RechercherRecherche AgendaAgenda

Actualités

Revenir

21 mars 2011

Alerte sur la multiplication des enfermements psychiatriques Laetitia Clavreul, Le Monde 19-20 mars 2011

Laetitia Clavreul, Le Monde 19-20 mars 2011

Sur décision de préfets, des personnes restent hospitalisées bien qu’elles ne nécessitent plus de soins


Le Monde répercute à son tour après Libération le rapport Delarue. C’est pourtant au mépris de ses constats et analyses que l’Assemblée nationale a voté la loi que réclamait le gouvernement pour maintenir en « détention psychiatrique » sur ordre du préfet qui il voudra, à savoir de qui il souhaitera ne pas redouter de dangereuses (pour lui d’abord) retombées : on n’est jamais c’est bien connu trop prudent et un enfermé vaut mieux que deux tu courras après.

Les psychiatres jusque là surtout préoccupés de faire main basse sur le maximum de surface du Carré psy, se préoccupent légitimement, dans le cadre de l’appel des 39, de lutter contre la résistible ascension du contrôlitaire. Nous les appuyons sans réserve dans ce combat pour une tout autre conception de la folie, des tâches des professionnels du psychisme… et de la citoyenneté.

Philippe Grauer


En psychiatrie, les pratiques d’enfermement se multiplient, s’alarme Jean-Marie Delarue, le contrôleur général des lieux de privation de liberté dans un avis qui devait être publié au Journal officiel dimanche 20 mars et qu’a révélé Libération vendredi.

Il y écrit que les risques de trouble à l’ordre public ne doivent pas conduire à  » un accroissement préoccupant  » de la présence dans les hôpitaux de personnes dont la maladie n’exige plus qu’elles soient privées de liberté.

C’est au gré d’une quarantaine de visites inopinées dans des établissements de santé et à la lecture de courriers de malades ou de leurs familles, qu’il a pu constater ces atteintes à la liberté des personnes ou à leur droit à l’accès aux soins.

Tout d’abord, il relève que, dans les hôpitaux psychiatriques, de plus en plus de portes sont fermées à clé. Une logique d’enfermement qui a des conséquences au-delà des malades placés là sans consentement. En effet peuvent aussi s’y trouver des patients hospitalisés librement, qui ne doivent donc pas être privées du droit d’aller et venir. En outre, leur  » enfermement ne s’est accompagné d’aucune procédure particulière : il est la seule conséquence du choix du responsable de l’unité « .

maintenir à l’hôpital des personnes dont l’état, attesté par les médecins, ne justifie pas qu’elles y soient maintenues contre leur gré

M. Delarue s’est intéressé à l’hospitalisation d’office, une mesure qui permet au préfet de demander, sur la base d’un certificat médical, un internement en cas de trouble grave à l’ordre public ou de risque d’atteinte à la sûreté des personnes. Il a constaté que, désormais, il est moins tenu compte des avis des psychiatres quand ceux-ci estiment que le patient, soigné, peut quitter l’hôpital. Les sorties d’essai qu’ils demandent aux préfets sont plus difficiles à obtenir et les sorties définitives plus aléatoires. Ce qui revient à  » maintenir à l’hôpital des personnes dont l’état, attesté par les médecins, ne justifie pas qu’elles y soient maintenues contre leur gré « , écrit-il.

Il faut dire que, depuis 2008 et le meurtre d’un étudiant par un malade à Grenoble, le gouvernement a décidé de mettre l’accent sur la sécurité dans les hôpitaux psychiatriques. Des moyens ont été accordés, et en janvier 2010, une circulaire a invité les préfets à davantage de vigilance dans les sorties. Ce qui est constaté là est l’impact de ce virage sécuritaire.

Dans son avis, M. Delarue souligne aussi qu’en cas d’hospitalisation d’office la personne n’est pas toujours correctement informée de ses droits en matière de contestation. Enfin, il constate que l’envoi des détenus à l’hôpital quand leur santé le nécessite est rendu plus difficile par crainte d’une évasion. En plus, ils y sont en général, et même si leur état ne le justifie pas, placés en chambre d’isolement. Ils ne peuvent alors bénéficier des thérapies collectives.

Vote le 22 mars

Un tel avis ne pourra que réjouir les psychiatres. S’il n’est pas dans l’habitude du contrôleur de prendre part aux débats sur les textes de loi, son alerte tombe à pic pour entretenir celui sur la réforme de l’hospitalisation sans consentement, qui suscite une vive hostilité. Ce projet de loi doit être soumis au vote solennel des députés mardi 22 mars. Alors que les soins sous contrainte étaient jusque-là cantonnés à l’hôpital, il prévoit de les étendre en ville.

Dans le contexte actuel, les psychiatres craignent des dérives.

Laetitia Clavreul


Encadré :

Pour une fermeture de l’infirmerie psychiatrique à Paris

Dans une recommandation à paraître au Journal officiel, le contrôleur général des lieux de privation de liberté, Jean-Marie Delarue, juge injustifié le maintien de l’infirmerie psychiatrique de la préfecture de police de Paris (IPPP). Cette structure accueille, avant orientation, des personnes atteintes de troubles mentaux dans le cadre d’un placement provisoire d’urgence, décidé par le préfet de police ou un commissaire. Or, ailleurs en France, ces mêmes personnes sont directement prises en charge par les hôpitaux. En outre, les établissements parisiens aussi en accueillent. Lors d’une visite à l’improviste à l’IPPP, M. Delarue a constaté que les dispositions sur le droit des personnes accueillies en hôpital  » ne s’y appliquent pas  » et qu' » aucune autorité de santé n’est compétente  » pour y vérifier les soins dispensés.