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14 septembre 2005

La psychanalyse a besoin de débats, pas d’injures ni de calomnies Claude HALMOS

Claude HALMOS

La semaine dernière dans ces colonnes, l’un de ses auteurs faisait l’éloge d’un ouvrage, Le livre noir de la psychanalyse, annoncé comme un bilan critique de cette discipline.

On pourrait donc s’attendre à ce que la psychanalyste que je suis lui réponde. Je ne le ferai pas. Car j’ai — avec stupeur et indignation — découvert, en le lisant, que ce livre ne relève pas de la confrontation d’idées susceptible d’enrichir le débat, si utile dans nos professions.

C’est un assemblage de « révélations » hétéroclites (tirées pour la plupart d’articles et de livres parus — notamment aux USA — il y a dix ans). Et utilisant dans un style que ne désavouerait pas la pire des presses à scandale, l’injure et la calomnie, cet ouvrage prétend ouvrir les yeux d’un public français décrit comme particulièrement crédule.

Selon les auteurs en effet ce public serait encore (alors que le reste du monde ne le serait plus) victime d’un mouvement psychanalytique présenté comme une secte. Secte composé d’individus — les psychanalystes — aussi âpres au gain qu’incompétents et dépourvus de toute formation. Fidèles en cela à leur maître et gourou, Sigmund Freud. Lequel aurait été un « escroc », un charlatan. Un « habile publiciste » qui aurait présenté comme sienne une théorie empruntée à d’autres. Dans le but d’appâter des patients, dont seule fortune l’intéressait ; qu’il fournissait en cocaïne, et dont — qui dit mieux ? — il détournait les héritages …

La psychanalyse est accusée (évidemment sans aucune preuve), d’avoir, en s’opposant aux produits de substitution, causé la mort de milliers de toxicomanes ; d’avoir par le biais de Françoise Dolto, détruit la famille, etc.

 » L’opération, on le voit, est aussi sérieuse que celle qui consisterait à affirmer que Pierre et Marie curie avaient subtilisé au concierge de leur immeuble la formule du radium. Ou qu’Einstein avait trouvé la théorie de la relativité dans le sac qu’il avait arraché à une vieille dame. On pourrait donc se contenter d’en rire. Je crois que l’on aurait tort. Car, pour ma part, ce livre m’a fait peur.

Je pense en effet — comme beaucoup d’autres — que le débat intellectuel suppose une rigueur, une honnêteté dans les propos et un respect de l’adversaire. Je pense qu’il se situe à l’intérieur de limites qui sont celles d’une éthique. Et qu’il est à ce titre l’une des composantes de la démocratie. On ne peut donc sans risque franchir ces limites. Et, faute sans doute d’arguments à lui opposer, s’autoriser à sonner — pour s’en débarrasser — contre l’autre l’hallali.

Ce livre est un exemple. Un exemple de ce qu’il ne faudrait jamais faire.