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21 février 2017

Claude Haza – le sens du bonheur serait-il en poésie une idée neuve ? par Claude Vercey

une poésie qui coule de source – par Philippe Grauer

une poésie qui coule de source – par Philippe Grauer

Pourquoi ne pas se contenter de cet
assortiment de mots mis
au service de tous les jours
sans allégories, et pas de superflu

Tout l’art poétique de Claude Haza réside dans ce discret programme qu’on trouve dans Douceur des reliefs, qu’on trouve sur un plateau couvert de livres épars dans ma bibliothèque, et comme je suis heureux que Claude Vercey lui consacre cet article critique dans la revue en ligne Décharge que nous vous répercutons ici.

modéré et chantant

Claude milita longtemps au CA du SNPPsy, puis nous avons été compagnons de route des décennies à Artex, où un jour il nous a lu un de ses textes, et voilà qu’un poète était né. Modeste, avec la sensibilité secrète de la sensitive si chère à Chateaubriand, avec la douceur obstinée des idiots chère à Rimbaud, Claude Haza se fait finesse absolue et tranquille, la ligne de son poème s’infiltre dans notre oreille devenue lit de ruisseau où circulent en paix des poissons dont le mutisme aux mille regards profère des hymnes qui valent ceux des esclaves aux murènes d’Apollinaire, en mode limpide, provenant de là où de nous sourd le coulant de source modéré et chantant.


par Claude Vercey


ne cédant pas au côté sombre de l’existence

Le sens du bonheur serait-elle en poésie une idée neuve ? L’ivresse est de vivre / sans retenue, lit-on dès le premier poème d’À la source de l’instant, de Claude Haza (Propos2editions), que je parcours à l’incitation de Chantal Danjou (et les lecteurs de Décharge s’apercevront d’ici à quelque temps du rôle déterminant joué dans cette affaire par cette poète-critique). Moment d’incrédulité, passé la lecture des premières pages : est-ce possible, un poète ne cédant pas au côté sombre de l’existence ?

Apaisé, serein, peut-être le mot le plus juste pour dans un premier temps qualifier la poésie qu’il propose, Claude Haza nous incite à une prise de distance avec le long fleuve noir des discours habiles sans fin, des actualités sociales complaisantes, en une écriture limpide, d’une élégante plasticité, qui coule et déborde le corsetage du vers :

Il vient un moment de sérénité
quand on a mis tout en ordre.
Les taches peu agréables accomplies
il ne reste pas la moindre inquiétude,
on se demande pourquoi avoir tant attendu.
Comme la question paraît même dérisoire,
et c’est désormais le temps libre
qui nous éveille à d’autres participations,
mais avant de s’élancer on hésite
à goûter les prolongations du farniente
dans lequel on sait déjà que l’armada
des projets en cours appareille, et dit :
« Il faut s’y remettre tout de suite. »

donner vie autrement à l’absence

Nulle naïveté, ni illusion chez Claude Haza : la vie est un gouffre ouvert / où se combinent mal / parfois pas du tout, la douleur et la joie. Mais la sagesse l’amène à choisir. Et même un poème de deuil, L’appartement vide, avec ce premier vers : Chaque fois son absence me glace, se termine nonobstant par une incitation à faire face : Maintenant l’ombre est passée, il faut / donner vie autrement à l’absence.

Sans doute le bonheur promis est-il mesuré, un bonheur de sage, et n’est atteint qu’au prix d’un effort de clairvoyance. Il n’est pas non plus lié au passé et à la nostalgie, comme souvent en poésie : un renversement s’opère, l’enfance est déclarée ennuyeuse, et le bonheur possible est à saisir ici et maintenant : la vie est partout (titre d’un poème) ; et le poète se doit d’être sensible à toutes les voix du monde / stimulant la vie en cours de mutation.

puis vient un silence confident

Au final, la leçon est simple : D’abord les sensations, – première injonction et autre titre de poème. Ou pour le dire autrement : Minutieux repérages partout / à rapprocher de l’œil. C’est dans cette attention aux détails que naît l’ivresse d’être vivant. Car la vie est riche d’images somptueuses (…) où l’on succombe, réjoui.

La vie passe voisine du bonheur
si l’on reçoit des bouffées de chance
parcourant le temps
le vent plie le rideau qui flotte
sous des branches.

Alors nous bercent la plainte d’une scie
et le murmure d’un tuyau
aspirant l’herbe fauchée,
puis vient un silence confident
accentuer la délectation éphémère.


Claude Haza n’est-il pas un poète scandaleux ?


Repères  ; Claude Haza : A la source de l’instant. Propos2editions -> 74 p. 12€.