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8 décembre 2006

Freud, parcours secrets Philippe Grauer

Philippe Grauer

Beau colloque à la Société internationale d’histoire de la psychiatrie et de la psychanalyse à Sainte Anne à Paris ce samedi 2 décembre. Selon quatre communications se rencontrèrent intérêt historique et théorique. Nous en donnons ici le début du compte-rendu.

Sergio Rouanet, professeur émérite à l’université de Brasilia, essayiste qui a travaillé à l’intersection de la philosophie et de la psychanalyse et s’intéresse particulièrement aux relations de celle-ci avec la société, ouvrit le bal. Il nous a rapporté le suc d’un ouvrage qu’il vient de publier Une Toussaint de Freud (celle 1906), sur les ouvrages que Freud avait désignés à la demande de Hugo Heller comme les dix livres bons amis qu’il aimerait avoir emportés avec lui s’il venait à robinsonner. Sergio Rouanet nous a présenté un Freud qui recherche dans le kaléidoscope de l’actualité culturelle ce qui nourrit sa propre théorisation et qui, plutôt conventionnel dans ce domaine, s’intéresse en littérature davantage à la matière des histoires elles-mêmes qu’à leur originalité de construction.

Avec Carlo Bononi, auteur de Au seuil de la psychanalyse, Freud et la folie de l’enfant, ce qui est d’abord mis en lumière c’est la continuité d’une violence allant jusqu’à la chirurgie avec laquelle la répression de la masturbation met en place une médicalisation de la morale.

Le terme de castration n’arrive pas au hasard dans une époque où une batterie de traitements mutilants conduit le corps médical jusqu’à intervenir bistouri à l’appui contre la cause supposée de maladies nerveuses qu’une ablation préviendrait (dans certains cas on est tout de même allé jusqu’à l’infibulation). Une théorie sexophobique prévaut, médicalisant à outrance. Adolf Baginsky, maître de Freud en pédiatrie, parle de masturbation du nourrisson et d’éliminer les sources possibles d’irritation de ces zones érogènes trop sensibles (la théorie de la séduction prendra appui sur cela). On éradiquera ainsi depuis le tissus rugueux jusqu’à des morceaux du sexe lui-même, chez les deux sexes.

Freud refuse ces pratiques de l’époque et nous introduit à la modernité. Quand la psychanalyse avance le concept de castration c’est en rupture avec cette pulsion chirurgicale organiciste à coloration hygiéniste, longue tradition de violence médicale au corps dont on peut mesurer combien elle a la vie dure, sous d’autres formes, jusqu’à aujourd’hui. Le basculement du traitement symptomatique y compris par la chirurgie au traitement étiologique via une théorie du traumatisme psychique arrivera par le terme psycho-analyse introduit par Freud. Rupture épistémologique, on passe du sexe mutilé, de la castration réelle, au concept de phallus et à la castration symbolique.

L’hystérie, maladie gynécologique, change de statut. La castration chirurgicale des femmes va céder la place. Il en subsistera le terme, demeuré inquiétant dans le langage courant. Et le franchissement de l’hystérie débarrassée de son attache organiciste à l’utérus vers le masculin.

(à suivre)