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9 janvier 2009

jeux vidéo

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7 janvier 2009 A Paris, les enfants ne s’amusent pas…
 » L’addiction aux jeux vidéo est rare « 

La nuit, les parents doivent maîtriser l’accès des enfants à Internet et aux jeux. EMMANUEL PIERROT/AGENCE VU
Le psychiatre Serge Tisseron rassure les parents des adolescents adeptes de ce  » nouveau rituel d’image « 

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Parmi les cadeaux les plus offerts aux enfants et aux adolescents à Noël : les jeux vidéo. Pourtant, les parents s’inquiètent de leur usage intensif. Psychiatre et psychanalyste, Serge Tisseron fait la part des choses dans un ouvrage récent intitulé Qui a peur des jeux vidéo ?

Vous considérez que les jeux vidéo comportent des aspects positifs. Quels sont-ils ?

Comme tous les jeux, ils suscitent du plaisir, celui de remporter des épreuves, de découvrir des univers esthétiques et de mettre les joueurs en compétition. Ils permettent aux enfants d’exprimer symboliquement leur agressivité, de mettre en scène leurs angoisses d’abandon, de mort ou encore d’enfermement, de se familiariser avec elles et de les dépasser.

Grâce à leurs avatars – les personnages qui les représentent dans le jeu -, enfants et adolescents peuvent aussi mettre en scène leur conflit conscient ou inconscient avec leurs proches, parents, fratrie, personnages de la saga familiale qu’ils n’ont pas forcément connus, ainsi que les histoires d’amour dont ils rêvent. C’est une manière de prendre du recul sur leur monde intérieur en le rendant visible. Ils peuvent, davantage que par le cinéma ou la télévision, être spectateur de leurs propres représentations et vivre des aventures ou créer des espaces au plus près de ce qu’ils ont en tête. Ces jeux présentent également l’avantage de favoriser la communication et la socialisation, principalement avec les jeux en réseau. Pour avancer, il faut faire des alliances, agir en équipe.

L’usage des jeux vidéo peut-il aider les enfants à passer la fameuse crise d’adolescence ?

Les adolescents ont besoin de rituels initiatiques pour entrer dans le monde adulte or ceux-ci ont quasiment disparu. Les jeux vidéo présentent l’avantage de créer de nouveaux rituels d’image. Ces rituels de passage d’un niveau à un autre suscitent une reconnaissance de la part des autres joueurs mais devraient être davantage reconnus par les adultes.

Ce sont également des espaces très gratifiants qui peuvent renforcer l’estime de soi. A force de persévérance, il est toujours possible de devenir performant. Mais cet aspect gratifiant est à double tranchant, car il risque d’attacher les jeunes aux jeux vidéo.

Au-delà de ces aspects positifs, quels sont les risques que présentent ces jeux ?

Il faut dire aux parents de ne pas paniquer. Beaucoup sont terrifiés par la violence de certains jeux. Mais rien ne montre à ce jour qu’elle soit plus problématique que celle véhiculée par la télévision ou le cinéma. En revanche, les parents doivent être attentifs aux normes. Le système de classification par âge PEGI (Pan European Game Information, système européen d’information sur les jeux) leur permet de prendre des décisions éclairées lors de l’achat de jeux vidéo.

Je vois beaucoup d’enfants de 12-13 ans jouer à Grand Theft Auto réservé aux 18 ans et plus. C’est un vrai problème. Quant au risque de repli sur soi des joueurs, souvent mis en avant par les parents, il ne faut pas confondre la cause et la conséquence. C’est parce qu’ils éprouvent le besoin de se replier sur eux-mêmes que les jeunes sont conduits à jouer de manière excessive. Il faut s’interroger sur les raisons qui les poussent à de tels comportements. Je vois beaucoup de jeunes jouer à l’excès à l’occasion de la séparation de leurs parents ou à la survenue d’un décès, voire pour trouver un refuge face à une maltraitance scolaire.

On parle beaucoup d’addiction aux jeux vidéo. Est-ce justifié ?

Je préfère parler de joueur excessif que d’addiction. L’addiction aux jeux vidéo est un phénomène rare. Il concerne surtout les jeunes adultes. Il faut éviter de coller l’étiquette  » addiction  » à un ado. A l’adolescence, tout est flottant, rien n’est jamais fixé. Il n’est pas rare de voir des joueurs très excessifs en troisième et seconde qui ne le sont plus en première ou en terminale.

Par ailleurs, des études récentes ont montré que les zones cérébrales qui permettent de contrôler les impulsions n’arrivent à maturité qu’en fin d’adolescence. Néanmoins, les parents doivent sérieusement s’inquiéter quand les résultats scolaires de leur enfant baissent ou quand les activités de loisirs et parascolaires se réduisent fortement.

Comment aider un jeune à ne pas devenir accro ?

Il est primordial de limiter le temps d’écran – en incluant télévision, ordinateur, console, DS, PSP… A partir de la fin de l’école primaire, on peut fixer un contrat annuel avec l’enfant, renégociable en fonction des résultats scolaires. Il faut aussi empêcher les adolescents de jouer la nuit, soit en plaçant l’ordinateur dans une partie commune de la maison, soit en contrôlant la connexion Internet sans fil à partir de la chambre des parents. Enfin, ceux-ci doivent s’efforcer d’être les interlocuteurs privilégiés de leurs enfants afin qu’ils leur racontent leur jeu ou l’histoire de leur avatar.

Certains jeux rendent plus dépendants que d’autres. Il faut préférer ceux dans lesquels il y a une narration forte plutôt que les jeux compulsifs, répétitifs. Les jeux en réseau, comme World of Warcraft, sont particulièrement préoccupants. Chaque nouvelle épreuve remportée permet d’avoir accès à une épreuve plus intéressante et à des univers plus esthétiques. Le jeu ne s’arrête jamais. Il faut bien sûr mener une prévention auprès des jeunes mais aussi une bataille pour que les fabricants fassent des jeux moins addictifs.

Propos recueillis par Martine Laronche

Qui a peur des jeux vidéo ?

(Ed. Albin Michel, 2008, 162 p. 13,90 ¤.)

© Le Monde

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