08 07 08
Voici un article qui ne trouble pas l’eau afin de dissimuler le fond.
La polémique sur le décret réglementant le statut de psychothérapeute s’embrase à nouveau. Alors que le gouvernement vient de transmettre au Conseil d’État un projet de décret débattu depuis près de cinq ans avec la communauté psy, c’est désormais un projet annexe d’arrêté qui met le feu aux poudres.
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Ce « document de travail », signé des ministères de la santé et de la recherche, définit avec précision le contenu de l’enseignement théorique et pratique des futurs psychothérapeutes(1). La communauté psy dénonce une immixtion du gouvernement dans la définition du soin psychique et l’instauration d’“une psychothérapie d’État”.
Le 13 août 2004, le Parlement adoptait l’article 52 de la loi sur la santé publique reprenant un amendement de Bernard Accoyer, actuel président (UMP) de l’Assemblée nationale. M. Accoyer cherchait à réglementer l’usage du titre [générique] de psychothérapeute, utilisé actuellement par des psychiatres, psychanalystes, psychologues mais aussi des professionnels non médicaux, issus de dizaines de courants de pensée. Au nom de la lutte contre le charlatanisme, ce texte visait à réserver le titre [générique] de psychothérapeute aux professionnels inscrits sur un registre national et se soumettant à une formation universitaire.
Depuis l’adoption de la loi, trois ministres de la santé se sont efforcés, jusqu’ici en vain, de publier le décret issu de cet article de loi. Les querelles entre psys et gouvernement n’ont pas cessé. La dernière version du texte, élaborée par le cabinet de la ministre de la santé, Roselyne Bachelot, prévoit que les professionnels souhaitant user du titre se soumettent à une formation de 400 heures en psychopathologie clinique suivie d’un stage pratique de cinq mois. Ce décret a été approuvé par le Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche(2), le 16 juin, avant d’être transmis au Conseil d’État.
Alors que la communauté psy s’était résolue à accepter le compromis de la dernière version du décret, elle découvre aujourd’hui, avec stupeur, un projet d’arrêté, resté confidentiel, et déclinant le contenu de la formation. Selon ce texte, les futurs psychothérapeutes devront maîtriser « les principaux courants théoriques (psychanalytique, cognitivo-comportemental, systémique, socio-environnemental, biologique) » et avoir une « connaissance des outils d’évaluation (échelles cliniques, tests projectifs) suffisante ».
Pour les professionnels de la psyché, divisés entre courant psychanalytique et thérapies brèves d’inspiration anglo-saxonnes, le gouvernement prend parti dans une querelle épistémologique. « Il s’agit d’un hold-up cognitiviste sur le titre de psychothérapeute, dans le but explicite d’éliminer la pratique psychanalytique « , dénonce Jacques-Alain Miller, chef de file de l’École de la cause freudienne (courant lacanien de la psychanalyse). « On veut déposséder l’université de la définition du contenu de son enseignement, au profit du modèle psychiatrique américain, très minoritaire en France « , s’insurge Roland Gori, président du Séminaire interuniversitaire européen d’enseignement et de recherche en psychopathologie et psychanalyse(3).
La nature du texte incriminé — un simple arrêté — inquiète d’autant plus qu’il peut être pris sans aucune consultation. Le ministère de la santé explique que sa rédaction ne relève pas de sa responsabilité, mais de celle du ministère de la recherche. Dans l’entourage de Valérie Pécresse, on confirme que “ l’arrêté vient compléter le décret et qu’il ne sera pas soumis à concertation ”.