RechercherRecherche AgendaAgenda

Actualités

Revenir

2 septembre 2009

Baston antinazi, Bastards de BD, le génie de Tarentino subvertit nos stéréotypes historiques Philippe Grauer, Éric Martin Berne, Ayn Rand

Philippe Grauer, Éric Martin Berne, Ayn Rand

Que vient faire ce film dans la rubrique Actualité de la psychothérapie relationnelle et de la psychanalyse ? il suscite des textes qui s’occupent du statut de la violence ultime, et de la question de la contre-violence. Il traite de la question des valeurs et du principe psycho politique qu’on trouve au fondement du fascisme — système qui n’a pas disparu avec la seconde guerre mondiale, et dont la rumination finira, à force de travail d’intégration, par permettre de vivre après Auschwitz, ce qui ne constitue point insulte insoutenable à ceux à qui la vie, leur volonté de puissance, précisément, fut arrachée mais fidélité à leur vie par nous indéfiniment reprise et relayée symboliquement, par un immense et incessant travail. Ce travail de penser l’inconcevable et d’en tirer morale nous revient en particulier, en tant que partie constituante de notre clinique.

Cela relève de la clinique collective, et les artistes qui s’y attaquent manifestent ainsi la vitalité de la sensibilité de l’époque au cheminement d’horreur qu’il s’agit de baliser pour ne pas, à son tour devenir fou ou {inhumain trop inhumain. Il en va ainsi du {Reader (qui eut tellement gagné à être tourné en allemand).

Il en va de même de cette histoire imaginaire de bâtards comme on dit dans les banlieues, justiciers alimentant notre goût de la vengeance, du sang, du ravage et de la mort, porté sur le ton de la farce dans le camp même des terroristes d’État du nazisme, celui-là même dont parle le Saint Augustin témoignant de son plaisir à assister aux gladiatoreries, celui-là même dont les Bienveillantes nous a raffraîchi récemment la mémoire par une méditation sur le corps rapporté au cadavre comme lieu de jouissance fasciste.

La contre terreur, en dehors du fait qu’elle s’inscrit en nous comme pôle fantasmatique antagonique vital, éthiquement ne vaut pas un clou. On n’est jamais fondé en droit à couper en morceaux son semblable, ou ce quon estime son dissemblable, histoire de l’impressionner et si on le fait on entre soi-même dans la spirale des horreurs de la guerre, voir Un roi sans divertissement. Cela dit la plaisanterie volontairement hénaurme nous convie à repenser nos poncifs sur la seconde guerre mondiale et de ce point de vue le côté conte BD moral décalé contribue à nous faire toucher du doigt autrement l’éternelle question des affreux et des recyclés. On se souvient de la publicité que Eric von Stroheim, ce géant du cinéma, s’était trouvé à force jouer les horribles : l’homme que vous aimerez haîr. L’ambivalence est partout dans ce film, rendez-vous vous êtes cernés. Par un grand réalisateur.

Quant au texte de Ayn Rand que nous propose Jacques Martin-Berne, pourquoi pas, sauf à remarquer que le terme mystique désigne ici un certain type de folie, contigüe au nihilisme, au demeurant politisée. Rien à voir avec ces moments très particuliers où nous pouvons faire l’expérience soudain de notre relation à l’ensemble de l’univers.

Cela dit voici donc deux textes bien différents qui viennent en écho au film de Tarentino, qui ne doit pas nous faire oublier le Vorleser, devenu le Reader quelle idée d’anglosaxonniser ce titre, qui explore la question de la nuit du facisme, de l’ombre qu’elle continue de porter sur nous, du travail d’élaboration auquel elle nous convoque régulièrement, et plus avant la question de la morale et de la philosophie (lisez le livre) au cœur de la relation d’aide.

Philippe Grauer
}}


La critique de Télérama sur le film Inglorious Basterds est très bonne.  J’ai lu depuis mon premier mél du 19 août  beaucoup de critiques anglaises, allemandes et italiennes . J’ai l’impression de savoir déjà par cœur cette œuvre. Trop de publicité , de vidéos et de trailers ? Je vous  le confirmerai après avoir vu ce film.

Je voudrais appeler votre attention sur une autre oeuvre uchronique: Le complot contre l’Amérique de Philip Roth. Ce roman(2004) qui récrit l’histoire d’une façon imaginaire et révèle le nazisme de Charles Lindbergh ou de Henry Ford incline à respecter le film uchronique et onirique de Tarentino. On peut aimer ou détester ce cinéaste qui nous présente la violence extrême dont est capable l’être humain.  D’après la critique de Jacques Morice et les films que j’ai vus, Tarentino me semble être un homme qui règle ses comptes avec la folie et la boucherie du monde comme un rêveur en plein cauchemar, l’inconscient marqué par des horreurs refoulées qui reviennent au conscient.  Si Freud était encore vivant ses films seraient dans L’Interprétation des rêves et ses Considérations sur la guerre.

J’aurais apprécié que  Lindbergh et Henry Ford se fassent scalper virtuellement par le commando Juif du film. Ce n’est pas un fantasme morbide de ma part. Dans le film les nazis sont scalpés.

