Le texte qui suit est de la plume de notre ami José GUTIÉRREZ
– membre de la SIHPP
– psychanalyste et président du Comité permanent pour la défense des droits de l’homme (Bogota).
La psychanalyse, tout comme la psychothérapie relationnelle, ne saurait s’abstraire du contexte politique et des enjeux autour des droits de l’homme et de la condition humaine. C’est dans cet esprit que nous éditons cette analyse, que la SIHPP diffuse dans son Bulletin.
Nous livrons égalempent le texte en espagnol. Les différences d’aspect proviennent du travail d’aération par redécoupage des §§ auquel nous avons soumis la traduction française, pour améliorer sa lisibilité sur l’écran.
Il y a des moments ou le malheur nous fait toucher ce qu’il y a de plus mystérieux, de plus sombre dans la condition humaine. Des moments où l’absurdité et l’injustice semblent nous appeler avec des cris déchirants venus du fond du drame de l’existence. Mais rarement cela défie notre indolence comme le rapt d’Ingrid Betancourt. Une femme jeune, intelligente, sensible, pleine de vie et de décision, est passée du berceau d’un monde privilégié à la croisée des chemins : six ans de souffrances constantes et de menaces ont noué le destin d’une vie avec le malheur insondable d’une population.
Un engagement social passionné l’a entraînée à s’intéresser irrémédiablement à son peuple, le peuple colombien et à la morale publique. Née et élevée en France, ayant connu une vie pleine de succès matériels et intellectuels, elle va peut-être payer de sa vie les faibles efforts que nous autres, français ou colombiens faisons pour soulager la douleur d’un peuple sacrifié pendant des années à la cruauté des luttes de guérillas. Vie pleine de promesses, qui la conduit dans un moment fatidique au gré d’un enchaînement mystérieux, à être la victime choisie de la tragédie colombienne.
Ainsi, cette candidate à la présidence aux bien faibles chances de victoire est devenue l’otage de la guérilla. Cette femme courageuse est maintenant au centre de la tragédie d’un pays, martyrisé depuis plus d’un demi-siècle par des conflits douloureux, plongé dans une des pires crises humanitaires actuelles. Pays que des institutions internationales crées au lendemain de l’expérience nazie, ne semblent pas pouvoir aider.
Dans les dernières décennies du vingtième siècle, la Colombie a vu des dizaines de milliers de personnes tuées ou disparues et des milliers d’autres séquestrées, torturées ou détenues de manière arbitraire, alors qu’au même temps se développaient la culture et la contrebande de la coca. Aujourd’hui au lieu de s’améliorer, la situation s’est compliquée du fait de la polarisation du pays entre amis et ennemis de la guérilla. Entre les défenseurs d’un système impuissant à soulager la misère d’un quart de la population ou à offrir à la moitié de celle-ci un espoir de sortir de la pauvreté.
Et surtout l’afrontement de ceux qui veut la défaite d’une guérilla qui vit des enlèvements et du pillage des paysans, et les défenseurs des idéaux d’un changement social. Cette division se retrouve dans la popularité du gouvernement actuel, élu à une large majorité en 2002 pour combattre la guérilla, et réélu avec quasiment la même majorité en 2006. Popularité également d’une « politique de Sécurité démocratique » qui occupe 6,5 % du PIB dans la lutte armée contre la guérilla (la guerre d’Irak, à son apogée n’exige que 4% du PIB des USA et 2% du PIB de l’Europe) dépense supérieure à celles de la Santé et de l’Éducation dont le faible niveau empire de jour en jour.
Reflet de cela, le nombre d’emplois publics dans la défense, la police et la sécurité atteindrait 81,2% du total selon des chercheurs indépendants (1) : 459.687 emplois, ce qui donne une majorité dévastatrice sur un total de 566.084 emplois nationaux publics. Simultanément, depuis son élection, le président Uribe a toujours défendu la thèse qu’« en Colombie, il n’y a pas de conflit armé» , pour conserver un garde-fou (qui par ailleurs ne couvre pas les crimes contre les droits de l’homme) vis-à-vis de la Cours Pénale Internationale dont le pays a signé le protocole initial de Rome.
Dans peu de temps, la CPI devra se prononcer sur plusieurs plaintes (l’une ayant été déposée par l’auteur de cet article) concernant plus de 2000 assassinats commis depuis 2002 par les paramilitaires ; cela est venu après une séquence cruelle sur laquelle se penche aujourd’hui la Cour Suprême de Justice de Colombie : commencée dans les années quatre-vingt, celle-ci a vu éliminé le parti politique des amis de la guérilla et a conduit à l’élection de l’homme de droite qu’est Uribe. Le travail de la CSJ a conduit 50 parlementaires en prison, accusés de s’être alliés avec ces groupes armés et d’avoir été élus au Congrès avec leur appui financier et politique.
