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14 mars 2007

L’Université et la formation des psychologues. Fondements, enjeux et perspectives Caroline Doucet

Caroline Doucet

Introduction

Le 19 janvier dernier avait lieu à Béziers une journée d’études inter-collèges de psychologues hospitaliers du Languedoc-Roussillon. Nous rendrons compte ultérieurement de cette journée que nous avions annoncée.

Vous lirez ci-dessous l’intervention de Caroline Doucet qui est enseigne à Rennes et qui exerce comme psychologue clinicienne.

Cette intervention a marqué la journée d’études. Par sa clarté, sa rigueur, mais aussi pour la valeur de témoignage qu’elle recèle. Il s’agit pour notre collègue de rendre compte à la fois des bases épistémologique, épistémique et clinique de son enseignement et de la façon dont elle répond aux questions que pose aujourd’hui l’enseignement de la psychologie clinique, de la psychopathologie et de la psychanalyse, sur les plans éthique et politique.

C’est un texte de référence dans les débats actuels sur la formation des psychologues comme sur les conditions de l’exercice de leur autonomie professionnelle.

L’orientation que nous propose ici notre collègue est de ne rien céder sur la cohérence et la densité de la référence que chaque psychologue doit mettre au principe de son action. À charge pour chacun d’en rendre compte auprès de ses pairs et des tiers, et de la faire reconnaître dans le cadre professionnel, dans le champ social, dans la sphère politique.

À l’opposé des replis corporatistes que d’aucuns présentent aux psychologues comme seule solution pour garantir leur autonomie professionnelle, c’est une voie politique.

C’est la voie du désir.

Jean-François Cottes
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L’université et la formation des psychologues : fondements, enjeux et perspectives

Par Caroline Doucet

Maître de conférence à l’Université Rennes 2, psychologue clinicienne

Cet exposé interroge la fonction de la formation dans la constitution de l’identité professionnelle des psychologues dont une étude récente [1] montre la difficulté, voire l’impossibilité, de ces derniers à défendre la spécificité de leurs praxis (faible analyse et organisation des tâches du psychologue, absence de repères des critères de compétences, problèmes de délimitation sur le terrain, etc.). Qu’en est-il de la responsabilité de la formation universitaire dans ce qui se présente comme « trouble de l’identité » professionnelle des psychologues ? Qu’en est-il plus précisément de la formation des psychologues cliniciens — formation pendant de nombreuses années référencée à la psychanalyse — aujourd’hui référée à différents corpus théoriques ? C’est d’ailleurs à ce point précis que se situe le reproche le plus fréquemment adressé à la formation dans certaines universités, son caractère monoréférencé — en particulier d’ailleurs lorsqu’il s’agit d’enseignements qui s’appuient sur la doctrine psychanalytique. Cela suggère une première série de questions : les enseignants et enseignements dispensés à l’université peuvent-ils être laïcs et profanes ? Comment s’élabore un contenu d’enseignement ? On reproche également à la formation universitaire son manque de professionnalisation du fait de stages insuffisants, d’une formation clinique déficiente parce qu’inconnue des enseignants, d’une méconnaissance de leur part du travail institutionnel. Ces critiques sont-elles fondées en raison ? Les universitaires sont-ils « déconnectés » de la pratique clinique ? La professionnalisation est pourtant recherchée par le biais des stages qui impliquent la mise en situation professionnelle des étudiants sous le regard d’un professionnel référent. Quels sont les objectifs fixés aux différents stages obligatoires ? Quels professionnels « encadrent » les stages ? Un partenariat praticiens — enseignants est-il possible afin de gommer ce qui apparaît à tous les professionnels comme une coupure entre universitaires et cliniciens ? Enfin, face à ce qui se présente comme limites, insuffisances de la formation, des perspectives se dessinent elles, susceptibles de renforcer l’exercice professionnel des psychologues cliniciens et d’accentuer leur reconnaissance sociale ?

Loin du discours universitaire classique, cet exposé est le témoignage des engagements déontologiques et éthiques auxquels ne manque pas de se frotter l’enseignant-chercheur.

I La formation universitaire : fondements

Le code de déontologie des psychologues donne un cadre à la formation des psychologues. Neuf articles constituent le Titre III relatif à la formation initiale et continue des psychologues, en voici les principes.

1 — diffuser le code de déontologie aux étudiants dès le début de la formation

2 — s’assurer de l’existence de conditions permettant que se développent la réflexion éthique sur les pratiques, la formation et la recherche.

3 — présenter sans sectarisme et tentative d’endoctrinement les différents champs d’études de la psychologie, la pluralité des cadres théoriques, des méthodes, des pratiques, dans une perspective critique.

