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28 janvier 2011

Le comportementalisme prend les traits de la Joconde Martine Laronche

Martine Laronche

Le livre du jour

Comportementalisme à visage humain

Les psys aussi sont construits sur des failles. Descendant de leur piédestal, une vingtaine de thérapeutes confient les difficultés qu’ils ont eues à affronter et comment ils les ont surmontées. Ils livrent leurs techniques pour dépasser les épreuves qu’ils ont subies, s’apaiser, s’affirmer et vivre en accord avec leurs valeurs.

Rassemblées à l’initiative de Christophe André, psychiatre à l’hôpital Sainte-Anne, à Paris, et fervent promoteur des thérapies cognitives et comportementales, ces confessions ont valeur d’exemples. « Les thérapeutes de ce livre ne se présentent pas comme des modèles à admirer ; plutôt comme des modèles dont s’inspirer : faillibles, fragiles, mais qui ont mis en pratique les efforts qu’ils recommandent. Plus émouvants et plus motivants, donc », explique-t-il.

Certains témoignages évoquent des difficultés assez répandues comme l’anxiété ou la déprime. D’autres des épreuves bouleversantes comme la maltraitance, la toxicomanie, le harcèlement au travail.

« L’héroïne, c’était tout simplement la manière la plus efficace que j’avais trouvée de mener ma lutte intérieure », confie Benjamin Schoendorff, l’un des pionniers de l’introduction de la thérapie d’acceptation et d’engagement en France. « Fils d’un père maltraitant, je suis devenu un père affectueux ; très attiré par le terrorisme politique lorsque j’étais adolescent, je suis devenu partisan de la non-violence à partir de 18 ans, à la suite de ma conversion au christianisme », raconte Jacques Lecomte, psychologue. « La meilleure stratégie que j’ai choisie pour ne pas ressentir l’angoisse de la mort est d’augmenter l’estime de soi », confie le professeur Gilbert Lagrue.

Cette révélation de soi n’a rien d’évident. Elle est aux antipodes de la psychanalyse où l’engagement du thérapeute repose sur le principe de la neutralité bienveillante. Une démarche cohérente avec la manière dont fonctionne la cure psychanalytique. Mais pas les thérapies cognitivo-comportementales (TCC) fondées sur des techniques reproductibles. Ces thérapies cherchent à débarrasser le patient d’un symptôme, alors que, pour les psychanalystes, le symptôme n’est que le point d’appel de conflits inconscients.

Apparue dans les années 1960, la première vague des TCC était centrée sur le renforcement positif des comportements ; la deuxième sur la modification des interprétations des pensées négatives ; la troisième est un outil supplémentaire fondé sur le lâcher-prise des émotions au travers d’un ancrage corporel et sensoriel. « J’avais le souci de changer l’image très mécaniste et technicienne de ces thérapies, poursuit Christophe André. Les techniques ne marchent que si l’alliance thérapeutique entre le patient et le thérapeute est bonne. »

Cette révélation de soi a-t-elle un intérêt dans le traitement ou sert-elle juste à humaniser l’image des thérapies cognitivo-comportementales ? « On se confie pour soulager le patient et non soi-même, poursuit le psychiatre de Sainte-Anne, pour accrocher son intérêt. Ce peut être un ingrédient, un catalyseur à certains moments pour débloquer la situation, mais ça n’est pas au centre du traitement. »

Martine Laronche

Article paru dans Le Monde du 19.01.11