Les plus démunis, qui ne rapportent rien et coûtent trop cher, sont les premières victimes du rouleau compresseur du plan RGPP (voir aussi à ce sujet l’article de Vincent de Gaulejac). Il s’agit de s’en prendre aux fragiles qualifiés de tricheurs un jour avec les petites gens bénéficiaires d’allocations de pauvreté, l’autre jour de faire marcher droit les malades mentaux au grand péril d’une relation de soin qui requiert éminemment la confiance, c’est qu’il faut introduire partout le démon de la gestion (vous savez celui qui fait sauter les banques et les pays) et danser avec lui le rock de l’Évaluation scientiste autour du veau d’or du Chiffre.
Les psychiatres signataires de l’appel du collectif des 39 continuent de se battre contre cette loi et les principes qui l’inspirent, antidémocratiques, antirépublicains, anti humanistes. Ne cessons pas de les appuyer en attendant qu’un jour ils rendent compte qu’une autre loi, celle qui se donne pour mission de maltraiter les psychopraticiens relationnels, relève de la même logique de casse des métiers que dénonce justement l’Appel des appels et celui du collectif des 39.
Philippe Grauer
Le 14 mai 2011,
À l’appel du Collectif des 39, associé avec de nombreuses organisations, une manifestation s’est tenue devant le Sénat le mardi 10 mai 2011 où était débattu le projet de loi relatif à la « protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques »
Plusieurs centaines de professionnels, patients, familles, artistes, citoyens, mais aussi des représentants de partis politiques et de syndicats ont crié leur opposition déterminée à la mise en œuvre d’une loi qui porte gravement atteinte à la dignité et à la liberté des personnes et qui dénature le concept même de soin.
Chacun doit se sentir concerné car si cette loi est appliquée, qui sait si, demain, l’enfant dit « hyperactif« , la personne déprimée, l’adolescent en souffrance ne pourront pas, eux aussi, se voir contraints à des « soins sans consentement« , et cela d’autant plus facilement qu’ils auront lieu en dehors de l’hôpital, pour des raisons à la fois sécuritaires et économiques.
La possibilité pour chaque « soigné » de se déplacer librement se verra strictement encadrée par un « protocole de soins » – renommé programme de soins mais toujours décidé en Conseil d’État – qui fixera les lieux, le contenu et la périodicité des rendez-vous médicaux avec la menace de se voir hospitalisé si un élément du protocole n’est pas strictement appliqué.
Cette loi empêche donc activement l’instauration d’une relation de confiance, élément pourtant central du soin en psychiatrie et risque de pousser les patients à des actes désespérés plutôt que de les en protéger.
Qui peut croire que cette loi va dans le sens des « droits et d’une meilleure protection des personnes » alors qu’elle détruit toute possibilité de soins ?
Qui peut croire que les familles seront entendues dans leur demande d’aide alors que les patients seront mis en danger et fragilisés par cette loi ?
C’est la raison pour laquelle des sénateurs de la Commission des affaires sociales, tous bords politiques confondus ont demandé dans un premier temps le retrait des « soins » sans consentement en ambulatoire. Mais dans l’hémicycle, les centristes n’ont pas mis leurs actes en accord avec leurs déclarations.
Cette loi qui est en passe d’être votée, puisqu’elle repassera en deuxième lecture le 18 mai à l’Assemblée Nationale et le 16 juin au Sénat, est une loi contre les soins, contre les patients, contre les familles, contre les citoyens, contre les soignants.
C’est une loi qui détruit cette psychiatrie que nous voulons hospitalière pour la folie.
C’est une loi qui va dans le sens de la révision générale des politiques publiques (RGPP) et des ravages qu’elle cause (non remplacement d’un fonctionnaire sur deux, désengagement de l’État dans le domaine de la protection sociale etc…).
C’est une loi qui entérine la destruction du travail de secteur.
C’est pourtant une loi cohérente et « responsable » pour nos gouvernants, excluant les plus démunis d’entre nous, ceux qui « ne rapportent rien », ceux qui « coûtent trop chers ».
Nous n’en sommes plus à une « déraison d’État » mais à l’application méthodique d’un plan qui économise et qui place 500 000 malades mentaux en otages d’un plan de rationnement et d’une campagne électorale douteuse. Pour cela tous les moyens sont bons : énonciation de contre-vérités, pressions exercées sur les représentants syndicaux, sur les représentants élus etc.
L’application de ce projet de loi a d’ores et déjà commencé avec l’instauration de dispositifs Justice/ARS/médecins chefs de pôle/directeurs d’hôpitaux au nom du « réalisme ». C’est bafouer le principe même de la loi que de l’appliquer avant même qu’elle soit votée!
Le collectif des 39 refuse de participer à l’installation de ces dispositifs, construits avant même que la loi ne soit votée, et vous invite à faire de même.
Nous restons mobilisés, patients, familles, professionnels, syndicats, partis politiques, avec l’appui de la Commission nationale consultative des Droits de l’Homme pour exiger que ce texte ne puisse s’appliquer car il signe un recul sans précédent des libertés démocratiques et des fondements même du pacte républicain.
Le collectif des 39 contre la nuit sécuritaire
. 1 Collectifs de patients, mouvement contre la politique de la peur, syndicats, tous les partis politiques de gauche, Ligue des Droits de l’Homme, Syndicat de la Magistrature, Sud santé sociaux, syndicats de psychiatres publics, qui appelaient aussi à une grève largement suivie dans les hôpitaux psychiatriques