4 — ouverture aux disciplines qui constituent les sciences de l’homme.

Le troisième point mérite une attention particulière : « présentation des différents courants sans sectarisme« . Un détour par la présentation du statut d’enseignant-chercheur est ici utile. Ce statut découle de l’obtention d’un poste dans une université. « L’heureux élu » a préalablement été qualifié par la section du CNU (Conseil national des universités) correspondante à sa discipline, 16ème section du CNU pour la psychologie. Cette qualification s’obtient, ou pas, sur présentation d’un dossier qui rend compte du parcours scientifique du candidat à la qualification (rapport de thèse, note obtenue, résumé de la thèse, publications dans des revues scientifiques, états de services universitaires). Une fois la qualification obtenue, il faut alors après une première sélection sur dossier, être auditionné par les commissions de spécialistes des universités ayant un poste à pourvoir correspondant au profil du candidat. C’est dire que ce qui préside au recrutement d’un enseignant-chercheur c’est son objet de recherche, sa capacité à développer des recherches et à transmettre un savoir qui en découle. La spécificité des enseignements universitaires est bien de reposer sur la recherche, c’est d’ailleurs ce qui leur donne leur teneur propre :

— L’enseignement est forcément référé à un modèle théorique parce que l’enseignant est recruté sur la base de ses travaux de recherche. Or, dans une référence commune aux fondements de la science moderne, de nombreux auteurs s’accordent pour considérer que la théorie détermine la structure même de la recherche, notamment dans la façon de formuler les questions et dans l’examen des réponses. Pour Ricœur par exemple « la théorie n’est pas un ajout contingent, elle est constitutive de l’objet même », Odile Bourguignon relève que dans les sciences humaines « il n’est pas d’observation sans cadre conceptuel qui l’institue comme telle ». L’enseignant a donc lui-même opéré des choix avant de devenir enseignant . C’est en quoi l’enseignant pas plus que les enseignements ne peuvent être ni laïques ni profanes. C’est ce qui confère à l’enseignement universitaire son caractère vivant et vivace. Le désir de l’enseignant est à l’œuvre, la nécessité de soutenir une prise de position y est enthousiasmante, le débat entre les courants soutenu et resserré.

— d’autre part, parce qu’enseigner à partir de sa pratique de recherche amène à devoir démontrer rigoureusement la complexité des questions abordées et à discuter les différentes positions théoriques à la disposition des chercheurs pour rendre compte des phénomènes étudiés. Cela amène forcément l’enseignant à être au fait de la revue scientifique sur la question posée et surtout à transmettre une méthode qui lui est propre d’interrogation des savoirs, qui se présente alors comme une exigence éthique.

La présentation indispensable des différents modèles théoriques qui constituent le champ de la psychologie clinique et de la psychopathologie servira ici d’illustration. Nombreux sont les auteurs qui considèrent qu’il est impossible de définir ces sous-disciplines à partir de leur objet, de leur histoire, de leurs méthodes et de leur champ d’application. Si on prend la sous-discipline « psychopathologie » on peut relever 14 approches selon Ionescu (Ionescu, S. Quatorze approches de la psychopathologie, Nathan Université, 2005). L’avant-propos de l’ouvrage est très instructif. L’auteur indique que s’est posée pour lui la question de l’ordre de présentation des modèles. Fallait-il ordonner ces 14 approches à partir du critère chronologique, ou bien en fonction de l’importance des modèles, ou autre ? Finalement, devant la complexité de la tâche, l’auteur a opté pour un ordonnancement des modèles…. par ordre alphabétique. Ce qui donne le classement suivant : psychopathologie athéorique, béhavioriste, biologique, cognitiviste, développementale, écosystémique, ethno-psychopathologie, psychopathologie éthologique, existentialiste, expérimentale, phénoménologique, psychanalytique, sociale, structuraliste. Outre qu’il est frappant de constater la diversité et l’étendue des modèles qui tentent de cerner le fait humain, force est de constater que l’enseignant doit exercer un choix concernant l’ordonnancement des modèles. Soit il considère que tous se valent et il ne s’embarrasse pas de la question du type de présentation possible (présentation au hasard) ; soit il présente les modèles selon l’importance que revêtent les modèles pour lui, on aura alors une présentation basée sur des conceptions idéologiques ; soit, et c’est le parti pris adopté par l’auteur de ce texte, il s’agit d’ordonner les modèles à partir des postulats qui les sous-tendent. Il devient dès lors possible de les présenter selon la conception qu’ils se font :

du fonctionnement mental : réduit au système nerveux ou à l’activité cérébrale ; système perception / conscience, sujet intégrateur ou équilibrateur ; personnalité comme répertoire comportemental et notion d’individu ; ou bien la catégorie du sujet ;

de la causalité : organique, psychique, sociale, plurielle, détermination signifiante et cause sexuelle ; causalité linéaire ou non ;

de l’étiologie du symptôme : organique ou défaut de transmission de l’information ; trouble du développement ; environnement, culture, conditionnement, apprentissage ; interaction entre les différents facteurs ; le symptôme comme formation de compromis, ayant un sens et une fonction ;

