Commission nationale de déontologie de la sécurité
62 bd de la Tour-Maubourg – 75007 PARIS
T/ 01 53 59 72 72 – F/ 01 53 59 72 73
Communiqué – 21 septembre 2009
Sans avoir été consultée auparavant, la Commission nationale de déontologie de la sécurité a
pris connaissance, à l’occasion de sa publication, du projet de loi organique relatif au Défenseur
des droits. Elle en a délibéré lors de sa réunion en formation plénière du 21 septembre 2009.
Elle relève que ce texte prévoit sa suppression et le transfert de ses attributions à une seule
personne, le Défenseur des droits, nommé en conseil des ministres, à charge pour lui, lorsqu’il
intervient en matière de déontologie, de consulter un collège de trois personnalités désignées
respectivement par le Président de la République, le Président de l’Assemblée nationale et le
Président du Sénat, en raison de leur compétence dans le domaine de la sécurité.
Par comparaison avec son propre statut, la CNDS constate que cette nouvelle organisation :
1°) n’offre aucune des garanties d’indépendance qui tenaient au mode de désignation de ses
membres comprenant quatre parlementaires, des représentants du conseil d’Etat, de la cour de
cassation et de la cour des comptes et six personnalités qualifiées choisies par les autres
membres (art. 11) ;
2°) fait disparaître le caractère multidisciplinaire de sa composition qui lui a permis de regrouper
des juristes, avocats ou magistrats, un professeur de médecine légale, des universitaires et
chercheurs, d’anciens responsables de la police, ayant tous eu à connaître dans l’exercice de
leur profession des problèmes de déontologie des forces de sécurité, chacun apportant dans une
approche différente ses connaissances et expériences propres (art. 11) ;
3°) ne comporte aucune précision sur la qualité des délégués du Défenseur des droits pouvant
intervenir pour instruire et participer au règlement des affaires en matière de déontologie
(art. 28) ;
4°) permet aux autorités mises en cause de s’opposer à la venue du Défenseur des droits dans
les locaux dont ils sont responsables pour des motifs tenant « aux exigences de la défense
nationale ou de la sécurité publique ou dans le cas de circonstances exceptionnelles », cette
disposition ayant pour conséquence de donner désormais à ces autorités la faculté de se
soustraire à tout contrôle qui pourrait les gêner (art. 18) ;
5°) interdit toute investigation sur des réclamations émanées de personnes ou associations
témoins de manquements déontologiques ou de graves irrégularités en matière de reconduite à
la frontière en raison de l’impossibilité d’avertir les victimes de ces faits et d’obtenir leur accord
lorsque, entre-temps, elles auront été expulsées (art. 8) ;
6°) donne au Défenseur des droits le pouvoir arbitraire de rejeter toute requête sans avoir à
motiver sa décision ni respecter le principe de la contradiction (art. 20) ;
7°) va diluer au sein d’une institution omnicompétente des attributions spécifiques nécessitant
des connaissances et une approche particulières dans le domaine sensible des rapports entre les
citoyens avec les forces de sécurité, les manquements commis dans l’usage de la force légale
n’appelant ni « transaction » ni « règlement en équité » (art. 20 et 22).
La CNDS considère que sur chacun des points qui précèdent la réforme projetée marque un
recul des garanties démocratiques qu’elle offrait aux citoyens, pour le respect de leurs droits
fondamentaux.
Elle rappelle enfin que son existence et la qualité de son action ont été saluées par les
institutions internationales – notamment le commissaire européen aux droits de l’homme –, la
Commission nationale consultative des droits de l’homme et les O.N.G. attachées à la défense
des droits de l’homme, dont plusieurs ont exprimé le souhait de voir ses compétences et ses
moyens élargis.
Site FFPP :
=
La Défenseure des enfants et la Commission Nationale de Déontologie de la Sécurité
Écrit par Brigitte Guinot
La Défenseure des enfants et la Commission Nationale de Déontologie et de Sécurité supprimés abruptement : un recul du droit et des libertés ou une évolution ?
Article paru dans Fédérer nº 51 [erratum : cf. nº 50] :
=
Deux projets de loi examinés le 9 septembre en Conseil des ministres visent à supprimer les autorités indépendantes suivantes : celle de la « Défenseure des enfants » (1) et celle de la « Commission Nationale de Déontologie de la Sécurité » (2). Un nouveau projet « Défenseur des droits » (3) englobera les missions jusque là imparties à ces deux autorités. Revenons sur les prérogatives de ces deux instances qui ont en commun de donner la parole à ceux qui s’estiment lésés.
La Défenseure des enfants est une institution de l’Etat, qui a le statut d’Autorité indépendante « afin de pouvoir intervenir de façon neutre et impartiale en faveur des enfants dont les droits ne seraient pas respectés ».
