On nous fait parvenir ce texte, et comme par les temps qui courent (vite) cette question du projet de Décret d’application et d’un projet d’Arrêté annexe qui le verrouille et fait régresser à son plus bas niveau, émeut les esprits éclairés et même les autres, nous prenons le parti de vous le livrer.
L’idée de solliciter la femme du Président manifeste l’usage d’une réthorique du pouvoir qui montre que les temps changent et que la politique revêt des formes sur lesquelles il n’est pas interdit de s’interroger. Autant disposer en tout cas de l’information, voici une seconde raison d’éditer.
Psychologies magazine représente un pouvoir de diffusion médiatique en rapport avec le projet Servan-Schreiber d’en faire un féminin à grand tirage, ce qui représente une évaluation intéressante de l’évolution des mentalités et habitudes dans notre pays, qu’on voit s’infléchir nettement vers la nébuleuse psy.
En clair ce qui pourrait devenir le psychothérapisme indique que les français(es) s’intéressent à la chose psy, d’où la montée en puissance des conflits et enjeux dans le cadre du Carré psy et au-delà, et les tentatives d’enlèvement au sérail de la belle psychothérapie — relationnelle s’entend. Surtout du label psychothérapeute, pour qui tenir le mot équivaut à détenir la chose.
Le texte que nous vous soumettons délivre un développement prudent, dans lequel on voit se déployer médiatiquement avec prudence un coup de projecteur sur le porteur politique du symptôme, Bernard Accoyer, dont le système de pensée mérite qu’on n’oublie pas de le repérer.
Lisez et développez votre sens critique. Il s’agit d’une crise de société, par conséquent de longue durée. Le feu de l’événement c’est une chose. La victoire à terme, en dépit d’apparences de surface immédiates, de la psychothérapie relationnelle et de la psychanalyse, et leur alliance humaniste, sont possibles, à condition de ne jamais baisser les bras. On peut compter sur nous pour cela. Jamais nous ne laisserons, pas plus que la démocratie, entamer ces deux institutions psycho culturelles indissociables d’elle. La France ne saurait devenir le pays de la psychothérapie d’État. Il faut pour cela à ceux qui pensent pouvoir surveiller l’inconscient, veiller. Avec l’aide de tous, première et ordinaires dames comprises, nous n’y manquerons pas.
Philippe Grauer
Vous pourrez lire ci-dessous une lettre de Karim Saroub à la première dame de France et un entretien bien intéressant réalisé par Psychologie magazine en janvier 2008.
Karim Saroub
Au mois de janvier dernier, vous avez accordé une interview au magazine Psychologie Magazine. En voici quelques extraits :
Psychologie Magazine :
Que pensez-vous de la psychanalyse ?
Carla Bruni :
C’est la découverte du siècle ! Tout le monde devrait faire une analyse… Malheureusement, il y aura toujours des gens qui n’auront pas envie de se sentir mieux. La psychanalyse est une partie essentielle de ma vie. Je suis une « absolue pratiquante. »
Psychologie Magazine :
C’est parce que vous souffriez que vous avez commencé une analyse ?
Carla Bruni : C’est parce que la vie est douloureuse, vivre est douloureux, la condition d’être humain est douloureuse. Même être un chat, c’est peut-être douloureux. La psychanalyse permet d’accepter la réalité de la vie, donc la douleur. Savez-vous pourquoi les enfants sont plus désagréables avec leur mère qu’avec leur père ? Parce qu’ils lui reprochent de leur avoir donné la vie. Etre mortel, c’est extrêmement violent. Cioran le disait très bien : « Être né, c’est un inconvénient. »
Psychologie Magazine : Essayez de vous projeter dans dix ans. Quelle vie rêveriez-vous d’avoir ?
Carla Bruni : Dans dix ans ? Je rêverais d’être psychanalyste. Je n’en suis pas encore là, c’est un long travail, mais je pense que c’est le monde le plus intéressant que l’on ait à notre portée.
Vous vouliez peut-être dire, comme Lacan : « qu’être psychanalyste, ou entreprendre une analyse, c’est simplement ouvrir les yeux sur cette triste évidence qu’il n’y a rien de plus cafouilleux que la réalité humaine. »
Mais aujourd’hui, vous n’êtes pas psychanalyste. Vous êtes non seulement la première dame de France, mais surtout une artiste. Et on a besoin de vous. Il y a urgence, Madame la Présidente, car ça cafouille encore, dans tous les sens. Cinq ans sont passés entre la rédaction de cet amendement et son éventuelle application en catimini le mois prochain. Et trois ans seulement depuis la parution du Livre noir de la psychanalyse…
En 2003, Bernard Accoyer, ancien médecin oto-rhino-laryngologiste, aujourd’hui président de l’Assemblée Nationale, présente un amendement réglementant la profession de psychothérapeute, qui est approuvé par l’Assemblée Nationale. Et depuis, ce décret est en attente de publication.
