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15 février 2007

Compte-rendu analytique de la séance du 14 février 2007 au Sénat Jean-Pierre SUEUR

Jean-Pierre SUEUR

M. SUEUR. Le groupe socialiste avait voté pour ce texte, considérant qu’il était globalement positif. Malheureusement, nous serons contraints de nous abstenir si les dispositions sur les psychothérapeutes sont maintenues. Monsieur le Ministre, tout dépend de vous !

Les amendements introduits par l’Assemblée nationale avaient été supprimés en première lecture à l’unanimité au Sénat et avec l’accord du gouvernement ! Monsieur le Ministre, je note d’ailleurs que vous n’avez pas été très disert sur ce sujet dans votre intervention.

M. Xavier BERTRAND, ministre de la Santé. Vous allez y pourvoir ! (sourires.)

M. SUEUR. Des dispositions sur les psychothérapeutes n’ont rien à faire dans un texte sur les médicaments.

M. ABOUT, président de la commission. Nécessité fait loi !

M. SUEUR. Le Conseil constitutionnel s’est exprimé récemment avec la plus grande clarté sur cette question. Ce texte porte sur les médicaments, et rien que les médicaments. Il sera inacceptable d’y introduire des dispositions réglementant les conditions d’accès à une profession.

Comment justifier cela ? On serait bien en peine de le faire sauf qu’il faut se souvenir de la première initiative de M. Accoyer procédant à une conception hygiéniste selon laquelle seuls les médecins peuvent traiter des souffrances psychiques et mentales.

M. ABOUT, président de la commission. Et les curés ! (rires.)

M. SUEUR. Ce monopole n’est pas acceptable car il revient à nier tout l’apport de la psychanalyse et des psychothérapies relationnelles.

S’il est légitime de définir les conditions d’exercice de la profession de psychothérapeute nous ne le nions absolument pas , il eût été plus simple et plus clair de le faire après concertation avec une profession qui est structurée et, cela, ne passant pas forcément par la loi.

Nous ne contestons pas non plus la nécessité de lutter contre les dérives sectaires. Il existe pour cela des lois ; s’il faut les renforcer, renforçons-les. Mais c’est une autre question. En la liant à celle des psychothérapeutes, on porte préjudice à des professionnels qui n’ont rien à voir avec les sectes.

Au lieu de traiter seulement des psychothérapeutes, on a voulu traiter en même temps des médecins, des psychanalystes et des psychologues ! D’où la contradiction : le dernier alinéa de l’article 52 de la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique impose une formation en psychopathologie à tout candidat à la profession de psychothérapeute ; mais ce n’est pas ce qui figure dans la dernière mouture de l’avant-projet de décret selon lequel l’accès au titre est de droit pour trois professions tandis qu’il impose des conditions spécifiques aux autres. C’est contraire au principe d’égalité. Il n’existe pas, dans notre arsenal législatif, de définition de la psychanalyse et je ne dis pas qu’il en faut car cela nécessiterait de débattre avec les 27 associations de psychanalyse& Le titre de psychanalyste n’étant pas défini dans la loi c’est le sens du projet de décret , dès lors qu’une personne adhère à une société de psychanalyse, elle a le droit d’être psychothérapeute !

M. ABOUT, président de la commission. Non, elle a le droit d’être inscrite sur la liste !

M. SUEUR. Vous me l’avez déjà dit ; je ne suis toujours pas convaincu.

Comment pourrez-vous empêcher un psychothérapeute de mettre sur sa porte une plaque de psychanalyste, au besoin en créant une nouvelle société de psychanalyse ? De même un médecin ou un psychologue pourront être psychothérapeutes !

Le texte législatif serait clair s’il s’en tenait au dernier alinéa de l’article 52 : tous les professionnels devraient avoir acquis une formation spécifique. Mais, à suivre comme vous le faites la logique du troisième alinéa, vous portez atteinte au principe d’égalité. Les amendements présentés en C.M.P. ne sortent pas de cette impasse.

M. Xavier BERTRAND
, ministre de la Santé. Je n’y étais pas

M. SUEUR
. Au lieu de dissiper la contradiction nichée au sein de l’article 52, ils la confortent ! Les conditions de formation n’ont pas été discutées avec les professionnels. Les psychothérapeutes seront les seuls dont la validation des acquis de l’expérience sera soumise à une commission dont aucun membre n’appartient à la profession ; ils seront jugés par des représentants d’autres professions qui, éventuellement, n’auront reçu, eux, aucune formation en psychopathologie.

On ne peut ignorer le contexte de ce débat : celui d’un vaste mouvement international qui tente de nier les apports de la psychanalyse et des psychothérapies relationnelles au bénéfice des thérapies cognitivo-comportementales, conformément à ce qu’a « révélé » un rapport de l’INSERM, sur lequel il y aurait beaucoup à dire. Je crois savoir d’ailleurs que cet institut a récemment décidé de revoir la manière dont sont rédigés de tels rapports.

Pour surmonter la contradiction par le haut, il faut d’abord discuter, dans un autre contexte, de la pertinence de la pluralité des approches thérapeutiques en faisant abstraction de l’actuelle croisade contre la psychanalyse. Il faut ensuite disjoindre la question de la psychothérapie de celle des trois autres professions. Il faut enfin discuter avec les professionnels qui ont défini des structures de formation, des règles de déontologie et de bonne pratique.

Mais, à s’obstiner comme vous faites, on laisse le problème entier. Au mieux on obtiendra des effets nominalistes : le psychothérapeute s’appellera psychopraticien ou psychanalyste, et inversement. Mais j’ai la conviction qu’il faudra revenir sur ces amendements.