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17 décembre 2019

ÉLISABETH ROUDINESCO SÉMINAIRE D’HISTOIRE DE LA PSYCHANALYSE ANNÉE 2020

par Élisabeth Roudinesco

Mots clés : psychanalyse, anthropologie, colonialisme, études "décoloniales"

psychanalyse et anthropologie

la question de l’universel et du particulier

1) Totem et Tabou, Avenir de la civilisation, Freud engendre des mythes, porteurs de concepts. Les anthropologues, avec les enquêtes de terrain, découvrent une autre figure de l’autre que celle, à base de construction mythique, du penseur qui situe des "stades" d’évolution de l’humanité au-dedans de nous, intrapsychiques. Alors quid de la polarité universel/singulier, et des emboîtements de paliers de valeurs que Montesquieu définit si exemplairement ?

2) La psychanalyse, hébergée en psychologie et psychiatrie, où elle a joué le rôle du parasite civilisateur aux tentations hégémonistes, ne dispose pas de site académique propre. Chassée de ses deux refuges universitaires, la voici réduite à ses seules forces. Alors que la politique des pouvoirs publics en faveur de la révolution du cerveau impulsée depuis Reagan, actuellement corrélée à la révolution nationaliste conservatrice pourfendeuse de minorités et plus généralement de la figure de l’autre, tourne le dos à la subjectivité, au sujet. L’individu comme consommateur, oui, comme personne c’est autre chose. Alors, se radicaliser ?

Comme discipline de recherche la psychanalyse se réoriente ainsi, à partir de concepts exotiques comme l’identité racisée post-coloniale, qu’Élisabeth Roudinesco nous expose, depuis la prestigieuse maison de la rue d’Ulm. Ouverte à tous. Occasion à savoir saisir. Profitez-en. Philippe Grauer

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Pour le séminaire de l’année 2020,  j’aborderai les relations entre la psychanalyse et l’anthropologie en commençant par l’étude de Totem et Tabou, ouvrage publié par Freud en 1911-1912. Celui-ci donna naissance à l’ethnopsychanalyse, dont les deux grands représentants furent Geza Roheim et Georges Devereux. J’étudierai  les débats passionnés qui eurent lieu entre les tenants du culturalisme et les partisans de l’universalisme [cf. Note 1], notamment à propos du complexe d’Œdipe, sans oublier la question cruciale de l’expérience de terrain que Freud ignorait dans son approche darwinienne des sociétés premières ou autochtones.  C’est dans ce cadre que j’examinerai les critiques formulées à l’encontre de Freud par Alfred Kroeber, spécialiste des populations indiennes nord-américaines (Californie), puis celles de Claude Lévi-Strauss.

psychanalyse, colonialisme, études « décoloniales », pathologies narcissiques

J’aborderai ensuite le débat sur le colonialisme français entre Frantz Fanon, Aimé Césaire et Octave Mannoni, pour passer ensuite aux études dites « postcoloniales » puis « décoloniales » inaugurées essentiellement par des universitaires américains et anglais, souvent  originaires du continent indien. Se voulant les héritiers d’Edward Saïd, de Jacques Derrida, de Gilles Deleuze, de Jacques Lacan ou de Michel Foucault — et donc de la pensée française des années 1970 — ils considèrent que les états démocratiques modernes perpétuent le colonialisme du fait même qu’il se réclament de l’émancipation des peuples en refusant la notion de race. Ces études revendiquent désormais l’appartenance à une « race » comme  seule forme possible de lutte contre l’oppression des dominants (forcément blancs) sur les dominés ou  les « subalternes » (forcément noirs ou colorés). D’où la revendication d’une « identité racisée » qui s’inspire largement des thèses postfreudiennes sur les pathologies narcissiques.  

calendrier 2020

— Les  7, 14, 28 Janvier : 29 rue d’Ulm, bâtiment Jaurès, salle U 207
— Les 4 février, 3, 17, 24 mars, 21, 28, avril,  5, 12 mai : 45 rue d’Ulm, salle Weil


[1] Élisabeth Roudinesco insiste sur l’aspect fondateur de la profession de foi universaliste de Montesquieu, exact pendant des Lumières françaises au poison nationaliste puis fasciste, Pensée N° 741 : "Si je savais quelque chose qui me fût utile et qui fût préjudiciable à ma famille, je le rejetterais de mon esprit. Si je connaissais quelque chose utile à ma famille et qui ne le fût pas à ma patrie, je chercherais à l’oublier. Si je savais quelque chose utile à ma patrie et qui fût préjudiciable à l’Europe, ou bien qui fût utile à l’Europe et préjudiciable au genre humain, je la regarderais comme un crime." À quoi ajouter la Pensée N° 350 :" Si je savais une chose utile à ma nation qui fût ruineuse à une autre, je ne la proposerais pas à mon prince."

Dans "Montesquieu dans Le Monde en 1998"[http://montesquieu.ens-lyon.fr/IMG/pdf/RM03_Ehrard_99-108.pdf], Jean Ehrard pimente cette citation d’un aphorisme de l’écrivain espagnol anarchisant Manuel Vazquez Montalban publié à l’occasion d’une manifestation contre le Front national (28 mars, p.13) : « Dieu est mort, Marx est mort, Montesquieu est mort, mais il ne se trouve personne pour tuer les imbéciles.» Faudrait-il, se souvenant de Munich, ajouter "et les lâches" ? Il se trouve que Montesquieu n’est ni mort ni près de mourir, pas davantage que la vertu et l’attachement tenace à l’universel, articulé au particulier.