possible de construire des méthodes sans avoir besoin de recourir à une méthode de la méthode. Ses recherches l’avaient ainsi conduit à réfléchir aux côtés de philosophes comme Xavier Renou, son compagnon de toujours, ou de Pierre Guenancia, de psychanalystes comme Michel Plon, mais également de mathématiciens, comme Christian Housel, Jean Jacques Sansuc ou encore Jean-Louis Ovaert, figure légendaire de l’enseignement des mathématiques, qui vient également de disparaitre.

Comment ne pas évoquer également ce séminaire de l’ENS où se déployait un raisonnement lumineux qui donnait accès à des textes souvent difficiles, où se croisaient l’histoire des mathématiques, de la logique et les grandes ruptures philosophiques des XVIIIème et XIXème siècle ?

ni positivisme anglo-saxon ni marxisme mécanique

Comment ne pas évoquer enfin cette collection d’ouvrages que Pierre Raymond a dirigé à la fin ses années soixante dix. Intitulée Algorithme, éditée chez Maspero, cette collection accueillait des travaux qui ont permis à toute une génération de parcourir les chemins de l’histoire des sciences sans céder aux sirènes du positivisme anglo-saxon ou d’un marxisme mécanique figé dans des postures délétères. On y apprenait la rigueur tout en se méfiant de l’idéologie de la rigueur à laquelle il avait d’ailleurs consacré un séminaire.

rigueur sans l’idéologie de la rigueur

La voix d’un grand philosophe s’est tue ; mais une œuvre reste, indispensable, exigeante qui peut nous accompagner encore : lire ou relire ces textes auprès desquels bien des esprits qui font aujourd’hui de la philosophie un vêtement de commande médiatique paraitraient bien pauvres, reste d’actualité.

bibliographie

Pierre Raymond, Le passage au matérialisme, Maspero, 1973.
Pierre Raymond, La Résistible fatalité de l’histoire, Hallier – Albin Michel 1982.
Pierre Raymond, Dissiper la terreur et les ténèbres, Klincksieck 1992.
Ouvrage collectif dirigé par Pierre Raymond, Althusser philosophe ( PUF 1998)

Collection Algorithme (Maspero) :

Pierre Raymond, L’histoire et les sciences
Pierre Raymond, Matérialisme dialectique et logique
Pierre Raymond, De la combinatoire aux probabilités

Également :

Michel Plon, La Théorie des jeux, une politique imaginaire.
Pierre Guenancia, Du vide à Dieu, essai sur la physique de Pascal.
Anne-Françoise Schmid, Une philosophie de savant, Henri Poincaré et la logique mathématique.
Xavier Renou, L’Infini aux limites du calcul: Anaximandre, Platon, Galilée.
Christian Houzel, Jean-Jacques Sansuc, Jean-Louis Ovaert, Pierre Raymond, Philosophie et calcul de l’infini.