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15 mars 2010

Emergences et effacements du sujet dans l’histoire de la psychiatrie française Jean Jacques RITZ

Jean Jacques RITZ

Jean Jacques RITZ
psychologue, psychanalyste à Lyon
membre de la SIHPP
a donné le 20 novembre 2009
au Centre social du Vinatier la conférence dont le titre constitue la vedette du présent article.


Soyons normosés ! Jean-Jacques Ritz, membre de la SIHPP dont nous nous honorons de diffuser le Bulletin sur notre site, est psychanalyste. Cela n’est pas une profession, plutôt une qualité. Il exerce la profession voisine et bien distincte de psychologue clinicien, et c’est pourtant à titre de psychanalyste qu’il parle. Il parle en qualité de psychanalyste à des psychologues de la psychiatrie du point de vue de la psychanalyse. En l’occurence il s’occupe, en tant que chercheur, de l’histoire C’est comme on voit d’une simplicité évangélique.

Il y a donc la qualité de psychanalyste, et le titre, puis la profession. Le titre, ah le titre ! celui générique de psychothérapeute bientôt à disposition gratuite des psychanalystes (rien n’est encore joué) ? qui disent d’ailleurs qu’ils n’en veulent pas mais se disposent à le pratiquer, tout en vaticinant l’époque qui permettrait aux va-nu-pieds de la psychothérapie relationnelle (1) de se maintenir dans le paysage.

Tout cela se confondant pour la plus grande complexité ou confusion si l’on n’y voit pas clair possibles, dans le meilleur des Carrés psys possibles, celui dont nous traçons ici-même le graphe porteur de concepts, permettant à la psychothérapie relationnelle de prendre place. Laquelle tient un discours de même inspiration que celui de la psychanalyse sur la question de la lamination par voie de normose.

Voici comment l’article commence : L’auteur, psychologue, a travaillé en Hôpital psychiatrique de 1964 à 2005. En se référant à cette histoire et à sa culture il tente ici d’évoquer, de repérer et d’analyser les grands courants conceptuels et institutionnels qui ont marqué l’histoire de la psychiatrie française. Il s’interroge sur l’émergence, la répression, la disparition, le retour, la chute et l’ascension du sujet ( et de la subjectivation), sujet que l’on nomme aussi personne, fou, aliéné, numéro, malade mental, patient, client et que l’on appelle parfois par son nom.

Jean-Jacques Ritz procède à un tour d’horizon historique et institutionnel, il fait le bilan d’une vie de pratique qui ne s’appelait pas encore de santé mentale, évocant la psychothérapie institutionnelle, l’arrivée en France des Nouvelles thérapies, l’antipsychiatrie, les neuroleptiques hyperdosés qui vous vident la tête et l’action civilisatrice de la psychanalyse dans un lieu hôpitalier qui savait aussi inviter Eva Reich. Il parle de l’environnement de notre pratique, contextualise les pratiques et théories psys, dresse le tableau paradigmatique qu’il faut connaître et méditer si l’on ambitionne de pratiquer notre métier.

Il parle du devoir des psys d’empêcher de penser en rond, évoque Roland Gori et Sauvons la clinique, décrit la régression institutionnelle et morale, qui aboutit « à une déshumanisation du sujet en le poussant
vers une société incapable de l’accueillir et peu soucieuse de ses problèmes ». Citant Einstein dont il détourne le propos disant des États-Unis « C’est le seul peuple qui soit passé de la barbarie à la décadence sans passer par la civilisation« , il décrit le peuple psy institutionnel, celui qui nous accuse volontiers de charlatanerie, placé dans des conditions de régression scientifique, ethique et politique inquiétantes. Enfin il propose la culture comme obligation et consolation, avec l’humour pour inspirateur : « Cause toujours dit l’inconscient au moi, c’est moi qui cause ! »

Allez, maintenant vous savez tout, décalez-vous d’un cran, téléchargez, régalez-vous recalez-vous ! La psychothérapie relationnelle se verra toujours fortifiée de bien se situer par rapport au travail des collègues en institution, et par rapport au déroulement de l’Histoire de la folie et des façons dont les sociétés la (mal)traitent.

Philippe Grauer


[Document : Émergeance & effacement du sujet dans l’histoire de la psychiatrie française]

Argument

Est-il normal d’être normal ? 

La famille, la société, la cité, la religion, la politique, le droit, la science tout pousse l’individu à se tenir tranquille et rassuré dans une normalité désignée et définie de façon plus ou moins stricte.

Or s’il y a bien un être qui désire être libre et indépendant, un être capable de se détourner des exigences, obligations et normes imposées à lui dès sa naissance, c’est l’être humain. Dans ses rêves, dans ses fantasmes, dans ses pulsions connues ou cachées, dans son imaginaire et ses pensées l’homme tente de s’ouvrir un chemin individuel de liberté et d’originalité. Nous le savons depuis le début de l’humanité et le lisons dans les textes les plus anciens. Les philosophes et les moralistes ont là-dessus beaucoup dit et disent encore. De façon plus troublante, la psychanalyse a montré combien chaque sujet est aux prises avec son inconscient et ses désirs les plus insensés ou « anormaux ». Avec eux les artistes, les fous et quelques autres nous rappellent combien il est tentant de reconstruire le monde à notre image venant ainsi troubler la morne tranquillité journalière, l’ordre établi, la règle, la grisaille, le silence.

S’il parait alors normal de rechercher la paix dans l’habituelle uniformité il semble bien que la normalité dans son énormité et sa pesanteur soit réductrice, aliénante et déshumanisante. Il est donc normal de se méfier du normal. Et normal de se laisser aller à quelques folies pour se sentir exister, penser, vivre et aimer.

Et dans cette recherche la peur de la folie et la peur de la mort, si bien entretenues par la plupart des sociétés modernes et leurs porte-voix, viennent se dresser contre cette liberté. Alors, du coup, il devient urgent d’être normal. Et cela constitue, à mes yeux, une défaite.

J.J.Ritz. Lyon, le 23.01.2010


Autres références sur laToile :
http://quatrieme-groupe.org/publications/interlignes-recents/interligne/crise_en_psychiatrie_-_tumulte_en_psychopathologie_-_une_histoire_en_quete_de_sens_/1697