La méthodologie et l’acte du clinicien : investigation cérébrale, méthode expérimentale, psychopharmacologie ; observation, méthode expérimentale ; clinique de la parole et de la singularité.

Cette réflexion autour de la présentation des modèles qui peut paraître superflue aux étudiants dans un premier temps, leur paraît moins anodine lorsqu’on indique que l’acte clinique découle de la conception que l’on se fait de l’humain, et qu’il est fondamental pour le psychologue de repérer le « au nom de quoi il parle », qu’il est fondamental de repérer à partir de quoi il oriente sa pratique – question éthique par excellence. C’est d’ailleurs un point qui avait attiré l’attention du philosophe G. Canguilhem qui dans son ouvrage « Étude d’histoire et de philosophie des sciences » se risque à donner un conseil aux psychologues. « Quant on sort de la Sorbonne, écrit-il, par la rue Saint Jacques soit on descend et on va vers le commissariat de police, soit on monte vers le Panthéon, ce lieu des grands hommes ». Au fond, Canguilhem ne fait rien d’autre que de demander aux psychologues d’être vigilants quant au discours dans lequel ils sont pris, de repérer la commande sociale, les visées d’une institution…

Ainsi l’enseignement universitaire de par sa structure même est une pratique de la controverse, une ouverture à l’interrogation. A condition non pas que l’enseignant soit « généraliste » mais à condition qu’une pluralité de modèles demeurent représentés — incarnés — par des universitaires. Des enseignements incarnés parce que la formation passe par un acte aussi côté étudiant : curiosité, envie, passion, élan, motivation, volonté, bref son désir de savoir, un consentement à se laisser enseigner, qui s’appuie sur le transfert. Chacun peut témoigner que quelque chose a compté pour lui lors de sa formation dans ce qu’il est aujourd’hui comme professionnel — telle rencontre avec tel enseignant, un style, une parole, un contenu de savoir, une posture, un trait imaginaire, risquons le mot, une identification. Que les différents modèles restent représentés à l’Université, rien n’est moins sûr ! L’on sait aujourd’hui les difficultés que rencontrent les candidats à la qualification lorsqu’ils élaborent des recherches de psychopathologie en référence à la psychanalyse, la tentative de disqualification à leur endroit : manque de scientificité, insuffisance des publications dans des revues à comité de lecture, parti pris, recherche monoréférencée… Bref, « Qui veut tuer son chien l’accuse de la rage ! » Cela n’est pas sans incidence : la logique comportementale et cognitive tend à l’emporter sur les recrutements d’enseignants de psychopathologie. Le pluralisme des enseignements ne peut qu’en faire les frais.

II Enjeux de la formation

La formation universitaire lorsqu’elle est menée à son terme par l’étudiant — master pro (5ème année) — vise à former les professionnels psychologues. Elle allie enseignements théoriques et pratiques à la mise en situation professionnelle qui se réalise par le biais de stages en institution. Mais, insistons sur un point : bien souvent, contrairement à un reproche qui leur est adressé les enseignants de psychologie clinique et psychopathologie sont en mesure de fournir un enseignement universitaire relatif à la pratique clinique. Pour au moins deux raisons : la première provient du fait que nombre d’entre eux continuent à exercer une pratique clinique car leur statut les y autorise ; la deuxième provient des conditions de recrutement des enseignants-chercheurs. Dans le domaine de la psychologie clinique et de la psychopathologie, peu sont les enseignants à être recrutés dès « leur plus jeune âge ». C’est pourquoi, même s’ils suspendent leur activité clinique au moment du recrutement, ils ont eu auparavant une activité clinique non négligeable. Le statut d’enseignant-chercheur s’obtient après bien des tours et contours de l’université. En ce qui me concerne j’ai exercé à l’université d’abord comme vacataire — en terminant mon DEA — puis comme ATER — pendant ma thèse — puis comme PAST (en étant psychologue dans un service de lutte contre la douleur et soins palliatifs) et enfin MCF. Cela donne une certaine coloration aux enseignements dispensés. C’est le cas d’une option de licence « L’intervention du psychologue à l’hôpital général : une présence en acte ». De quoi s’agit-il ?