Souvent identifiée à la personne qui en assure la responsabilité (la Défenseure des enfants, actuellement Madame Dominique Versini, qui a succédé en 2006 à Madame Claire Brisset), cette institution de l’État, dispose de prérogatives multiples, comme recevoir et traiter des réclamations individuelles (droits de l’enfant non respectés et situations non résolues de manière satisfaisante par les structures ou organismes compétents), proposer des modifications de textes législatifs, réglementaires ou de pratiques afin d’apporter des solutions à des dysfonctionnements collectifs, ou encore rendre des avis sur tous les projets de loi qui concernent les mineurs. La Défenseure des enfants a également pour mission de développer des actions de formation et d’information. Tous les ans, elle remet au Président de la République et au parlement un rapport d’activité comprenant une partie thématique.
La Commission Nationale de Déontologie de la Sécurité (CNDS), créée en 2000 sous le gouvernement Jospin, est elle aussi une institution de l’État au statut d’autorité indépendante. Elle veille au respect de la déontologie par les personnes exerçant des activités de sécurité sur le territoire, qu’il s’agisse de professions publiques ou privées. Ni tribunal ni conseil de discipline, c’est un lieu de recours et de contrôle. Elle peut être sollicitée par tous, mais toujours sur saisine d’un parlementaire. Ses moyens juridiques sont très importants : le secret professionnel ne peut lui être opposé. Ainsi tout refus de lui répondre constitue une infraction pénale. Elle peut exiger renseignements ou documents et effectuer une visite dans les locaux professionnels. Elle peut saisir les autorités hiérarchiques ou les autorités judiciaires, si elle constate des manquements à la déontologie ou une infraction pénale. Elle produit un rapport annuel qu’elle remet au Président de la République, dont la lecture fait état d’un grand nombre de dysfonctionnements des services visés. Elle peut également publier un rapport spécial au Journal Officiel si elle estime ne pas avoir reçu de réponse appropriée des autorités administratives dans le cadre d’une affaire particulière. Elle ne peut, en revanche, intervenir dans le cadre d’une instruction en cours. Si ses moyens juridiques sont conséquents, la commission souffre d’un sous financement qui entrave sa mission.
La disparition de ces deux institutions a été programmée dans le projet de loi constitutionnel voté le 3 juin 2008. L’article 31 a créé un poste de « Défenseur des droits » (appelé initialement « Défenseur des droits des citoyens »). L’objet de cette institution est de renforcer et de donner plus de cohérence et de lisibilité à la protection des droits et des libertés des citoyens en la dotant de pouvoirs renforcés sans toutefois définir précisément le périmètre d’activité de son action qui devrait porter « sur une approche pragmatique et progressive ».
La mise en place de cette institution nouvelle n’a fait l’objet d’aucune concertation avec les principaux intéressés, en particulier les deux institutions dont la suppression est programmée. L’une et l’autre ont été mises devant le fait accompli.
Madame Versini, actuelle « Défenseure des enfants » a réagi vigoureusement. Elle a été rejointe par un grand nombre d’associations ou de politiques qui tous dénoncent le caractère autoritaire du mode opératoire. La revue de presse sur ce sujet est vigoureuse et engagée : « recul », « nouveau recul des droits de l’homme », « recul des droits et des libertés fondamentales », « affaiblissement des droits des enfants », « mauvais coup contre la protection de l’enfance », « inacceptable régression de l’État de droit »…
La Ligue des droits de l’Homme (LDH), dans son communiqué, résume parfaitement la situation : « Sans doute l’actuelle Défenseure des enfants a-t-elle déplu en prenant au sérieux la défense des enfants et de leurs droits, comme la Commission nationale de déontologie des forces de sécurité avait eu le tort de reconnaître l’existence de violences policières, ce qui lui avait valu naguère une tentative d’étranglement budgétaire. La punition sera donc la même pour ces deux autorités trop indépendantes : elles disparaissent au profit du Défenseur des droits prévu par la récente révision constitutionnelle, institution généraliste et donc moins gênante ».
Nous avions rencontré il y a deux ans les collaborateurs de Madame Versini. L’objet de la rencontre était bien sur de lui présenter la FFPP, ses travaux, ses engagements et ses missions. Nous avions particulièrement plaidé pour une meilleure visibilité des psychologues, qui d’après nous n’étaient pas suffisamment marquée dans les travaux et les rapports de la Défenseure des enfants. Nous avions proposé notre collaboration par l’apport technique de professionnels reconnus par la communauté professionnelle pour leurs compétences sur les sujets traités. Madame Versini a accepté à deux reprises de participer (octobre 2007 et octobre 2009) aux colloques de Psychologie et de psychopathologie de l’enfant de la FFPP. Nous y avons reconnu une contribution à la reconnaissance de l’apport des psychologues en même temps que nous étions honorés de l’audience donnée par ce contexte aux missions défendues.
Pour la FFPP, le bureau fédéral.
(1)
(2)
(3)
=
(4)
=