Par Philippe Grauer
L’état actuel des connaissances milite selon nous pour une théorie multifactorielle et une pratique intégrative.
La thèse de Bertrand Jordan permet de s’en tenir à cette philosophie. si en plus d’éléments génétiques difficilement assignables actuellement, on trouve dans l’autisme des « éléments biologiques autres que génétiques, des éléments de mode de vie, des éléments d’environnement familial », on peut en toute humilité laisser tout le monde travailler au chantier, puisqu’il requiert, visiblement toutes les compétences.
Mais depuis Betthelheim la question de l’autisme est un enjeu de taille à propos duquel on assiste au déchaînement de violences considérables. Alors, guerre de l’autisme depuis les années 60, ou bataille de l’autisme en France, succédant dans l’entreprise de destruction de la puissance psychanalytique en France à la bataille des charlatans ? Si l’on prend un peu de recul, c’est la lutte idéologique dans le champ de la psychothérapie entre comportementalisme et humanisme qui se poursuit, depuis les années 50.
Et dans le camp, ou champ, humaniste, de la dynamique de subjectivation, intégrer la psychanalyse quoi qu’elle en dise.
Par David Simard
Des associations de parents d’enfants autistes, des personnes autistes elles-mêmes, ainsi que des scientifiques, affirment que l’autisme est biologique. Cette affirmation s’inscrit dans le cadre d’une joute contre la psychanalyse, accusée de rendre responsables et coupables les parents, et plus spécialement les mères, de l’autisme de leurs enfants.
Cette polémique rend difficilement audibles des discours argumentés, notamment sur la question de la dimension biologique de l’autisme, considérée comme acquise. Or, rien n’est si avéré en la matière.
La question de savoir si l’autisme est biologique requiert de s’interroger sur ce qui est entendu par « est ». S’agit-il de dire que la cause unique de l’autisme, ce que l’on appelle l’étiologie, est biologique – et plus spécialement génétique ? Ou bien que dans les cas d’autistes étudiés avec l’œil du généticien, on a trouvé des marqueurs biologiques ? La nuance peut sembler subtile, voire inexistante, elle est pourtant de taille.
En effet, identifier des marqueurs génétiques chez des personnes diagnostiquées comme autistes ne suffit pas à établir que ces gènes sont la cause de l’autisme de ces personnes, et encore moins la cause unique. Cela peut indiquer par exemple une prédisposition supérieure par rapport à des personnes pour lesquelles on ne trouve pas ces marqueurs génétiques, mais dont le déclenchement dépendra d’éléments extérieurs à ces gènes, qui peuvent être des éléments biologiques autres que génétiques, des éléments de mode de vie, des éléments d’environnement familial.
La question est donc celle-ci : est-il scientifiquement établi que l’autisme a pour cause unique des gènes ? Pour tenter de répondre à cette question, la lecture du livre Autisme, le gène introuvable. De la science au business, Seuil, 2012, du biologiste moléculaire et directeur de recherches émérite au CNRS Bertrand Jordan, est instructive.
Il présente en effet plusieurs avantages. Tout d’abord, eu égard à la polémique contre la psychanalyse, il n’est pas négligeable de pouvoir se référer à un biologiste, tel Bertrand Jordan, qui rejette le recours à la psychanalyse dans la prise en charge des personnes autistes. Cela permet d’éviter de le soupçonner de construire un discours sur le plan de la génétique qui ait pour fin de soutenir les approches psychanalytiques.
Voici le dernier commentaire de Bertand Jordan sous l’article d’Élisabeth Roudinesco [?]
« Je suis l’auteur du livre Autisme, le gène introuvable, » cité par Élisabeth Roudinesco. Elle n’a pas dû le lire bien attentivement, car j’y présente les données scientifiques qui montrent que l’autisme présente une très forte composante génétique (en gros, le fait que les vrais jumeaux sont « concordants » à 80%, c.a.d. que si l’un est autiste l’autre l’est presque toujours lui aussi, alors que les faux jumeaux ne sont concordants qu’à 10% – dans les deux cas les deux jumeaux naissent et sont élevés ensemble, mais seuls les vrais jumeaux portent exactement le même jeu de gènes).
Si un diagnostic génétique est actuellement impossible, c’est parce qu’il n’y a pas un seul gène, mais des dizaines et peut-être des centaines de gènes dont certains variants augmentent le risque d’autisme, c’est donc difficile à éclaircir et c’est encore plus difficile d’en tirer un test viable. Le gène de l’autisme est introuvable, non parce que l’autisme n’est pas génétique (il l’est majoritairement) mais parce qu’il y a beaucoup de gènes impliqués. J’espère que cette brève explication est claire, sinon vous pouvez toujours acheter mon livre (Ed. du Seuil, janvier 2012) :+) ! »