De présenter d’abord les ressorts de la présence croissante des psychologues à l’hôpital. L’hôpital général est un lieu propice à l’intervention des psychologues cliniciens du fait d’une conjoncture sociétale favorable — évolution du discours médical, extension des pratiques de l’écoute et de la parole, promulgation de textes législatifs, lieu d’accueil de la souffrance humain — et du fait des compétences avérées de ces professionnels. Il s’agit de définir la nature et les modalités d’intervention du psychologue dans ce lieu qui n’est pas fait pour lui — le transfert est du côté de la médecine.

Montrer que l’apport s’effectue auprès des patients et des familles – entretien, évaluation clinique, conseil, prise en charge psychothérapique – parce que la maladie ne saurait être abordée sans prendre en compte la dimension du sujet. Elle génère une souffrance qui demande à se dire, or le psychologue est qualifié pour accueillir la demande de celui qui souffre. D’autant que l’interaction psyché-soma est établie tant en ce qui concerne l’importance de la prise en charge psychologique dans l’amélioration du pronostic de certaines maladies, que dans la présence fréquente de répercussions psychologiques lors d’une atteinte somatique, qu’en ce qui concerne l’étiologie psychique de certaines pathologies d’allure somatique. Si la clinique du psychologue est une pratique communément admise de la parole elle est également clinique du corps. Ce qui implique de consacrer un temps de cet enseignement à la question du corps – l’humain se caractérise d’avoir un corps et d’en faire un usage – et de l’affect et aux différentes modalités de cohabitation du langage et du corps : refus du corps, complaisance somatique, conversion, PPS, pathomimies, autant de tribulations du corps malade dont il est impossible d’établir la liste. Cet enseignement a pour boussole la référence à la doctrine psychanalytique en tant qu’elle répond à une nécessité clinique. Cette référence est nécessitée par la clinique des effets du langage sur le corps au centre desquels se trouve la pulsion, cet éprouvé corporel qui perturbe l’autorégulation du corps.

Ce cours montre que l’intervention du psychologue porte également ses effets sur la souffrance des soignants au travail, par la mise en place de groupes de parole ou d’analyse des pratiques ou encore par le biais de la formation continue. Il s’agit alors de présenter ses dispositifs, leurs objectifs, les enjeux notamment en ce qui concerne la transmission d’un savoir psychologique qui peut renforcer côté soignant l’illusion de toute puissance.

Il s’agit de mettre l’accent sur l’importance pour le psychologue d’être au clair avec les fondements de son acte au regard des spécificités des professionnels en présence. La référence à l’éthique de la psychanalyse permet de distinguer déontologie et morale, une distinction fort utile en ce qui concerne la pratique du psychologue en soins palliatifs (par exemple la distinction entre éthique scientifique et éthique du sujet) ; il s’agit encore de mettre l’accent sur la nécessité pour le psychologue de mettre en œuvre par des interventions adaptées aux interlocuteurs les conditions favorables à la reconnaissance de sa fonction, à la concertation et au dialogue nécessaire avec l’équipe soignante (où écrire ses notes, faut-il porter la blouse, qui demande l’intervention du psychologue et comment, faut-il attendre les demandes ou vaut-il mieux les susciter, comment se met en œuvre la pluridisciplinarité ?). C’est de cela dont l’enseignement rend compte : le réel de la clinique hospitalière, les objectifs des interventions psychologiques, les enjeux de la collaboration entre le psychologue et les divers professionnels. Un acte clinique caractérise la pratique dans ce lieu : clinique de l’instant, clinique du réel, dimension de surprise et inventivité, soit une présence en acte , y compris lorsqu’il s’agit d’une abstention d’intervention du psychologue. Une pratique qui oblige le clinicien à se faire l’ auxiliaire du sujet et à condenser son acte de façon à réveiller la dimension subjective.

Cet enseignement se différencie radicalement de ceux issus d’une certaine psychologie qui se fait l’auxiliaire des modèles bio-médicaux sous-tendue par une visée d’adaptation sociale. Il fait valoir la place du psychologue dans les services de médecine de façon à ce qu’elle ne se réduise pas à réintroduire un supplément d’âme dans une médecine bio-technologique. Au fond, cet enseignement démontre, que l’université, et plus précisément encore, la formation des psychologues, ne peut se passer de la psychanalyse.

