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6 février 2008

Clinique : tout doit disparaître ?

Stop à la disparition d’un enseignement d’anthropologie clinique à l’Université de Paris-10 Nanterre

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Encore un exemple, précis, par courriel vous apprenez que vous n’existez plus. L’homme comportemental addictif ordinaire de nos futuristes neuro cognitivistes sera propulsé sur la voie désormais libre. Sauf si suffisamment de sujets conscients de la destruction du principe de subjectivité, recourant à leur citoyenneté, se dressent pour faire barrage. SOS veut dire sauvez nos âmes. Il est temps de descendre les chaloupes et d’y aller à la rame.

Philippe Grauer


À l’Université de Paris10 Nanterre, la formation professionalisante Psychologie Clinique et Psychopathologie s’est trouvée amputée du déjà trop maigre enseignement d’anthropologie clinique et psychanalytique qu’assuraient jusqu’alors Jean-Baptiste Fotso-Djemo et Olivier Douville, tous deux enseignants titulaires, connus comme de bons spécialistes de cette question par leurs publications, leur travail de terrain ou leurs communications scientifiques en Europe comme un peu plus loin ailleurs.

Cette décision de suppression, prise sans aucune concertation par Jean-Michel Petot (directeur du Laboratoire d’évaluation des psychothérapies et responsable avec Dominique Cupa de ce diplôme) a été annoncée par un simple couriel. Il ne vaudrait pas la peine de commenter plus avant cette suppression et sa procédure, si elle n’annonçait une accentuation idéologique inquiétante dans le parcours d’enseignement de la « psychologie clinique ».

Cette décision est tout à fait à courte vue : qui ignorerait que nos futurs collègues vont travailler dans un monde mouvant, pluriel, où les questions de déplacements des populations, des exclusions et des exils fulgurent ? et qu’il convient d’inventer encore une voie clinique qui, sans faire l’apologie d’un folklorisme culturaliste, sache entendre les incidences subjectives des ruptures de l’histoire et des exils, et interroger à partir de cela ce que nous entendons par inconscient.

S’il survivait encore un peu à Nanterre, en « psychologie clinique », de l’esprit et de la rationalité de la psychanalyse, le territoire de l’abord psycho-dynamique s’est restreint très rapidement à une peau de chagrin. La psychologie « clinique » à Paris 10 utilise et détourne le signifiant « clinique », laquelle en ces lieux est devenue très rapidement un concentré d’enseignements dévolus aux dites nouvelles cliniques (celles qu’on déduit des DSM) et aux nouvelles psychothérapies (qu’on pourrait ranger sous la bannière P.T.S.P. – psychothérapies : tout sauf psychanalyse).

On voit très bien l’anthropologie et la psychologie « new-look » qui découlent — sans dire leur nom — de ce genre d’idéologies : « l’homme » est déclaré neuronal et comportemental, il ne souffre que de quelques défauts d’adaptation au réalisme ambiant. Il sera reformaté ou sacrifié. On comprend pourquoi les enseignements d’anthropologie clinique que nous donnions sont indésirés, redoutés, encombrants. Cette mise au ban ne peut s’expliquer que par la volonté d’empêcher les étudiants d’acquérir une culture anthropologique véritable qui les équiperait d’un regard critique sur la promotion de ce nouveau typus psycholgicus, l’homme hypermoderne désubjectivé ou déshumanisé s’adaptant à tout grâce à une prescription comportementale journalière ou une petite giclée régulière de médicament, soit une addiction prescrite.

Cet événement n’est rien qu’un exemple de plus qui montre à vif une antipathie des discours et des conceptions de l’homme qu’abritent d’une part la culture psychodynamique psychanalytique et, d’autre part, et à l’opposé, le management psychologique en vogue. Il était logique que la hargne antipsychanalytique — dont nos étudiants de psychologie clinique sont accablés — ne puisse admettre que l’on parle à ces mêmes étudiants de culture et de psychisme, de singularité et de collectivité, de la part jamais quantifiable ou catégorisable du symptôme.

C’est à ce titre que nous tenons à porter à votre connaissance ce passage à l’acte révélateur, comme on dit, de l’ « air du temps ». Nous avons non seulement à déplorer cette alliance de la violence et de l’indigence pédagogique mais, surtout, nous sommes prêts à réagir avec qui veut défendre, aujourd’hui, dans nos institutions de soin et d’enseignement, une conception anthropologique fondamentale du fait psychique et du fait clinique.

Olivier Douville, Maître de conférences à l’Université P.10 Nanterre, Membre fondateur de l’A.R.A.P.S. – Assocation Rencontre Anthropologie/psychanalyse, Directeur depublication de Psychologie Clinique, et Jean-Baptiste Fotso-Djemo, Maître de conférences à l’Université P.10 Nanterre