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1 décembre 2008

DÉCRET + ARRÊTÉ : analyse de la FF2P Serge Ginger

Serge Ginger

Serge Ginger, secrétaire général de la FF2P nous transmet son analyse. Elle recoupait nos premières remarques. Depuis l’analyse s’est affinée, nous avons produit la nôtre propre, sous la signature de Geneviève Mattei, qui adopte une position critique sur certains points de celle-ci. En tout état de cause la voici.

Philippe Grauer


Trois points principaux ont retenu mon attention et suscité ma vive inquiétude :

l’art. 8. II. du décret qui limite la composition du jury régional à des « membres de droit » (médecins, psychologues ou psychanalystes).

– l’art 4 du projet d’arrêté qui restreint l’accès à une formation de psychothérapeute aux titulaires d’un Master (ex-DESS) de psychologie ou de psychanalyse, ou aux médecins.

– • l’art 4 du projet d’arrêté qui restreint l’accès à une formation de psychothérapeute non plus aux « candidats pouvant justifier d’une formation de niveau licence , ou d’une des validations prévues aux articles L613-3, L613-4 et L613-5 du code de l’éducation » (projet d’arrêté de juin 2008), mais aux titulaires d’un Master (ex-DESS) de psychologie ou de psychanalyse, ou aux médecins.

l’art 5 du projet d’arrêté qui précise que le jury régional doit comprendre deux professeurs des universités .

Ainsi, cet arrêté, pris notamment par la ministre de l’enseignement supérieur, favorise explicitement les cursus universitaires traditionnels.

On se rapproche dangereusement des lois italienne et allemande — dont on connaît bien maintenant, à l’usage, les retombées néfastes(1) .

Le projet français d’arrêté limite la formation spécifique à une méthode de psychothérapie à… 75 h (art. 2. IV), alors que les normes européennes habituelles demandent… 1 400 heures, soit… 20 fois plus !
Ce projet ne fait aucune mention du « travail sur soi » : psychanalyse ou psychothérapie personnelle, limitant les risques de « projection » de sa propre problématique sur les patients/clients. Il n’évoque pas non plus, la nécessaire supervision régulière tout au long de la pratique, ni la formation permanente obligatoire (250 h tous les 5 ans, d’après les normes européennes habituelles).

De plus, les psychologues bénéficieront sans doute, pour la plupart, d’une dispense totale ou partielle de la formation dite de « psychopathologie clinique », prévue par la loi !

Ainsi, on aboutirait à une « autoproclamation » des psychologues cliniciens comme « psychothérapeutes », sous le seul couvert de leurs propres professeurs — juges et parties. Il s’agit manifestement d’un détournement de la loi qui, au lieu de protéger les usagers , tente de résoudre le problème endémique du chômage et des débouchés des étudiants en psychologie « ni-ni-ni-ni » : sans sélection au niveau de l’équilibre et de la maturité de leur personnalité, sans psychothérapie personnelle, sans formation méthodologique spécifique à la psychothé­rapie et sans contrôle permanent (supervision)(2) .

Il est probable, dans ces conditions, que les usagers prudents et informés continueront à se tourner, sans hésiter, vers des praticiens qualifiés en psychothérapie relationnelle, dûment sélectionnés, analysés, formés et supervisés, garantis par les fédérations et syndicats professionnels.

En réalité, l’arrêté a subrepticement glissé cet article 4 en complément du décret d’application de la loi, cela en contradiction avec le texte de loi lui-même qui prévoit deux catégories distinctes de psychothérapeutes(3).

En effet, l’alinéa 3 de la loi évoque les inscriptions « de droit » sur le registre national pour les médecins, psychologues et psychanalystes — de droit, mais « sous réserve » d’une formation complémentaire en psychopathologie clinique. Ce texte sous-entend donc explicitement que d’autres personnes (évoquées dans plusieurs alinéas du décret) peuvent être inscrites, sans l’être automatiquement « de droit ». Or le projet d’arrêté les exclut , limitant abusivement l’accès à la formation à ces mêmes « membres de droit », cela en contradiction avec la loi (4)!

Cela dit, il semble que les dispositions transitoires (section III du décret) permettraient à des psychothérapeutes en fonction depuis plus de 3 ans, ni médecins, ni psychologues, ni psychanalystes, de figurer sur le registre, après avis de commissions régionales , et après une formation complémentaire éventuelle au sein de structures publiques ou privées agréées. Cette catégorie, souvent dite de « grands parents », serait ainsi « en voie d’extinction »…

Le problème qui persiste est que les membres de ce jury seraient uniquement des membres « de droit » et ne comprendraient pas de psychothérapeutes « à titre exclusif » (pour reprendre une formulation du Conseil d’État). Les psychothérapeutes dûment formés(5) seraient donc jugés par des professionnels d’origine différente , souvent en rivalité corporatiste avec eux.

En résumé, un recours contre le décret et l’arrêté subséquent s’impose à l’évidence.