Enlevée par les FARC en 2001, L’ancienne candidate à l’élection présidentielle subit les effets d’une captivité très dure dans une forêt inhospitalière avec des centaines de militaires et de policiers faits prisonniers dans les combats et de civils séquestrés parfois depuis dix ans. Pour une guérilla, apparue en 1964 et dont les effectifs sont de 12.000 personnes selon le gouvernement, le nombre de prisonniers est disproportionné et peut à peine s’expliquer par les manières d’opérer dans un territoire grand comme deux fois la France, dont la moitié est couverte de forêts et où se trouvent des pics de montagne élevés et d’immenses plaines. Vu la diversité du territoire, la culture de la coca et le stratégie de repliement de la guérilla, le gouvernement a été incapable de libérer les prisonniers et a échoué dans de nombreuses tentatives de libération, qui ont conduit à des assassinats ou des morts dans les échanges de tirs.
Depuis plus de trois ans plusieurs organisations humanitaires ont conseillé aux familles des séquestrés de demander un échange humanitaire de prisonniers. Tant le gouvernement et la guérilla s’y sont refusés et ont fait échouer ces tentatives lorsqu’elles étaient près d’aboutir. Des représentants diplomatiques de la France, de l’Espagne, de la Suisse, du Venezuela et d’autres pays ont prêté leur collaboration à ces tentatives ; les interventions les plus connues sont celles du président du Venezuela et de celui de la France. Pendant plusieurs semaines, se sont déroulées des conversations avec la guérilla qui semblaient prometteuses et à la veille d’une conclusion d’un accord d’échange, et à la veille du referendum constitutionnel vénézuélien, le président Uribe a mis fin à la médiation internationale.
La situation actuelle est plus ou moins semblable à celle du début, lorsque Ingrid est entrée dans le territoire de la guérilla et a échoué dans sa tentative de discussion avec ses dirigeants ; elle est devenue depuis 2002 leur principal otage.
Aujourd’hui qu’Ingrid Betancourt n’est pas candidate à la présidence et peut-être ne le sera jamais, il est sûr que les forces en présence craignent sa libération. Il ne fait aucun doute que si elle recouvrait la liberté, à la guerre civile qui dure depuis 60 ans devrait succéder un changement social profond. Et sans aucun doute, c’est pour cela que la vie de cette femme vaillante est en danger, comme l’a dit M. Sarkozy. Pour la psychiatrie, déchirée aussi par des conflits humains et techniques, elle peut devenir le symbole de la complexité des temps qui courent et de leur cruauté, dès lors que sa vie dépend d’intérêts politiques et économiques qui se jouent autour de sa situation.
Hay ocasiones en que la desdicha nos pone en contacto con lo más misterioso y sombrío de la condición humana y que el absurdo y la injusticia parecen llamarnos de modo desgarrador desde el fondo del drama de la existencia, pero pocas veces desafían tan clamorosamente nuestra indolencia como en el caso del secuestro de Ingrid Betancur. Una mujer joven, inteligente, sensible, llena de vida y decisión, empujada desde una cuna privilegiada a la encrucijada en que se encuentra hoy, pagando con seis años de sufrimiento y amenaza constante el destino que hizo cruzar su vida personal con la inescrutable desdicha de un pueblo.
El apasionado compromiso moral que la llevó a involucrarse definitivamente con su pueblo, el colombiano, y con la moral pública, puesto que francesa por nacimiento y educación, y bien premiada en Francia con una vida plena y exitosa en lo material y lo intelectual, su compromiso la lleva al borde mismo de pagar con su propia existencia el débil esfuerzo que los demás, franceses y colombianos hacemos por aliviar el dolor de un pueblo cruelmente sacrificado en el largo tiempo de lucha de guerrillas. Una vida tan promisoria como la suya, la lleva en un instante fatídico, y en encadenamientos misteriosos, a ser la víctima elegida de la tragedia colombiana y la candidata presidencial de pocas probabilidades se convierte en rehén de la guerrilla, situando a esta valiente mujer en el centro de la tragedia de un país el último medio siglo martirizado por un conflicto, que alcanza la dolorosa condición de una de las peores crisis humanitarias actuales, apenas conocido del mundo, cuando ni siquiera las instituciones internacionales diseñadas a mediados del siglo pasado a raíz de la experiencia del nazismo, parecen concebidas para aliviarlo.
En las dos últimas décadas del siglo pasado se registraron en Colombia varias decenas de miles de muertos y desaparecidos, miles de secuestros, torturas y detenciones masivas arbitrarias que, además trajeron como consecuencia una cruel expansión del cultivo y contrabando de la coca. En lo que va de éste, la situación antes que mejorar se ha visto complicada por la polarización del país entre amigos y enemigos de la guerrilla, entre defensores de un sistema que no logra aliviar la miseria de una cuarta parte de la población, ni ofrecer una esperanza a la pobreza de la mitad, y ante todo en el enfrentamiento de quienes quieren derrotar la guerrilla organizadora de secuestros y tomas campesinas de tierras y los defensores de ideales de cambio social.
