Le titre générique de psychothérapeute, que nous avons bien servi et par là contribué à populariser, risque de nous être volé par une écriture du décret d’application de l’article 52 qui nous en dépossède, à l’initiative de la médecine organiciste, suivie par les psychanalystes conservateurs du Groupe de contact et les universitaires ultras de la psychologie comportementalo-cognitiviste.
Nous avons avancé d’une case. Abordant d’entrée de jeu l’an dernier ici même la question de notre dénomination, disant qu’elle se posait de façon récurrente, je posais la question de sa mise en paradigme avec la psychanalyse, dans le cadre de la construction du concept de Carré psy. La récurrence poursuit son cours. Un cran au-dessus surgit la question : notre salut et tranquillité institutionnelle seraient-ils au prix de saluer la compagnie et de nous déclarer psychopraticiens relationnels (1), laissant le titre de psychothérapeute à qui en voudra, moyennant un quasi doublement de la durée des études en vue de se qualifier comme psychothérapeute relationnel ?
Cela ne change en rien la configuration du Carré psy, la psychothérapie, activité générique, continue d’être déclinée par les quatre protagonistes institutionnels, chacun selon son mode particulier, le nôtre à l’enseigne de la psychopratique relationnelle. Nos cousins psychanalystes seront plus embarqués que nous dans la machine que certains d’entre eux avaient prévue pour nous éliminer, de devoir officialiser leurs listes. Par un étonnant retour des choses, nous nous trouvons de ce fait dans une situation d’indépendance qu’ils ne devraient pas tarder à nous envier. Quant au nôtre, d’Annuaire, public, il serait protégé par le titre que nous aurons dorénavant seuls le privilège de décerner. Public mais non officiel : nous sortons par là d’une dépendance impraticable au ministère de la Santé dominé par l’idéologie médicale organiciste et scientiste, celle qui ressortit de ce que Foucault appelait le biopouvoir.
On voit qu’une des questions de fond est celle de la constitution de listes. Nous sommes entrés dans la période des annuaires. Cette annuarisation de nos professions en route depuis trois décennies, nous l’avions vu venir, à la publication de notre premier annuaire, lorsque nous fûmes confrontés à celle d’innombrables maisons d’éditions cherchant par tous les moyens à dresser peu importe comment des listes à proposer au public. Derrière ce phénomène d’enlistement, il faut distinguer le besoin du public de pouvoir nous repérer, pour s’adresser à nous savoir qui nous sommes et où nous le sommes. Bref, l’institutionnalisation du champ psy se poursuit. Tout le monde a pu la voir se développer, d’où la bataille politique pour s’emparer de son contrôle, et tenter en l’occurrence de nous arracher des mains le titre de psychothérapeute que nous avons créé. Mieux vaut faire envie que pitié, ne nous plaignons pas.
Nous l’avons fondé — il existait depuis plus d’un siècle, disons refondé, ce titre de psychothérapeute, au départ à notre usage exprès. Constatant que tous le revendiquaient, nous avons décidé de reculer en bon ordre, pour laisser aux collègues des autres professions qui entendaient en user, non comme d’un titre, notons-le, mais comme d’une fonction — dérivant toutefois vers le titre, jouissance du partage de ce titre. Certains continuent de revendiquer toute la psychothérapie comme devant être relationnelle, arguant qu’à moins que cela il s’agirait d’autre chose que de psychothérapie. Après tout puisque les psychiatres font de la psychiatrie, les psychologues de la psychologie, les psychanalystes de la psychanalyse, pourquoi ne ferions-nous pas de la psychothérapie, sans plus de partage qu’eux ?
Imparable. Comme les trois autres protagonistes institutionnels n’en démordaient pas, que la psychiatrie s’était déjà taillé un morceau du titre à apposer sur les plaques qu’affectionne le Dr. Accoyer, en frôlant l’illégalité, et que nous avons estimé que nous ne serions pas de taille à leur imposer notre propriété pleine et entière, nous avons circonscrit un territoire scientifique, théorique, pratique et politique, sur lequel nous avons établi notre souveraineté. Le cadre en fut la théorie des psychothérapies multiples, une par profession et épistémè, qui permette à chacun de se sentir chez soi relativement à cette dispute. C’est ainsi que sont nés ensemble les concepts de Carré psy et de psychothérapie relationnelle.
