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12 mars 2011

« DANS SES YEUX » : comment rouvrir la vie lorsqu’elle devient une « affaire classée ».

Courez au cinéma ce dimanche après-midi !


Il y a des histoires trop grandes ou trop puissantes qui dépassent de loin ses personnages. Un fait de violence qui détruit une vie ; cela paraît banal. Mais, comme par un rayonnement maudit, il fausse celle de plusieurs autres et les place devant une énigme qui érode ses âmes. Cette énigme pose la question du sens et de la vérité de nos vies… Qu’en avons-nous fait ? Et elle confronte les trajets des ces existences écartés de leur destin et les ravages de cet écart, cette blessure ontologique que le temps n’apaise pas.

Des vies perdues (à jamais ?)… Y a-t-il une seconde chance ? Le roman peut-il avoir une autre fin ? La question brûlante de l’impunité et de la justice inaccomplie, dans un contexte historique ou la vérité a aussi peu de place que l’honneur, penchent pour une réponse négative.

Mais la justice peut-elle rattraper le destin ?

La vengeance alors ? Mais, servirait-elle à quelque chose ? L’oubli ? La mauvaise foi ? La fuite ?

L’auteur fait avec ce contexte si peu allégeant, quelque chose de prodigieux : tel un photographe argentique qui développerait ses négatifs, il plonge une série des portraits extrêmement humains dans une lumière liquide d’une nostalgie indéfinissable. Cela les révèle, en quelque sorte, cependant que s’ouvre un mystère reliant l’immensité du temps perdu à un improbable accomplissement de quelque chose… d’inimaginable.

On ne peut presque rien dire de cette histoire sans gâcher sa fabuleuse et presque hypnotique tension narrative. Ainsi, limitons-nous à évoquer la finesse, la précision des caractères ciselés dans la profondeur de leur inachèvement, l’humour, malgré la gravité du propos, le souffle et la puissance du conatus, cet effort pour rester dans l’être, pour ne pas lâcher le fil si tenu d’une rédemption même rendue impossible par les années d’existence inauthentique. La vie elle-même semble une « affaire classée » qu’il s’agit à tour prix de rouvrir.

On peut aussi dire, cela a été moins remarqué et pourtant c’est dans le titre : c’est un film sur le regard. Chaque personnage existe aussi dans cette autre dimension qui laisse deviner tant de choses que la réalité immédiate cache (« el secreto de tus ojos »). Elle questionne en permanence la vérité de ce que nous sommes. Les yeux de chacun révèlent, par leur persistance interrogative, une dimension du vrai, du possible. Et cela malgré l’énorme, malgré la radioactivité grisâtre du mal, qui dissout l’humanité en une longue suite d’intervalles du néant, ce regard nous fait visage et liberté, nous rend, même fragiles, le mystère et la passion.

Un moment rare de cinéma métaphysique.

Daniel Ramirez


Séance de ciné-philo

à l’Entrepôt, le dimanche 13 mars 2011, à 14h20,

animée par Daniel Ramirez.

Débat philosophique sur le thème La justice peut-elle rattraper le destin ?

L’ENTREPOT, 7 rue Francis de Pressensé, 75014 Paris (M° Pernety)

Entrée 8 €