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18 juin 2012

dérives médiatiques de psychanalystes Éric RICHALLEY

Nous répercutons ce billet sous la responsabilité de son signataire. Nous pensons pour notre part qu’il ne faut jamais publier ce qu’on appelait naguère une interprétation « sauvage » (wild), c’est-à-dire ni sollicitée ni entrant dans un cadre éthiquement déterminé, parce que notre profession s’oppose à son principe.

En effet une telle prestation nous fait passer pour des experts, des hyper sachants, des maîtres quoi, capables comme Madame Lune (ou l’autre), voyante en tous genres, de diagnostiquer sur photo son prochain, qui plus est qui ne lui a rien demandé. Nous ne sommes jamais experts en cela, et qui se le prétend déconsidère sa corporation.

Nous nous étonnons que les honorables membres de la Cause freudienne, souvent à cheval sur la question de l’éthique, n’aient point à notre connaissance protesté contre cette pratique de leur personnalité la plus marquante.


Éric RICHALLEY

Les dérives médiatiques des psychanalystes

18/06/12

Par Éric Richalley

Trop c’est trop. Depuis des mois nous voyons intervenir dans la presse des psychanalystes s’érigeant en experts. Avec la chronique de Jacques Alain Miller dans Le Point sur « l’affaire du tweet Trierweiler », nous touchons le fond en matière de déontologie.

Pour ne pas reproduire la même dérive, je me garderai bien ici de relayer ou commenter la thèse de cette chronique, et j’encourage le lecteur à ne pas la consulter.

Un principe de base de la psychanalyse est que l’analyste ne sait pas ce qui se passe pour le patient, seul le patient sait, consciemment ou non. L’analyste fait des hypothèses d’interprétation, qu’il peut dans certaines circonstances proposer au patient, et qui peuvent aussi être contre indiquées et maltraitantes. Dans tous les cas, faut-il le rappeler, ces hypothèses sont déontologiquement confidentielles vis-à-vis des tiers.

On peut donc énumérer les fautes induites par ce type de chronique :

– Elle traite de quelqu’un qui n’est pas un patient et qui n’a rien demandé
– Elle produit une interprétation à partir de sources médiatiques et non de la parole d’un sujet
– Elle convertit une hypothèse interprétative en vérité d’expert.
– Elle la soumet abusivement à la connaissance des personnes concernées.
– Elle la rend publique en bafouant la règle déontologique.

Jacques Alain Miller n’est pas n’importe quel psychanalyste. Héritier de Jacques Lacan, leader de l’École de la Cause freudienne, c’est une figure de premier plan de cette corporation, qui assume à ce titre un statut d’intellectuel.

Cette dérive est donc un véritable poison vis-à-vis de la collectivité. Avec une telle démarche, il est aisé de dévaloriser n’importe qui. Elle participe de manière abusive au discrédit de la vie politique et de ses leaders, et constitue une réelle manipulation du corps électoral, dont elle méprise au passage la capacité aigue et inconsciente à mesurer et prendre en compte le profil psychologique de ses élus.

Dans des articles précédents sur la crise actuelle, j’évoquais la faillite éthique des élites qu’elle comporte. Dans le même esprit, nous sommes ici face à la faillite déontologique d’un représentant d’un courant d’intellectuels incarnant le respect de la personne, avec une discipline au cœur de l’éthique humaniste dans une époque où elle est fortement ébranlée.

Un tel usage de la presse porte atteinte à l’ensemble des professions de l’accompagnement psychologique : une des principales résistances pour aborder une thérapie est probablement la peur d’être dévoilé, de découvrir trop brutalement, trop douloureusement, des fragments de son fonctionnement inconscient. Ce type de résistance se voit ici clairement justifié et favorisé.

S’agissait-il d’une démonstration de technicité au profit de la Cause freudienne ? Je ne pense pas que Freud représente une cause, ni même qu’il ait souhaité l’être. La seule cause est le respect du sujet et les valeurs humanistes qui l’accompagnent. Elle ne sort pas renforcée de cette prestation.

Éric RICHALLEY