Ainsi nous n’avions plus à porter l’ensemble du fardeau et pouvions espérer qu’une reconnaissance mutuelle nous conduirait à suffisamment d’entente entre collègues qui après tout sur le terrain savaient déjà collaborer. Cette renonciation à régir l’ensemble du champ nous coûta, mais fut d’un bon rapport. Elle permit de montrer que les deux professions du processus de subjectivation se trouvaient solidaires face aux deux professions à diplôme, pour une part importante basculées dans l’organicisme et un cognitivisme militant, militant contre la psychanalyse en commençant par nous, jugés plus fragiles puisque non universitairement assis.
Il en est du cognitivisme comme de l’islamisme, son usage politique n’a pas plus à voir avec la recherche scientifique au sens vrai du terme que ce dernier avec la religion musulmane. Nous pensons que toutes les directions de recherche sont ce qu’elles sont, et qu’aucun anathème scientifico-politique n’est à lancer contre aucune. Que tous recherchent et polémiquent scientifiquement autant qu’il le faudra. Il doit y avoir place pour tout le monde. C’est la collusion avec la politique et éventuellement le monde de l’argent, qui reste problématique. De ce point de vue, on peut comprendre que les laboratoires pharmaceutiques ne voient pas d’un bon œil des praticiens comme les psychanalystes et nous provoquer des économies de médicaments et plus généralement de frais médicaux.
Si nous en venons à parler après Foucault de biopouvoir c’est qu’il faut bien s’en prendre à l’idéologisation politique qui nous est opposée, à quoi nous ne pouvons pas prétendre ne pas avoir affaire, si l’on pense par exemple aux prises de position de l’Inserm , inadmissibles du point de vue de la méthode scientifique. Nous avons comme politique et éthique d’accueillir parmi nous tout professionnel qui montrera sa capacité à travailler à partir d’une base sérieusement relationnelle, en se soumettant aux cinq critères. Cela n’exclut pas a priori ceux qui trouveraient bon de conjoindre à leur pratique du cognitivisme ou de la neuroscience pourvu que ce soit sur nos bases communes.
Mais nous avons aussi pour principe que notre psychothérapie relationnelle se trouve intrinsèquement liée à la démocratie. Les personnes qui recourent à nous ne sont pas à nos yeux des usagers mais des citoyens. Un abîme sépare ces deux vocables, sépare le consumérisme à risque zéro étatisé du choix de se risquer dans l’aventure de la découverte de soi et de l’élaboration d’un sens de sa vie auprès d’un professionnel compétent heureusement sujet à l’erreur. Car c’est par elle qu’on se trouve. Ce passage obligé de la condition et de la rencontre humaines ne sera jamais encadrable par nos balourds en expertise. Notre science est art, inassignable en statistiques scientifiquement contestables façon Inserm, non protocolisable ou normalisable par une bureaucratie de l’âme. Sujet d’abord, longuement initié préalablement à la démarche difficile qu’il se propose d’accompagner, toujours en référence à ses pairs qui lui sont caution solidaire, gardant à l’esprit d’une façon ou d’une autre les grandes découvertes de Freud concernant la dimension inconsciente de la subjectivité humaine, le praticien de chez nous ne relèvera jamais — pas plus que celui qui recourt à lui, du risque zéro étatisé.
Ayant délimité les frontières de façon généreuse, nous ne revendiquons que le quart du territoire commun, mais tout ce quart. C’est de notre secteur du Carré psy que la dernière rédaction du décret d’application prétend nous expulser. Ils ne veulent pas partager avec nous mais nous éliminer. Là c’est trop, et chacun peut le constater. À cette tentative nous répondons que la partie n’est pas jouée et que nous saurons faire valoir nos droits sur un nom sur lequel personne ne saurait dénier notre légitimité historique. Cette spoliation a quelque chose de malhonnête et ceux qui s’en réjouissent ou s’en indiffèrent le font à leur plus grande honte, comme probablement à terme au détriment des psychanalystes qui risquent leur réputation à ce mauvais jeu. Quoi qu’il en soit, que tous sachent que nous nous battrons avec détermination contre l’aboutissement de mauvais plans ourdis contre nous afin de nous empêcher de psychothérapiser à notre façon.