Un oto-rhino-laryngologiste qui veut réglementer la profession de psychothérapeutes, pourquoi pas, mais il n’y a qu’en France où on peut vivre ça. Pourquoi donc Bernard Accoyer s’est penché sur ce dossier ? Mystère. L’intention est louable. C’est assurément parce qu’il doit être un type bon, sincère, comme beaucoup de ses collègues. Mais ce n’est pas un homme politique au-dessus de tout soupçon, qui voulait simplement combler un vide juridique.
Avant de l’accabler, devant vous, soyons directs et disons tout. C’est-à-dire même là où il a raison, là où ça dérange. On peut avancer par exemple que c’est quelqu’un qui a surtout pris conscience (et connaissance), à juste titre, qu’il y a autant de thérapies que de thérapeutes, que beaucoup de « psys » sont plus malades que leurs patients, qu’il y a une galaxie d’Écoles qui drainent des « psys » souvent psychotiques, peu formés, voire pas formés du tout. Tout cela est bien vrai, hélas, et quelqu’un a dû le lui souffler, sinon il n’aurait pas déclenché tout ça Monsieur le député. Il a eu donc raison de se pencher sur ce dossier. Mais il l’a fait très naïvement et avec beaucoup de maladresse, car comme vous l’avez, vous, compris, on ne légifère pas sur l’Inconscient. Mais comment le lui faire comprendre ?
On avait déjà eu beaucoup de peine à lui expliquer que les homosexuels étaient des gens normaux, lorsqu’il tenait des propos homophobes des plus caricaturaux, en déclarant :
« L’État a naturellement vocation à privilégier les couples hétérosexuels, mariés ou non, qui seuls peuvent assurer le renouvellement des générations. L’État n’a évidemment pas le même devoir envers les couples homosexuels et les personnes isolées mais certains lobbies sont manifestement plus influents auprès de l’actuelle majorité que d’autres ». Quels lobbies ? Le Marais (1)?
« Dans un couple homosexuel, il y a toujours un dominant et un dominé »
Bernard Accoyer.
Tout cela vient d’un seul homme, qui est aujourd’hui le quatrième personnage de l’État, et qui détient à lui tout seul la palme des amendements les plus infâmes : fixation d’âge minimum des contractants d’un PACS à 21 ans ; l’obligation d’un délai de 5 ans entre la signature de deux PACS ; interdiction de la signature d’un PACS aux étrangers en situation irrégulière ; encore une interdiction aux personnes de même sexe ayant adopté.
Le plus surprenant, c’est que ce médecin oto-rhino-laryngologiste, a été nommé, en septembre 1996, secrétaire national chargé des questions de santé. Il est (ou était) président du Groupe d’études parlementaires sur le Sida, et est (ou était) également vice président du groupe d’études parlementaire sur les handicapés !
Souvenons-nous également de ses déclarations dans les colonnes du Figaro, quand il déclarait : « Avant tout, nous voulons que soient mises en évidence les difficultés des familles qui choisissent d’avoir des enfants », et d’ajouter que « la question des couples homosexuels qui désirent adopter ne rentre pas, à (son) sens, dans le cadre de cette mission. »
En plus de ses dérapages, ce député s’est permis de signer la pétition homophobe de Michel Pinton.
Et depuis cet amendement, Madame la Présidente, les cognitivistes et les tenants des TCC (thérapies cognitivo-comportementales), ces spécialistes à l’origine d’une virulente compagne anti psychanalyse (Le Livre noir de la psychanalyse) se sont déchaînés et sablent aujourd’hui le champagne.
À ceux qui l’ignorent encore, les TCC, ce sont des thérapies qui ont pour curieuse particularité de s’attaquer aux problèmes du patient par des exercices pratiques : vous avez peur de l’araignée ? On va vous soigner en vous forçant à toucher une araignée. Peur de l’ascenseur ? On va vous faire un truc que vous n’allez jamais croire. Grâce à notre méthodologie simple bien qu’un peu contraignante, vous allez tout piger. Et ensuite guérir, cela va de soi.
Ce décret (en attente de publication), est désormais inscrit dans l’article 52 de la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique (JO n° 185 du 11 août 2004 page 14277). Et il va ressurgir au mois d’août, en pleine canicule.
Il ne nous reste plus qu’à espérer que vous, qui êtes aujourd’hui la première dame de France, et qui en savez quelque chose, se joigne à nous pour signer la pétition.
Entre-temps, la profession s’est saisie du dossier pour dire non à des théories du psychisme imposées par l’État, non à une formation au rabais des psychothérapeutes qui menace l’intérêt des patients. Les indignations et les dénonciations des psychanalystes et psychothérapeutes, ainsi qu’un grand nombre de chercheurs, de médecins, d’artistes et d’intellectuels, n’ont servi à rien, puisque « quelque chose » se prépare en douce pour ce mois d’août. Il faut dire à cette belle qui a oublié d’être bête et qui a dit tant de bien de la psychanalyse, qu’elle signe la pétition et qu’elle vienne se joindre à nous, car on a besoin d’elle.