Dicha división ha redundado en la popularidad del actual gobierno, elegido por amplia mayoría contra la guerrilla en 2002, y reelegido por casi igual mayoría en 2006. Igualmente, la de su política de Seguridad democrática, cuya distribución del presupuesto nacional hace que el 6.5 del PIB se emplee en la lucha armada contra la guerrilla ( en plena guerra de Irak, E. U. solo dedica a lo militar el 4 y la UE el 2), superando ampliamente el gasto en salud y educación, cuyo pobre nivel día por día empeora. Reflejo de esto es la cantidad de empleados públicos que trabajan en la defensa, policía y seguridad, que investigadores independientes calculan en 81.2 por ciento del total (1). Mientras los empleados nacionales que trabajan en tales renglones llegan a 459.687, son la abrumadora mayoría de un total de empleados nacionales de 566.084. Al mismo tiempo, a partir del comienzo de su gobierno, el presidente Uribe ha sostenido la política de que «en Colombia no hay un conflicto armado», para sostener una salvaguardia (que por cierto no abarca a los crímenes de Lesa Humanidad) a la injerencia de la Corte Penal Internacional, de la que el país, como firmante del protocolo inicial de Roma, hace parte.
Próximamente la CPI debe pronunciarse sobre varias demandas introducidas (una de las cuales es del autor de este artículo) referentes a más de 2.000 asesinatos cometidos a partir de 2002, por Paramilitares, como continuación de una cruel secuencia ahora investigada en Colombia por la Corte Suprema de Justicia, que comienza desde los años ochentas del siglo pasado, acaba con todo un partido político de amigos de la guerrilla, y sirvió efectivamente para la elección del derechista Uribe Vélez. En desarrollo de esta pesquisa, 50 parlamentarios están en la cárcel, acusados por el tribunal supremo de haberse aliado con tales grupos armados, y haber sido elegidos al Congreso con su apoyo financiero y político.
La excandidata presidencial Íngrid, cuyo comienzo como rehén de la guerrilla FARC se remonta a 2001, comparte con varios cientos de militares y policías presos en combate y de muchos particulares secuestrados, a veces hace diez años, el duro cautiverio en la inhóspita selva. Para una guerrilla, comenzada en 1964, y que, según el gobierno solo cuenta con 12.000 efectivos, la enorme cifra de prisioneros representa un desproporcionado operativo, que apenas se explica por la forma como se mueve en un territorio casi dos veces del tamaño de Francia, cuya mitad selvática cuenta con elevados picos montañosos y llanuras muy extensas. Dada la diversidad del territorio, al cultivo de coca y a una estrategia guerrillera de repliegue, el gobierno ha sido incapaz de liberar a los secuestrados y en múltiples rescates ha fracasado en cambio al intentar liberarlos vivos, implicando su asesinato o su muerte en el fuego cruzado.
Hace más de tres años varias organizaciones humanitarias han asesorado a los familiares de los secuestrados en el pedido de un intercambio humanitario de prisioneros, al que tanto el gobierno como la guerrilla han negado su colaboración efectiva, y uno y otra han hecho fracasar todo intento, cuando parecía muy cercano su éxito. Representantes diplomáticos de Francia, España, Suiza, Venezuela y otros países han prestado su colaboración a este propósito y el más conocido fue sin duda el de la participación personal del presidente venezolano y del respaldo del de Francia, Nicolás Sarkozy. Por varias semanas las conversaciones con la guerrilla parecieron exitosas, y sólo en vísperas de llevarse a término el acuerdo de canje, el presidente Uribe Vélez canceló la mediación internacional que avanzaba con éxito, en vísperas de un Referendo constitucional interno de Venezuela.
La situación actual es pues similar al comienzo, cuando Íngrid se internó en el territorio guerrillero y fracasó en su intento de conversar con los dirigentes subversivos, con los que en el año 2002 pasó a ser principal rehén de la guerrilla.
Ya hoy Betancur no es candidata presidencial, y quizás nunca lo será de nuevo. Pero es evidente que las fuerzas en pugna temen a su libertad más que a nadie. No hay duda de que si ella gozara de tal libertad, la guerra civil que se ha prolongado por seis décadas se vería forzada a transformarse en un cambio profundo de la vida social colombiana. Y esto sin duda hace que la vida de esta valiente mujer esté en inminente peligro, como ha dicho Nicolás Sarkozy. Para la psiquiatría, a su vez desgarrada por conflictos tecnológicos y humanísticos, ella bien puede ser un símbolo de la complejidad de los tiempos que corren, y de su cruel rudeza, si su vida depende de los intereses políticos y económicos que en su situación se juegan.
(1) ISAZA DELGADO J.F y CAMPOS ROMERO D., Algunas consideraciones sobre la evolución reciente del conflicto en Colombia.