Nous serons d’autant plus libres dans notre combat que nous disposons dès à présent d’un titre bien à nous, celui de psychopraticien relationnel(2) , sur lequel nous avons tout pouvoir, vu qu’il nous appartient, l’ayant dûment déposé. Nous pouvons dorénavant interdire à quiconque de porter ce nom, sauf à ceux avec qui nous l’aurons mis en partage. Ce sanctuaire onomastique nous met à l’abri de toute angoisse institutionnelle, sans nous soumettre à porter un nom de méthode qui puisse nous enfermer un jour et nous faire renoncer à notre pluralisme. Nous fournirons du psychopraticien relationnel la définition qui coule de source, à savoir que c’est un praticien de la psychothérapie relationnelle. Vu qu’ainsi nous n’usons pas du titre volé, le terme psychothérapie restant libre nous voici à l’abri de la persécution.
Pour un temps ? nos adversaires chercheront-ils à nous exterminer jusqu’au dernier, de nouveau décret en nouveau décret, une fois le premier passé ? on peut penser que mieux nous combattrons leurs desseins à notre encontre dans le domaine du titre convoité, plus nous serons assurés de notre tranquillité ultérieure. Nous sommes irréductibles, inexpugnables, le pire qui puisse nous arriver serait de changer de nom, mais notre côté du Carré psy sera toujours occupé par nous.
En tout état de cause en définitive ce sera à nous de décider quelle politique de Nom du Pair adopter.
Ils veulent promouvoir leur décret. Revirement : à l’issue de renégociations interministérielles le ministère de la Santé a fini par se rallier. Aux psychologues. Après avoir adopté une position favorable à notre psychothérapie le 7 avril. Surprenant volte-face, offensant ceux qui s’étaient imaginé que le ministre s’était déplacé pour faire des propositions significatives, qu’il entendait, disait-il alors, maintenir. Avec nos réserves et en dépit de nos doutes nous avions fini par appuyer ses engagements à respecter notre identité professionnelle, même dans le cadre d’une loi boiteuse. Deux mois plus tard ça rebasculait, le pied bancal se recalait sur la psychologie et le ministre ne promettait plus qu’une chose, faire le décret. Contre nous. Maintenant pour le ministère les jeux sont, fait-il savoir, faits, et nous refaits. Nous combattrons jusqu’au bout l’actuelle écriture du décret d’application. Souvenons-nous qu’en politique personne ne sait jamais quelle sera l’issue .
Rappelons que dans le décret actuel, en plus des psychiatres, psychologues cliniciens et psychanalystes sur liste, ce sont bien les médecins et psychologues toutes catégories confondues qui se voient proclamés psychothérapeutes de droit — charlatans d’État. Les praticiens des TCC qui eux-mêmes ne se nomment pas psychothérapeutes mais thérapeutes CC, où se situent-ils dans cet imbroglio ? comme méthode psycho-technique ancillaire de la psychiatrie ? ça n’est pas directement notre problème puisque de toute évidence ils n’ont rien à faire de notre côté. Mais il convient de préciser qu’en définitive le décret les promeut au titre de psychothérapeute, les introduisant dans le Carré psy, le bouchon assez loin poussé outre-bornes. Enfin tout cela n’est que leur projet et leurs fantasmes.
Quoi qu’il en soit de leur décret, la psychothérapie relationnelle est à présent installée dans les esprits et sur le terrain du symbolique. La crise actuelle nous a au sens argentique du terme révélés. Nous avons su définir notre place et l’occupons. Une quarantaine d’années de pratique théorique, sociale, clinique, syndicale depuis les années 80, avaient été consacrées, le terrain, à l’occuper concrètement. On peut chercher à présent à nous déloger de notre dénomination, à nous débaptiser, il est trop tard pour nous rayer de la carte. La réalité que cette carte dessine c’est que nos patients recourent à nous, parce que nous sommes ce que nous sommes et proposons la pratique et le lieu théorique et professionnel qui sont les nôtres. La réalité c’est que nombreux sont nos collègues qui nous ont identifiés et nous reconnaissent, c’est que l’opinion nous connaît, et maintenant les médias, même lorsque ce pouvoir ne bouge pas.
