par Manuela MARSAC
Le pédopsychiatre sarrebourgeois Alain Bouvarel ne considère pas l’enfant autiste comme un handicapé mais un sujet en devenir, capable de se socialiser.
Au centre médico-psychologique Roger-Misès de Sarrebourg, l’équipe soignante mène un projet thérapeutique et éducatif en faveur de l’enfant autiste, associant les parents et l’école. Photo Laurent MAMI
Au centre médico-psychologique Roger-Misès de Sarrebourg, l’équipe soignante mène un projet thérapeutique et éducatif en faveur de l’enfant autiste, associant les parents et l’école. Photo Laurent MAMI
N e joue pas avec cet enfant-là, il est fou ! » Le regard des autres est difficile à encaisser pour les parents d’un jeune autiste. Ce couple de la région de Sarrebourg s’est inquiété très tôt du retard de langage de son fils Nathan (*). Après un suivi en centre médico-psychologique, une psychothérapie est engagée et le garçon multiplie les progrès. En retrait à l’école, il accepte un jour de donner la main à ses camarades. En classe de CM1, Nathan se révèle être un élève très logique, inspirant la tolérance à son institutrice. Cet enfant, encadré par des soignants jusqu’au baccalauréat, est le cas typique, et rêvé des pédopsychiatres, d’un autiste intégré socialement.
« Si on voit de plus en plus d’autistes dans la vie sociale, c’est grâce à la prise en charge précoce, avant trois ans. Cela change la trajectoire, le devenir de vie d’un autiste. Et on verra de moins en moins de malades très déficients », martèle Alain Bouvarel, pédopsychiatre comptant trente-cinq ans d’expérience auprès des autistes.
Pour les familles, des signes précoces doivent alerter : la non-communication, le retrait, des gestes particuliers, le regard qui n’accroche pas, la perte du langage. « L’autisme est une structure de personnalité, une façon différente d’être au monde, impliquant des difficultés relationnelles », définit le docteur Bouvarel.
Où est le chef d’orchestre ?
D’énormes progrès ont été réalisés sur la connaissance de cette pathologie polyfactorielle. « Il n’existe pas une cause précise. La génétique est un des facteurs mais ne suffit pas pour faire l’autisme », affirme le spécialiste.
Une zone du cerveau est le chef d’orchestre des sensorialités : la vue, l’ouïe, la parole. Chez l’autiste, le chef d’orchestre est absent. Il ne peut donc pas activer les sens en même temps. « Ces découvertes datent de moins de dix ans. Cela permet de changer les approches », poursuit Alain Bouvarel.
Formé à l’école des maîtres à penser de la pédopsychiatrie française, dont le professeur Roger Misès, le docteur Bouvarel défend depuis toujours une approche multidimensionnelle, globale et pluridisciplinaire de l’autiste. « L’autiste n’est pas un handicapé qu’il faut rééduquer. Nous sommes là pour l’aider à devenir un sujet et à rentrer dans la société. »
La règle d’or du pédopsychiatre s’appuie sur la collaboration entre les soignants, les parents et l’école dans le cadre d’un projet thérapeutique et éducatif. « C’est ainsi que nous aiderons l’enfant à surmonter ses angoisses, à développer une aptitude à se socialiser, à communiquer de manière autonome, en l’accompagnant le plus loin possible. » Différents supports de communication sont utilisés : les ateliers créatifs, le cheval, les jeux aquatiques. « Il n’y a pas un traitement type pour les autistes mais un habit sur mesure pour chacun. »
2012, année mondiale de l’autisme, est l’occasion pour le pédopsychiatre sarrebourgeois de pousser un coup de gueule. Il déplore le manque de structures d’accueil et de soins pour les adolescents et adultes autistes.
* Le prénom a été modifié.