voté par L’Assemblée nationale, qui modifie l’article 52 dite loi Accoyer. Inséré après l’article 22, n° 2083.
Cet article fait le point sur la situation et les stratégies développables. La terminologie flotte, qui nomme psychothérapeutes les psychothérapeutes relationnels. Il apparaît à l’évidence que les praticiens TCC, les psychiatres non référés à la psychanalyse, les psychologues même cliniciens non référés à la psychanalyse ou à la psychothérapie relationnelle, qui se disent psychothérapeutes au sens générique du terme ne sont pas visés par l’appellation qu’utilise l’autrice dans ce texte.
On en revient au fait que les psychothérapeutes relationnels ont si bien illustré la dénomination de psychothérapeute au sens strictement défini de relationnel, que le nom qu’ils se sont donnés durant plus d’un quart de siècle après introduction et acculturation européenne de la psychologie humaniste (Nouvelles thérapies), de psychothérapeutes tout court, qu’ils ont cru spécifique, continue de la désigner dans l’esprit public.
Lorsqu’elle parle indifféremment de « multiples écoles de psychothérapies en expansion dites “nouvelles thérapies”, relationnelles, corporelles, groupales, etc. », Élisabeth Roudinesco désigne un ensemble que précisément nous dénommons psychothérapie relationnelle, le pluriel de la mise en vrac n’étant plus nécessaire puisqu’il subsume un ensemble cohérent. Le etc. d’ailleurs n’allant pas plus loin que moins d’une dizaine. Il nous revient de dessiner le domaine et d’articuler le concept (cf. GRAUER Philippe, {Psychothérapie relationnelle — contribution à la construction d’un concept, un débat scientifique que nous avons l’impression d’avoir déjà participé à nourrir, modestement bien sûr. À nos yeux la psychothérapie relationnelle comme la psychanalyse, est multiple mais repose sur un socle définissable : primat de la relation comme ressort thérapeutique, reconnaissance du transfert, même sous d’autres aspects, intersubjectivité, organisation interne du psychisme faisant place au conflit, phénoménologie, reconnaissance de la catharsis comme principe de travail émotionnel comportant élaboration (vs. abréaction sans bénéfice thérapeutique), dimension psychocorporelle du travail, éléments inspirés de la théorie freudienne, utilisation du système RSI, dynamique du processus de subjectivation, etc, nous voici en train d’utiliser à notre tour le etc. que haïssait Stendhal.
Les psychothérapeutes relationnels ne récusent pas tous l’idée de diplôme. Ce qu’ils dénoncent, connaissant le milieu psy, c’est que la loi devienne traquenard, comme cela se fit au moment de la loi Évin. Ce qu’ils dénoncent, c’est qu’il faille suivre le cursus A pour exercer B et non réciproquement. Ce qu’ils redoutent c’est que leur spécificité se trouve escamotée, leur nom confisqué et assassiné, vampirisé. Ce qui n’est pas fatal non plus, mais on comprend leur ultra vigilance.
Ils ne se reconnaissent bien évidemment pas dans les tenants} d’un retour à une pensée magique, irrationnelle ou obscurantiste, eux qui estiment avoir apporté au domaine psy des ouvertures que d’ailleurs de nos jour de nombreux psychanalystes leur empruntent sans jamais les citer, en feignant de venir de découvrir cela par leur seul mérite il y a juste un an.
Nou souhaitons que la guerre des psys s’appaise. Peut-être tenons-nous là l’occasion ? En tout cas nous continuerons de militer pour l’alliance objective d’une psychothérapie relationnelle solide et d’une psychanalyse ouverte, et d’une juste loi correctement appliquée. C’est possible, et nous militerons dans ce sens.
Philippe Grauer
Cet amendement efface en partie le caractère contradictoire de l’article 52 de la loi 2004-806 du 9 août 2004, relative à la politique de santé publique. Contradiction qui avait été fort bien dénoncée par le sénateur Jean-Pierre Sueur. Il remplace les troisième et quatrième alinéas par une nouvelle formulation qui rend obligatoire un diplôme universitaire (médecine, psychiatrie, master 2 de psychologie, de psychopathologie ou de psychanalyse) pour tous les praticiens voulant faire usage du titre de psychothérapeute.
Il semble être approuvé par l’ensemble des psychanalystes et par tous les titulaires de ce diplôme. Mais il est récusé par les psychothérapeutes qui, certes, pourront bénéficier d’une clause dite de “grand-père” mais qui ne pourront pas faire reconnaître leurs formations au titre d’un diplôme universitaire.
Certains d’entre eux pensent qu’il est possible de saisir le Conseil constitutionnel en arguant du fait que la procédure parlementaire utilisée est un “cavalier”, c’est-à-dire que l’amendement ne concernerait pas la loi dans laquelle il est inclus. Sans doute peuvent-ils essayer. Mais, d’après mes informations auprès des intéressés, il est hautement probable qu’ils ne recueilleront pas les signatures des 60 élus nécessaires à cette saisine.
Un autre recours possible a été évoqué : saisir la Cour européenne des droits de l’homme pour discrimination à l’encontre des psychothérapeutes. Cette procédure est pensable mais peu réalisable : elle risque de durer des années et de se solder par un échec. En effet, il est difficile de plaider la discrimination, alors que le présent amendement réduit la contradiction entre les deux alinéas et rend obligatoire le diplôme universitaire aussi bien pour les psychanalystes que pour les psychothérapeutes.
Sauf à retourner à une époque antérieure à 1789, on ne saurait contester, dans les états démocratiques d’aujourd’hui la validité des diplômes universitaires. Et si les psychothérapeutes s’y opposent, ils seront marginalisés dans la mesure où la totalité des états de droit ont mis en place, depuis trente ans, une réglementation des médecines de l’âme usant d’un modèle de la science qui, certes, peut être inopérant et parfaitement inadéquat dans ses dérives scientistes — dénoncées d’ailleurs par les praticiens et les usagers — mais qui, pour autant, ne saurait être abandonné au profit d’un retour à une pensée magique, irrationnelle ou obscurantiste.
Que par un transfert de titre, les psychothérapeutes soient désormais en France dépossédés du nom qui est le leur, et dont ils sont les héritiers historiques, depuis l’invention du terme par Daniel Hack Tuke puis par Hippolyte Bernheim en 1891, pose bien évidement un problème épistémologique auquel aucune procédure juridique ne saurait apporter de solution.
De même, un problème se posera dès lors que les psychanalystes, psychiatres et médecins pourront user de ce titre pour être reconnus psychothérapeutes : seront-ils vraiment devenus des psychothérapeutes au sens de ce que sont aujourd’hui, dans le monde entier, les psychothérapeutes héritiers de la tradition issue de la fin du XIXéme siècle? Seront-ils comparables aux praticiens qui, dans le monde entier, appartiennent à ces multiples écoles de psychothérapies en expansion dites “nouvelles thérapies”, relationnelles, corporelles, groupales, etc ? On peut en douter. Et à cet égard, cette loi maintient une ambiguïté. Reste à savoir ce que seront les décrets, les arrêtés et les modalités d’application de la loi, une fois le Sénat consulté en juin ou juillet 2009.
Par ailleurs, la psychanalyse continue à être nommée dans la loi sans être définie, ce qui ne manquera pas de relancer une guerre des psys entre toutes les communautés : psychiatres, psychanalystes, psychologues, psychothérapeutes débaptisés et contraints de trouver une nouvelle appellation : psychopraticiens ou psychanalystes ?
Article paru dans le dernier bulletin de la SIHPP