Notre pratique est fondamentalement relationnelle, permettant par l’interaction de deux sujets dont l’un professionnel, engagés dans l’ici et maintenant d’une possiblement longue et indéfinie série de séances, un processus d’émergence de sa réalité en qualité de sujet de celui qui a entrepris sa démarche. Nous nous réclamons d’une psychothérapie du lien, fondateur d’une véritable anthropologie du soin pris de soi-même dans la re-constitution de son humanité par un être souffrant. La posture humaniste qu’elle définit engage des valeurs qui impliquent une transformation de l’être. Valeurs elles-mêmes analysées et soumises à critique. Ce par quoi nous sommes ici tous passés, adossé à un contrôle constant à ce niveau en tant que praticiens. Elle constitue une clinique d’un type nouveau depuis l’invention de la psychanalyse, d’un modèle fondamentalement très comparable, que seules des écoles dirigées par des didacticiens habilités, répondant à un cahier des charges rigoureux, peuvent transmettre.
En définitive, seule la reconnaissance par les pairs, telle qu’on la voit mise en œuvre avec notre processus de titularisation, peut valider les professionnels que nous sommes. Seuls nos cinq critères peuvent définir notre pratique et catégorie professionnelle.
Les quatre corporations constituant le carré psy l’engendrent comme espace commun où se répartissent des forces contradictoires, contraires et complémentaires. Par définition ces quatre protagonistes sont indispensables à l’architecture même du carré commun. Nous ne demanderons jamais l’éradication de l’un quelconque de nos co-habitants, nous n’en avons pas besoin, et ce serait folie. Ainsi nos voisins d’en face, les psychologues, pratiquent un tout autre métier, dont nous n’entreprendrons pas d’interroger la légitimité ou d’invalider la pratique au motif qu’ils ne répondent pas à nos critères. Nous aimerions qu’il en soit de même réciproquement. Ils pratiquent un autre métier, même si un petit nombre d’entre eux, par le biais de la psychologie clinique d’inspiration psychanalytique, pourrait prétendre moyennant une formation complémentaire non négligeable, à rejoindre nos rangs, par le jeu du cumul caractéristique de notre profession et de celle de psychanalyste, et il y en a certainement dans cette salle pour illustrer ce cas de figure.
Quand nous disons tout autre, nous nous référons à une démarcation épistémologique, entre objectivation et subjectivation , nous exprimons qu’à nos yeux la psychothérapie, terme générique, se décline quatre fois différemment (sans compter les « sous-fois », qui proviennent de subdivisions, cumuls et mixages, qui peuvent procéder par articulation ou mélanges), et que nous en revendiquons notre quart, et seulement lui.
Que le SNP fasse des pieds et des mains pour que soit approprié par l’université le terme générique de psychothérapeute afin de désigner une nouvelle filière de psychopathologues, ne change rien à l’affaire. La nouvelle sous-profession en voie de création n’occupe pas notre place dans le carré psy. Elle ira rejoindre la psychologie, pour constituer à ses côtés un secteur professionnel aux ordres des médecins. On peut comprendre finalement que le SNP se réjouisse (tout en s’inquiétant de la concurrence) de l’arrivée de ces nouveaux collègues en perspective, puisqu’ils sont de la même espèce épistémologique. Mais ils ne sont pas de chez nous. Nous n’avons rien à voir avec ces futurs copropriétaires du carré psy, et les accueillerons volontiers, comme collègues d’une autre pratique, ou quand ils viendront à l’occasion en formation continue puis en confraternité chez nous.
Nous entendons bien qu’un savoir, savoir-faire et être en psychopathologie fait partie de notre pratique, théorie et méthode. Ce contre quoi nous nous défendons quand nous voyons l’université prétendre nous formater nous selon ses moules académiques, ça n’est pas bien entendu contre le principe d’un savoir psychopathologique, c’est contre le principe de notre annexion et interdiction au nom d’une certaine conception organiciste et étroitement cognitiviste de la psychopathologie, à l’enseigne d’un corporatisme d’un autre âge. C’est parce que leur psychopathologie, ils la brandissent contre nous comme une arme, l’arme d’une médecine réductrice à visée d’hégémonie, et d’une psychologie aux vues étriquées qui lui emboîte le pas, l’arme des ennemis de la psychanalyse, qui s’en prennent à nous pour mieux la contourner, et la réduire.
Ils ne nous liquiderons pas. Nous ne sommes pas expulsables de notre demeure et ça n’est pas en venant arracher la moitié du nom qui figure à notre portique qu’on nous déclarera squatters de notre propre domaine. Que tout le monde sache que sur ce point nous serons assez territoriaux, patriotes de notre identité, et nous déconseillons à quiconque de s’aviser de nous déloger de notre façade Est du carré psy, celle du côté où le soleil se lève car elle donne sur l’avenir. Il y a peut-être de la place pour des nouveaux venus dans ce carré, mais pas la nôtre.
