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21 juillet 2007

L’inquiétante assimilation Collectif OCHS, Philippe Grauer, Catherine Lacaze-Paul

Collectif OCHS, Philippe Grauer, Catherine Lacaze-Paul

Psychiatres et psychologues cliniciens (tiens, encore eux!) constituent deux professions voisines exerçant dans l’univers de la Santé mentale. Pour ceux qui s’interrogent sur la nébuleuse psy et ses différentes régions, la description des problèmes sur le terrain institutionnel de la santé publique et de la psychiatrie de secteur constituera une occasion de mieux repérer les types de pratiques et de professions impliquées.

Ils pourront mesurer la distance entre ces professions, qui s’occupent de soins au sens double et contradictoire de soin psychique — soin pris de soi , et médical (1) — soin administré à autrui , médico-psychologique(2), et notre propre profession de psychothérapeutes relationnels. Ils pourront également mesurer l’ambiguïté du médico-psychique appareillé au psychanalytique. Ainsi le fait que la psychanalyse constitue une profession cumulable engendre une sorte de composite épistémique remarquable, qui intègre la psychanalyse au soin médical. On pourrait parler en l’occurrence à la lettre de psychanalyse intégrative, ou d’éclectisme (mélange de genres peu amalgamé), il faudra y réfléchir, pour désigner cette pratique en tout cas complexe. Le terme de psychologie clinique peut recouvrir cette étonnante hybridation, produit de l’histoire.

La question se complexifie si l’on considère qu’on a affaire à une pratique institutionnelle, celle de la psychiatrie de secteur, issue du refus et du reflux de l’asile de la période précédente, des combats de l’antipsychiatrie et des avancées de la psychothérapie (eh oui !) institutionnelle. Cette pratique hospitalière répartie en petites unités sur tout le territoire mobilise de nombreux praticiens, des psychologues cliniciens, qui travaillent toujours en référence à l’éthique de la psychanalyse, et entendent constituer une force résolue.

Laquelle se heurte à nos managers de l’âme qui ambitionne régir le psychisme via le concept de santé mentale, appareillé à la grande idée mondialisatrice d’évaluation administrative cognitive scientiste anglo-saxoniste (référence massive de l’Inserm à la littérature scientifique de langue anglaise) et québecquoise. La rentabilisation du commerce des hommes mise en route, reste la protestation des intéressés, à commencer par les psychistes convaincus de relation, de dynamique de la subjectivité et d’éthique du choix et de la liberté.

C’est de ce côté qu’on nous trouve, et c’est pourquoi nous vous soumettons le présent texte issu des publications régulièrement vivantes de l’InterCoPsycho, y compris comme c’est ici le cas, lorsque précisément ça n’est pas eux qui ont émis l’alarme que vous allez entendre.

Le chien et le loup rappellera quelque chose à ceux qui se sont battus précédemment. J’en ai lu des passages à la tribune d’un des forums tenus lors de la crise précédente, dite des charlatans, où c’était nous qui subissions en première ligne les assauts médico scientistes. Notre bon La Fontaine continue de nous charmer et inviter à la réflexion. Il était assez anticonformiste pour que nous n’ayons pas à nous étonner de nous retrouver ensemble à ses côtés. Merci à lui.

Philippe Grauer


Vous trouverez ci-dessous une alerte de psychologues de Loire-Atlantique dont l’association selon la loi de 1901 est inquiétée par un souhait « d’intégration fonctionnelle dans le public ». Vous lirez avec intérêt les raisons par eux invoquées de cette menace, car ils y voient les effets de ce qu’ils appellent L’inquiétante assimilation qu’ils déplient dans une première partie. Puis vous trouverez un autre texte court qui présente l’association, son histoire, son activité. Pour conclure, avec finesse et subtilité, nos collègues nous proposent de lire une fable de la Fontaine : Le loup et le chien. Le lecteur appréciera la morale qu’ils tirent de leur histoire. Précisons que ce collectif n’est pas participant de l’InterCoPsychos.

Catherine Lacaze-Paule


L’INQUIÉTANTE ASSIMILATION

PAR LE COLLECTIF PSYCHO DE L’OCHS

Voici que dans nos boutiques où le travail se fait depuis plus de 50 ans(3), on vient voir et chercher ce qui manquerait pour que tout marche vraiment dans le meilleur des mondes pour la pédopsychiatrie de Loire-Atlantique.

Enfin, le mal est trouvé : c’est un manque de lisibilité. Les Consultations sont taxées de « mauvaises participantes » à l’offre de soins, en tout cas pas assez bonnes… Il est des textes où le good enough est une vertu, ici c’est une tare. Encore un effort.

On se renseigne, on veut savoir le fond du reproche, et là, surprise : ça sonne creux.