Reste à connaître l’opinion de nos amis juifs. La vie est belle de Moretti avait suscité des douleurs chez tous les Juifs du monde. (Ce qui ne m’empêche pas d’aimer aussi les Palestiniens. Je ne déteste que l’extrémisme qui tue.)

J’ajoute que les films historiques ou uchroniques sur l’époque nazie occupent fort bien l’actualité à nouveau. Un nouveau film L’armée du crime de Robert Guédiguian décrit le groupe de Missak Manouchian qui lui a vraiment existé. Cet ensemble d‚hommes courageux faisait des attentats contre les nazis. Ainsi le film de Tarentino reprend très justement ce thème à sa façon.

Il ne faut jamais oublier les camps d’extermination où Juifs, Tziganes, malades mentaux, homosexuels, dissidents politiques, prisonniers de droit commun et prisonniers de guerre furent assassinés sauvagement. Le Nazisme est marqué par la cruauté de ses actes.

Il ne faut plus jamais laisser des dictateurs prendre le pouvoir.

Très cordialement.

Jacques Martin-Berne


Extraits de La révolte d’Atlas (Atlas shrugged), 1956, par Ayn Rand.

Tout dictateur est un mystique et tout mystique est un dictateur en puissance. Un mystique demande ardemment l’obéissance des hommes, pas leur accord. Il veut les voir renier leurs consciences devant ses affirmations, ses ordres, ses souhaits et ses caprices; de même qu’il renie la sienne devant les leurs. Il veut traiter avec les hommes par la foi et la force, il ne trouve aucune satisfaction dans leur consentement s’il doit l’obtenir par la raison et l’exposé des faits. La raison est l’ennemi qu’il redoute, quoiqu’il lui accorde peu de crédit. La raison, pour lui, est un moyen de tromperie ; il croit que les hommes possèdent un pouvoir plus puissant que la raison, et que seule leur croyance sans cause ou leur obéissance forcée peut lui apporter la sécurité, la preuve qu’il a su pallier son absence de don mystique. Il est avide de commander, pas de convaincre : convaincre exige de reconnaître l’indépendance d’autrui et de se soumettre à l’absolu de la réalité objective. Ce qu’il recherche est un pouvoir sur la réalité et sur le moyen qu’ont les hommes de la percevoir, leur intelligence. Il cherche le pouvoir d’interposer sa volonté entre l’existence et la conscience, comme si, en acceptant de falsifier la réalité comme il leur ordonne de le faire, les hommes pouvaient en fait la créer.

Dans le domaine matériel, le mystique est un parasite qui exproprie les gens des richesses qu’ils ont créées ; de même, dans le domaine spirituel, le mystique pille les idées créées par les autres. Il se ravale ainsi en dessous du rang de l’aliéné qui projette sa propre déformation de la réalité, en devenant un parasite de l’aliénation qui se nourrit de la distorsion imaginée par d‚autres.

Il n’y a qu’un état qui satisfasse les désirs d’infini, de non causalité et de non identité du mystique : la mort. Peu importe la source inintelligible de ses sentiments incommunicables: quiconque rejette la réalité rejette l’existence; et les sentiments qui l’animent sont une haine contre toutes les valeurs qui constituent la vie humaine, et un désir avide de tout ce qui la détruit. Un mystique se délecte du spectacle de la souffrance, de la pauvreté, du servage et de la terreur. Tout cela lui procure une sensation de triomphe, la certitude qu’il a vaincu la réalité rationnelle. Mais il n’existe aucune autre réalité.Peu importe quel bien-être il prétend servir, que ce soit celui de Dieu ou de ce monstre informe qu’il appelle Le Peuple, peu importe à quelle dimension surnaturelle il se réfère : dans les faits, sur terre, son idéal concret est la mort, son désir est de tuer, sa seule satisfaction est de faire souffrir.

La foi des mystiques n’a jamais abouti à rien d’autre qu’à la destruction, comme vous pouvez le constater autour de vous une fois de plus. Et si les ravages occasionnés par leurs actes ne les ont pas incités à s’interroger sur leurs doctrines, s’ils prétendent être animés par l’amour alors qu‚ils empilent des montagnes de cadavres, c’est parce que la vérité de leurs intentions est encore pire que l’excuse obscène que vous leur trouvez, selon laquelle ces horreurs sont au service de nobles fins. La vérité est que ces horreurs sont leurs fins.

Vous qui êtes assez égarés pour croire que vous pourriez vous accommoder d’un dictateur mystique, que vous pourriez lui agréer en obéissant à ses ordres, sachez qu’il n’y a pas moyen de le satisfaire ; si vous obéissez, il inversera ses ordres ; il cherche l’obéissance pour l’obéissance et la destruction pour la destruction. Vous qui êtes assez poltrons pour croire que vous pouvez vous entendre avec un mystique en offrant vos biens à sa rapacité, sachez qu’il n‚y a pas moyen de le corrompre car le pot-de-vin qu’il veut, c’est votre vie, aussi rapidement que vous serez disposés à la lui donner ; et que le monstre qu’il cherche lui-même à soudoyer est ce néant enfoui dans son âme, qui le pousse à tuer pour lui éviter d’apprendre que la mort qu’il désire est la sienne.

Ayn Rand