Comment le patient qui souhaite faire une psychothérapie peut-il s’y retrouver dans la jungle des psys en France? La prise en charge de la maladie mentale est en général dévolue aux psychiatres. Ceux-ci proposent parfois, en complément d’un éventuel traitement médicamenteux, une psychothérapie. Certaines personnes en souffrance ne veulent pas médicaliser leur prise en charge et optent directement pour la psychanalyse ou la psychothérapie. Cette dernière est définie comme «la thérapie par la parole, selon le psychanalyste Serge Tisseron. Elle est faite pour repérer ses défaillances, dissocier le passé du présent, faire la part de son éducation dans les difficultés que l’on rencontre». Par ailleurs, il existe toute une gamme de thérapies à visée psychologique, avec une approche et des objectifs variés.
Jusqu’à présent, n’importe qui pouvait prétendre au titre de psychothérapeute. Ce qui explique pourquoi cette discipline n’avait pas très bonne presse auprès des pouvoirs publics et une certaine partie de l’opinion, notamment depuis le suicide collectif du groupe sectaire de l’Ordre du temple solaire dans le Vercors en 1995. «Tout est parti de cette histoire et du fait que le leader de cette secte était un psychothérapeute», explique le psychanalyste Jacques Sédat. C’est la raison pour laquelle le député maire d’Annecy, le Dr Bernard Accoyer, aujourd’hui président de l’Assemblée nationale, avait proposé de réglementer la profession de psychothérapeute à la fin des années 1990.
En mai 2010, soit onze ans plus tard, paraissait au Journal officiel un décret réglementant la profession. «C’est une avancée considérable pour le droit des malades, le droit à l’information pour ceux qui ont recours à des psychothérapeutes. Il y a un nombre très important de psychothérapeutes autoproclamés qui n’ont strictement aucun diplôme, aucune garantie de la moindre compétence. Leurs victimes sont malheureusement extrêmement nombreuses», avait alors déclaré Bernard Accoyer. Désormais, tous ceux qui désirent utiliser le titre doivent être inscrits sur un registre départemental. Ce dernier est à la disposition des patients. Pour y figurer, il faut avoir un diplôme de niveau master en psychologie ou en psychanalyse et il sera obligatoire d’avoir suivi une formation en psychopathologie clinique d’au minimum 400 heures, délivrée dans un établissement public (ou privé agréé) et d’avoir effectué un stage pratique d’une durée minimale de cinq mois.
Seuls les psychiatres sont dispensés de cette formation, cette dernière étant normalement incluse dans leur cursus initial. Ils pourront s’inscrire automatiquement sur le registre. Pour les psychologues et les psychanalystes déjà installés et qui souhaitent s’inscrire, la donne est différente. Les psychologues devront suivre deux mois de stage et 150 heures de formation théorique pour les cliniciens et 300 heures pour les non-cliniciens. Quand aux psychanalystes, ils devront valider 200 heures de formation et deux mois de stage pour utiliser le titre de psychothérapeute. «Il est important que les psychothérapeutes soient formés sur l’aspect clinique», plaide le Pr Jean-Pierre Olié, chef de service à l’hôpital Sainte-Anne (Paris), qui juge cette réglementation «insuffisante».
Mais certains psychothérapeutes ont trouvé le moyen de contourner la loi. «Il suffit de dire que l’on est “psy-praticien” ou “psycho-praticien relationnel” pour échapper à la règle, déplore Jacques Sédat. En résumé, on peut s’autoproclamer membre d’une profession qui n’existe pas!» Un détournement sémantique intéressant pour une discipline qui se présente comme la thérapie par la parole… Jean-Pierre Olié estime que des infirmiers, des éducateurs, des travailleurs sociaux ainsi que des historiens et des sociologues ne manqueront pas de devenir psychothérapeutes.
Le psychanalyste Serge Tisseron voit surtout derrière cet encadrement législatif une «préparation à l’évolution de la santé en règle générale et de la santé mentale en particulier qui va devenir de plus en plus épidémiologique et statistique». Pour lui, les psychothérapeutes viendront combler les rangs des psychiatres de moins en moins nombreux. Sans compter que cette raréfaction des médecins psychiatres aboutira à leur hyperspécialisation. Mais croire que seul le diplôme est le garant de la compétence serait illusoire. «On peut être chirurgien et charlatan», résume Jacques Sédat.
Une chose est sûre, il est difficile de s’y retrouver. D’autant qu’il existe quasiment autant de sortes de psychothérapies (d’inspiration psychanalytique, comportementales, corporelles, etc.) que de psychothérapeutes. Pour ceux qui cherchent une approche impliquant essentiellement la parole, le meilleur conseil est d’aller voir un professionnel pouvant faire un diagnostic et capable de discuter les indications (et contre-indications) thérapeutiques. Et bien sûr, de vérifier qu’il est bien inscrit sur les registres des agences régionales de santé.