On entend que les listes d’attente sont trop longues. Il est facile à chacun d’imaginer comment on pourrait les réduire. Un accueil systématique dans le mois, l’affaire est jouée. Sauf que si le problème de la liste d’attente est réglé, le problème du soin reste entier. Notre pratique s’appuie sur la conviction de l’existence d’un transfert qui s’établit entre le patient et le praticien. Ce transfert devient ensuite un levier qu’il convient de manier avec précaution pour la suite du travail. Il y a pour nous une différence entre le guichet de la poste où on peut être accueilli, et parfois même entendu, et les premiers entretiens en clinique infantile où le travail s’engage d’emblée.

On lit ailleurs que les articulations Secteur Public-OCHS se font mal… mais on ne se pose pas la question de savoir qui a intérêt à ce que ça ne marche pas. On aurait envie de taxer de mauvaise foi ceux qui ont fait l’évaluation (très partielle) de l’intégration fonctionnelle .

L’OCHS à la fois accusé de n’être pas assez grand pour se défendre des pressions budgétaires et de certaines nouvelles commandes administratives, est en même temps un obstacle à la bonne marche des affaires pédopsychiatriques du département. De qui se moque-t-on ? C’est l’éléphant qui craint la souris. Et c’est donc la souris qui sera mangée . CQFD.

La publicisation, qui nous est promise, suscite chez nous la crainte de perdre notre identité, en portant atteinte à trois fondamentaux de l’OCHS : La psychanalyse. Car l’originalité de l’association OCHS aura été de créer le poste et la fonction de psychothérapeute-analyste. Cette fonction lui permet de réaliser des « thérapies analytiques d’enfants dans un cadre institutionnel où il est salarié ». L’orientation psychanalytique est aussi celle qui est requise pour l’embauche des psychologues et pédopsychiatres. Cette référence théorique, incluse dans l’approche globale des difficultés d’un enfant et de sa famille, permet aux professionnels que nous sommes de ne pas céder à certaines pressions (de l’école, des parents, de la justice…) c’est-à-dire à la cohorte des bien-pensants qui ignore parfois l’attachement du sujet à son symptôme, et qu’il ne suffit pas de prescrire pour guérir.

L’autre particularité aura été (est encore) d’offrir un soin de proximité. Même si cela peut créer des difficultés, c’est aussi une façon de souligner le discours social et humaniste qui a porté l’action de l’OCHS. Consulter à l’hôpital ne revient pas au même que de consulter à l’OCHS. C’est perceptible pour les patients, ainsi que pour ceux qui nous les adressent. Non pas que ce soit mieux, mais c’est différent. Discours médical d’un côté, discours social de l’autre. Notre attention en ces temps politiques « troublés » se porte sur l’inflation donnée au discours du Maître (médical) (cf. les rapports de l’INSERM …) et au peu de place laissé aux autres formes de discours (social, humaniste…). Peu de place laissée également au patient qui dorénavant n’aura plus d’autres choix que la consultation à l’hôpital ou en libéral.

Une autre qualité que nous aimerions revendiquer serait celle d’un style propre à l’OCHS. Subtilité subjective, porteuse d’une histoire, reconnaissable en interne comme en externe. De là en découlent des modalités de travail qui nous sont propres : un certain exercice de la collégialité (où la réunion de synthèse n’est pas seulement le fait de devoir rendre compte de notre travail devant le médecin), le traitement de la demande où l’accueil proposé n’est pas obligatoirement celui du médecin, des initiatives créatives.

Notre alerte est sérieuse. Cette volonté qui s’impose à nous (à d’autres bientôt) de faire du même – ce que nous nommions l’inquiétante assimilation –, dans une logique politique et économique, ne nous paraît pas de bonne augure pour le soin psychique en France.

Si vous voulez nous rejoindre, diffuser nos questions, interpeller les autorités en charge du dossier, contactez-nous à l’adresse suivante : collectifpsycho.ochs@orange.fr

Merci de faire suivre à tous les partenaires que vous jugerez concernés par notre mobilisation.

Présentation de l’association : OFFICE CENTRAL D’HYGIÈNE SOCIALE de Loire-Atlantique


Qui sommes nous ?

L’ O.C.H.S est une association de loi 1901 qui emploie 190 salariés dont 80 dans les Consultations médico-psychologiques pour enfants et adolescents.

Historique

Créé en 1917 pour lutter contre la tuberculose, l’O.C.H.S est reconnu d’utilité publique par décret du 12 août 1919. A partir de 1960, la tuberculose est en régulière diminution. Les lois de 1954 et 1955 sur la lutte contre l’alcoolisme et les maladies mentales entraînent la création de dispensaires spécialisés. L’association reçoit la mission de créer ces lieux de soins. De 1955 à ce jour, sont créées une dizaine de Consultations Médico-psychologiques pour enfants et adolescents sur le département.