Notre combat s’inscrit dans l’histoire d’une installation institutionnelle qui se joue un peu plus d’un demi-siècle, sur fond d’aménagement du paysage psy entre psychologie, psychanalyse et psychiatrie depuis le début du XX ème siècle. Progressivement les trois acteurs institutionnels que je viens de nommer se sont partagés le terrain, les trois parlant chacun à sa manière de psychothérapie, jusqu’à ce que celle-ci s’autonomise et vienne transformer, après l’apparition de la psychologie humaniste américaine dite Troisième voie, le triangle initial en un carré. Celui-ci ne s’est imposé sous ce concept réorganisateur du champ psy que depuis environ une décennie. Il fait de nous après avoir figuré les Troisièmes entre une psychanalyse médicaliste et une psychologie comportementaliste, les Quatrièmes d’une figure plus complète et plus complexe.
Souvenons-nous que nous avons pris place sur l’échiquier institutionnel, sociologique, scientifique, épistémologique, politique, avec l’irruption de la psychosociologie puis de la psychologie humaniste, mouvement qui démarre aux années 50. Nous pouvons contempler le processus et son extrême rapidité. Nous pouvons considérer les trois dernières années comme une accélération qui nous a propulsés. Au point où nous sommes rendus, nous pouvons nous satisfaire du chemin parcouru et des résultats obtenus, même si nos inquiétudes restent importantes et notre mobilisation nécessaire.
Elle n’a pas fléchi cette année, qui a vu se dérouler d’importants combats, dans lesquels nous nous sommes bien tenus. En publiant les Verbatims des deux réunions plénières de l’ensemble des professionnels du psychisme par le ministère de la Santé (au passage cette participation valait reconnaissance institutionnelle), nous avons mis sur la place publique un débat d’ordinaire ignoré du milieu même et des citoyens. Cela a produit des effets bénéfiques. On n’a pu liquider aucune organisation dans l’ombre. Bien au contraire nous avons pris la place qui est la nôtre. Nous devons rendre justice aux ministères qui se sont succédé, et au dernier à qui nous adressons de justes reproches, d’avoir tenu parole et réuni tout le monde, de façon ouverte, en concertation ouverte, même si elle était toujours modulée par des reprises en coulisse.
Grâce aux Verbatims issus de ces réunions plénières, un nombre croissant de nos collègues psychanalystes au-delà du cercle de la mouvance ECF a pu se rendre compte de la réalité ce qui se jouait, et de la position de chaque interlocuteur institutionnel. Nous avons pris part au débat, par l’édition de nos textes, par notre participation à de nombreuses rencontres et colloques, par le dialogue sur Œdipe, nous avons échangé et nous sommes fait entendre. Gros travail et grosse fatigue, mais nous l’avons fait et plutôt bien fait. Le SNPPsy a su soutenir sa bonne autorité morale et réputation.
Nos alliances fonctionnent bien. Le sénateur Sueur constitue un appui de poids, déterminé et fidèle à notre cause. Élisabeth Roudinesco constitue un trait d’union entre nous et la psychanalyse, qui ne se dément pas. Jacques-Alain Miller n’a pas trop apprécié que le 7 avril n’ait constitué qu’une opération trompe l’œil, et médite de repartir en campagne. La Coordination psy tient. Elle se maintient dans la durée et dans la coordination des efforts des nombreuses forces qui s’opposent à la politique de tentative de démantèlement de la psychothérapie relationnelle et au-delà —il n’y a que l’État-major du Groupe contact pour stationner dans l’aveuglement volontaire à cet égard — de la psychanalyse. L’Affop conduite par Jean-Michel Fourcade a bien tenu son rôle de fédération représentant un bel ensemble, se renforçant, d’organismes de psychothérapie relationnelle de qualité, et nos relations avec elle, dans une position subtile de membre et d’entité déterminant sa propre politique, fut tout à fait satisfaisante, grâce aussi on va le dire à la finesse politique de son président.
