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12 mai 2006

L’AFFOP positionnée Jean-Michel Fourcade

Jean-Michel Fourcade

Monsieur le Ministre,

Ainsi que j’ai eu le plaisir de vous le dire lors de la réunion du 7 avril, nous vous savons gré d’avoir accompli le courageux arbitrage entre les demandes contradictoires des professionnels de la psychothérapie que constitue la nouvelle proposition de décret que vous nous avez communiquée.

Une des causes de ces demandes contradictoires, ainsi que je vous l’avais exposé dans la « Note sur la psychothérapie libérale en France » que je vous avais remise le 7 janvier 2006, tient au fait que les psychothérapies appartiennent à deux grandes familles, les psychothérapies prescriptives d’une part, les psychothérapie relationnelles et la psychanalyse d’autre part, pour lesquelles les cadres épistémologiques de création du savoir, la pratique clinique, les modes de formation des professionnels et d’évaluation de leur travail sont radicalement différents. Les intérêts corporatistes en jeu compliquent encore davantage les différences scientifiques fondamentales.

Aussi n’est-il pas étonnant que ce dialogue de sourds apparent – même chez les professionnels de l’écoute — se poursuive, aussi bien en ce qui concernait la rédaction précédente du décret que celle-ci, sur des points importants tels que le contenu, la durée, les formes de transmission du savoir pour la formation à la psychopathologie théorique et clinique demandée par l’article 52 de la loi 2004-806.

La précédente rédaction du décret, qui permettait à l’université de contrôler la totalité de la formation des psychothérapeutes, créait un master de psychopathologie qui aurait eu pour effet de rendre très difficile la formation aux psychothérapie relationnelles et d’accentuer la médicalisation de la psychothérapie.

Le grand mérite de la nouvelle rédaction est d’avoir pris en compte ce que les psychothérapies relationnelles affirment pour ce qui les concerne : la psychopathologie théorique et clinique 1) dans son contenu théorique n’est qu’une partie limitée de la formation à la psychothérapie relationnelle, 2) dans sa mise en oeuvre clinique – beaucoup plus longue en durée – dépend de la famille psychothérapique dans laquelle elle est développée.

La proposition que vous nous avez faite de 150 heures de cours théoriques et de quatre mois de stages dans des institutions hospitalières à pathologies lourdes est suffisante pour des étudiants en psychothérapie relationnelle. Bien sûr, un prétendant au titre légal de psychothérapeute ne pourra se dire psychothérapeute relationnel que s’il répond en plus aux cinq critères que cette profession a formalisés — pour mémoire : un travail psychothérapeutique personnel approfondi, une formation de haut niveau théorique et expérientielle à la psychothérapie relationnelle dans une ou plusieurs méthodes ou disciplines, une supervision continue, l’adhésion à un code de déontologie, la reconnaissance par des pairs.

Mon éminent collègue, le Professeur PY prétend dans la lettre ouverte qu’il vous adresse que les formations données par les instituts privés sont insuffisantes et que les psychologues reçoivent des patients mal accompagnés par des psychothérapeutes insuffisamment formés. Nous pouvons arguer en ce qui nous concerne de l’expérience inverse de patient déçus par un parcours auprès de psychologues et de psychiatres non formés à la psychothérapie relationnelle à qui leur titre universitaire permet de croire qu’ils peuvent conduire toutes sortes de psychothérapies. Cette autorité du diplôme universitaire leur confère a priori un crédit non fondé vis-à-vis de patients qui ignorent leur degré d’incompétence, ce qui est éthiquement et méthodologiquement inadmissible. S’opposent à ce système les plus expérimentés et les plus lucides des praticiens issus de la psychiatrie et de la psychologie résolus à se démarquer de ceux de leurs confrères qui malmènent et médicalisent à outrance des patients qui ont besoin d’un accompagnement psychologique, des praticiens qui connaissent la complexité du psychisme pas seulement par des cours et des stages.

Si une garantie supplémentaire doit être donnée au public — ce à quoi nos organisations professionnelles se sont attachées depuis bientôt trente ans — nous trouverions légitime que le décret confie à nos organisations la même responsabilité que la loi donne aux associations de psychanalystes qui nous ont inspiré un nombre important de nos règles. Cela correspondrait à la reconnaissance publique que votre prédécesseur avait faite de l’existence de bonnes écoles privées de formation et de bons psychothérapeutes ni médecins, ni psychologues, ni psychanalystes. Cela aurait de plus l’avantage de ne plus pousser les psychothérapeutes – parmi lesquels nombreux sont ceux qui ont une formation de psychanalystes mais qui ont choisi d’exercer leur métier autrement – à ajouter le titre de psychanalyste au leur.

Aussi nous souhaitons que vous n’étendiez pas aux psychothérapies relationnelles la demande renouvelée de nos collègues psychiatres et psychologues de revenir à un master qui ne correspond qu’à la formation aux psychothérapies prescriptives. Notre analyse de cette demande formulée par une partie des psychanalystes est que ces derniers qui sont en fait psychologues ou psychiatres comptent ainsi faire jouer à l’université le rôle de verrou pour les psychothérapeutes non psychanalystes, non psychologues et non médecins. Or, vous le savez, ce n’est pas dans le cadre de l’université que l’on peut former des psychanalystes et des psychothérapeutes relationnels.

Par ailleurs, l’actuelle proposition de décret ne reprend pas, ce qui nous semble le fragiliser vis à vis des mises en cause possibles devant le Conseil d’État, l’exigence contenue dans la loi que la formation en psychopathologie théorique et clinique soit remplie par l’ensemble des catégories professionnelles mentionnées par l’article 52 – médecins, psychologues, psychanalystes — désirant utiliser le titre légal de psychothérapeute, exigence bien légitime si leur formation ne concernait pas la psychothérapie : médecins généralistes, O.R.L, psychologue du travail, etc.

Nous souhaitons donc que les articles 2, 3 et 6 de votre proposition soient modifiés à la fois pour tenir compte de cette exigence de la loi, et pour en libérer les psychanalystes et les psychothérapeutes non inscrits de droit. Nous vous prions de trouver en pièce jointe le texte que nous vous proposons.

L’AFFOP continue de penser que la discrimination entre les inscrits de droit et les non inscrits de droit telle que la loi l’a organisée va à l’encontre de l’accueil légitime de la psychanalyse et de la psychothérapie relationnelle dans notre état de droit, et maintient pour cette raison sa première demande d’abrogation ou de suspension de l’article 52. Cependant, reconnaissant le progrès considérable que la nouvelle rédaction du décret représente pour l’existence et la transmission de la psychothérapie relationnelle, elle soutient les aménagements que vous proposez dans cette rédaction du décret, tant sur le plan de la formation à la psychopathologie théorique et clinique que sur les clauses concernant les mesures provisoires. Elle espère que la mise en oeuvre de ce décret se fera dans le respect des diverses professions de psychothérapeutes, contrairement à ce qui s’était produit en son temps pour l’homologation au titre de psychologue, en particuliers dans la rédaction des arrêtés qui fixeront les mesures concrètes d’inscription sur les listes départementales.

Nous ne manquerons pas d’informer nos confrères et la presse de notre soutien à votre action, de nos remarques ainsi que de nos demandes et souhaitons que la presse fasse aussi écho de nos positions.

Nous restons à votre disposition et à celle de votre Cabinet, Monsieur le Ministre, pour tout avis que vous nous ferez l’honneur de nous demander et vous prions de recevoir l’assurance de nos sentiments très respectueux.

Paris, le 24 avril 2006

Jean-Michel FOURCADE, Président de l’AFFOP