Parallèlement, l’O.C.H.S de Loire-Atlantique crée un service d’alcoologie et, en 1976, un centre de postcure pour jeunes adultes présentant des troubles psychiques importants.

Les C.M.P.E.A sont des lieux de prévention, de diagnostic et de soins médico-psychologiques ambulatoires pour les enfants et les adolescents de la naissance à 20 ans s’il y a scolarité secondaire. Elles participent au Service public hospitalier. Les C.M.P.E.A sont financées par un budget global de la Sécurité sociale. Il n’y a pas de paiement direct.

Le patient n’est pas obligatoirement reçu par le médecin de la consultation. Il peut, s’il précise sa demande, être reçu directement par le professionnel de son choix ou être orienté en fonction de la difficulté évoquée. Les consultations fonctionnent collégialement avec une équipe pluridisciplinaire : Assistants sociaux, orthophonistes, pédopsychiatres, psychologues, psychothérapeutes-analystes, psychomotriciens, secrétaires médicales.

Les approches thérapeutiques sont multiples : consultations, guidances parentales, psychothérapies, rééducations.

L’accueil et le soin proposés tiennent compte de l’enfant Sujet autonome dans sa dimension psychique, inscrit dans une histoire familiale et sociale. Notre rôle est d’aider l’enfant, l’adolescent et les parents à trouver le sens de leur souffrance et élaborer les moyens d’y faire face. Il s’agit là des repères fondamentaux de notre travail.

Les Consultations médico-psychologiques participent au Service public. À ce titre, elles ont des relations spécifiques avec les structures de soins des Inter-secteurs de pédopsychiatrie (autres consultations, hôpitaux de jours, centres d’aide thérapeutique à temps partiel, etc.). Elles sont aussi en lien avec d’autres partenaires concernés par l’enfant ou l’adolescent (écoles, services sociaux, médecins, paramédicaux, etc.). Ces liaisons se font avec l’accord des parents. Les C.M.P.E.A ont été pionnières, en Loire-Atlantique, en matière d’accueil et de soins pour enfants et adolescents présentant des difficultés psychiques de tous ordres. À ce jour, elles offrent un soin auprès de 2800 familles. La liste d’attente est d’environ 2 ou 3 mois


Les psychothérapeutes relationnels qui travaillent le plus souvent en libéral, puisque le service public ne les reconnaît pas, se portent solidaires de leur collègues psychologues cliniciens. Cela ne les empêche pas de marquer leur différence et leur spécificité professionnelle, la préface à cet ensemble de texte vous l’aura rappelé. Seul le Carré psy comme matrice institutionnelle et épistémologique, permet de s’y retrouver clairement dans l’imbroglio psy, au service de l’ensemble de ceux qui recourent aux différents soins (voir ce mot) proposés.

PHG


LE LOUP ET LE CHIEN

Un loup n’avait que les os et la peau,
Tant les chiens faisaient bonne garde.
Ce loup rencontre un dogue aussi puissant que beau,
Gras, poli, qui s’était fourvoyé par mégarde.
L’attaquer, le mettre en quartiers,
Sire loup l’eût fait volontiers.
Mais il fallait livrer bataille,
Et le mâtin était de taille
A se défendre hardiment.
Le loup donc l’aborde humblement,
Entre en propos, et lui fait compliment
Il ne tiendra qu’à vous, beau sire,
D’être aussi gras que moi, lui repartit le chien.
Quittez les bois, vous ferez bien :
Vos pareils y sont misérables,
Cancres, haires, et pauvres diables,
Dont la condition est de mourir de faim.
Car quoi ? Rien d’assuré, point de franche lippée.
Tout à la pointe de l’épée.
Suivez-moi ; vous aurez un bien meilleur destin.
Le loup reprit : Que me faudra-t-il faire ?
Presque rien, dit le chien : donner la chasse aux gens
Portants bâtons, et mendiants ;
Flatter ceux du logis, à son maître complaire ;
Moyennant quoi votre salaire
Sera force reliefs de toutes les façons :
Os de poulets, os de pigeons,
Sans parler de mainte caresse. »
Le loup déjà se forge une félicité
Qui le fait pleurer de tendresse.
Chemin faisant, il vit le col du chien pelé :
Qu’est-ce là ? lui dit-il. Rien. Quoi ? Rien ? Peu de chose.
Mais encor ? Le collier dont je suis attaché
De ce que vous voyez est peut-être la cause.
Attaché ? dit le loup : vous ne courez donc pas
Où vous voulez ? Pas toujours, mais qu’importe ?
Il importe si bien, que de tous vos repas
Je ne veux en aucune sorte,
Et ne voudrais pas même à ce prix un trésor. »
Cela dit, maître loup s’enfuit, et court encor.

Jean de La Fontaine


Depuis Instantanés de l’InterCoPsychos – N°236