Finalement notre politique constante de promotion de la psychothérapie relationnelle comme quatrième force distincte bien établie du carré psy s’est manifestée non seulement juste, mais bénéfique à l’usage. Nous avons bien fait de cesser de confondre comme le ministère et nombre de nos collègues de toutes parts, le terme générique de psychothérapie et notre propre appellation, délimitant, protégeant et garantissant notre seul quart du carré, notre seul domaine disciplinaire. Que ce soit comme ce ne serait que justice à l’ombre de la dénomination que nous avons puissamment contribué à créer, défendre et illustrer, ou de celle de psychopraticien relationnel, dont nous pouvons nous servir quand nous voudrons, nous exerçons notre souveraineté scientifique, professionnelle et institutionnelle sur le secteur psy que nous contrôlons par nos cinq critères et les organismes de formation que nous agréons.
Les psychologues peuvent bien se constituer en ordre, appareillé à un décret d’application en cours de rédaction qui les rendrait pensent-ils maîtres du titre générique de psychothérapeute, qu’est-ce que cela changera au fait que nous restons les seuls à détenir l’outil de la psychothérapie par la relation, et, aux côtés des psychanalystes, à proposer une conception du soin psychique, du soin pris de soi, d’une nature totalement différente du soin comportementaliste, rééducatif et neuroleptique ?
Les psychanalystes conservateurs, qui à présent nous reconnaissent en nous désignant comme « psychothérapeutes dits relationnels », ne pensent déjà plus notre disparition comme possible, ni même, qui sait, souhaitable, si l’on songe à l’avenir de la psychanalyse, dont nous constituons une sorte de Marche protectrice. Et ils sont contrebalancés par les psychanalystes de l’ECF, du Manifeste et du Front du refus, et de psychanalystes moins excessifs que certains de leurs dirigeants.
Les psychiatres concurrencés par les médecins généralistes d’une part, et les psychologues d’autre part, prennent leur part de la razzia sur le titre et représentent un adversaire institutionnel majeur, en qualité d’inspirateur des psychologues et d’allié du réflexe sécuritaire corporatiste de l’état-major du Groupe de contact. Les psychiatres conservateurs représentent le pouvoir médical positiviste, le fameux biopouvoir foucaldien. On peut noter tout de même un frémissement : le Dr. Vasseur, jumeau du Dr. Accoyer du temps des charlatans visseurs de plaques n’a pas été renouvelé à sa présidence. Par contre on se souviendra qu’en armant le bras des deux précédemment évoqués, la médecine française se trouve en position dominante sur l’ensemble du secteur psy, et qu’on ignore trop souvent sa remarquable capacité d’action dans les querelles entre psys, qui parviennent difficilement à se désinféoder d’elle et à se rendre compte de son pouvoir sur l’ensemble du champ. Cette histoire est ancienne et remonte aux préoccupations de l’Ordre des médecins soucieux d’établir la souveraineté médicale sur l’ensemble du triangle puis du carré psy.
Face à cela l’ensemble des autres psys doivent savoir s’unir : psychologues soucieux de ne pas devenir auxiliaires médicaux, psychanalystes et psychothérapeutes relationnels. Nous serons toujours disposés à ne pas manquer ce rendez-vous de l’Histoire. Ensuite, que chacun règle ses problèmes propres comme il l’entend, de façon autonome et responsable comme nous l’avions déjà préconisé dans la proposition de loi J-M Marchand, dont la maquette inspira la proposition Gouteyron.
Que nos écoles agréées Affop, et pour l’instant encore SNPPsy, poursuivent leur travail de valeur dans la transmission de notre type de savoir, comme les sociétés de psychanalyse le font pour leurs praticiens, et que l’université engendre ses psychologues et ses médecins selon ses normes, et tout sera en bon ordre. Dans le cadre de bonnes conditions qui actuellement n’existent pas, on pourrait imaginer, avec une autre université que l’actuelle telle que manifestée, de fructueuses collaborations écoles-université. Nous ne sommes pas anti-universitaires mais anti-scientistes et nous ferons face à l’agressivité d’un système qui s’est emparé de l’université pour idéologiser la société dans le sens d’une évaluation universelle aux mains d’experts qui représentent une menace directe pour la liberté et la recherche.
Pour conclure ce point, nous quatrième force du Carré, Quart État du monde psy, tiendrons solidement notre place et notre rôle, et cette année nous pouvons considérer les avoir illustrés honorablement.
Mis en ligne le 22 novembre 2006 –