Cela étant, le savoir universitaire même pratique ne suffit pas à former des psychologues. Un autre savoir, celui qui provient des stages, celui qui se constitue de l’expérience de terrain est indispensable. Les universitaires en sont conscients : l’expérience provient de la rencontre clinique, de la confrontation à la vie institutionnelle et de la transmission qui incombe aux psychologues tuteurs.

La durée des stages de master 1 est de 20 jours sur l’année, l’objectif est l’initiation aux pratiques professionnelles du psychologue clinicien ; Le stage de Master 2 est de 480 H. et consiste en une mise en situation professionnelle. Complémentairement aux stages obligatoires les étudiants effectuent des stages conseillés afin de parfaire leur formation clinique et de constituer un dossier clinique suffisamment étoffé pour améliorer leurs chances d’entrée en Master professionnel ;

L’étudiant est inscrit en groupe « d’encadrement de stage ». Il s’agit de rencontres hebdomadaires (1H semaine) qui sont l’occasion d’évoquer, d’analyser, de prendre de la distance, de dégager une posture professionnelle à l’aide d’un psychologue (praticien ou universitaire-praticiens). Enseignants et praticiens assurent la co-formation des étudiants. L’enseignant encourage les étudiants à se faire « élève de la clinique », à repérer les discours institutionnels, les différents modes d’abord du symptôme. Le tuteur de stage à l’université doit garantir l’exercice professionnel en conformité avec le code de déontologie de la profession. Des rencontres entre référents de stages à l’université et tuteurs permettent des discussions autour des difficultés rencontrées quant à l’accueil des stagiaires, à la concordance entre les attentes de l’université et celles des praticiens, et sont favorables au suivi de l’étudiant en formation. Selon les universités diverses modalités pratiques peuvent exister ou co-exister :

— soit des rencontres régulières sous la forme de réunions de travail relatives aux modalités pratiques des stages, définition des attendus de l’université, des difficultés des professionnels de terrain à sélectionner les stagiaires, manque de temps d’encadrement, etc.

— soit les enseignants se déplacent sur les lieux de stage pour évaluer in situ l’effectivité du stage ;

— soit, et c’est ce que prévoit « l’arrêté du 19 mai 2006 relatif aux modalités d’organisation et de validation du stage professionnel », le psychologue praticien référent est présent lors de la soutenance du rapport de stage de l’étudiant ; Ce décret vise à « renforcer » la collaboration universitaires — praticiens à laquelle sont favorables les universitaires.

III Perspectives

Les psychologues sont en difficulté lorsqu’il s’agit de définir le cadre de leur exercice. D’autant que si le diplôme de Master professionnel est la condition sine qua non pour faire usage du titre de psychologue, d’autres professions tendent à s’approprier les savoirs et les pratiques psychologiques. La méconnaissance de la fonction du psychologue se retrouve chez les usagers. En effet, malgré une insertion professionnelle grandissante, un flou persiste, un malentendu, quant à l’activité du psychologue. D’où le problème récurrent de la place dérisoire souvent réservée aux psychologues. Sans doute faut-il voir là une transparence insuffisante de la pratique de ces professionnels parfois à mettre en lien avec leur volonté d’extra-territorialité et leur prise de responsabilités institutionnelles insuffisantes.

Comment le psychologue peut-il soutenir ou défendre son territoire si les contours de sa profession ne sont pas visibles y compris de lui-même ? Comment le psychologue clinicien se positionne-t-il eu égard à l’apparition de nouvelles dénominations, de nouvelles spécialisations (psychologie de la santé, retour des techniques évaluatives, de la psychométrie, etc.) ? L’université doit former les psychologues et le clinicien en particulier à repérer la spécificité de sa pratique eu égard aux autres professionnels. Cela est d’autant plus important dans un contexte d’évolution des métiers vers un partage des tâches et des compétences. La formation universitaire doit participer à clarifier la fonction sociale et l’exercice professionnel des psychologues. Diverses propositions sont discutées en ce sens : l’idée de la constitution d’un statut d’enseignant — praticien, ou hospitalo- universitaire ; l’idée dans la cadre de l’harmonisation européenne, d’une sixième année centrée sur la formation pratique et/ou clinique supervisée ; enfin, l’idée d’un doctorat d’exercice avec un clinicat.

Enfin, les questions relatives à la formation aux psychothérapies font l’actualité immédiate. Qui doit assurer la formation aux psychothérapies : l’université, les instituts professionnels ou École, ou bien la formation aux psychothérapies doit-elle faire l’objet d’une coopération entre les deux ? Comment garantir le titre de psychothérapeute : par l’établissement de commissions régionales constituées de médecins et psychologues, cela est-il du ressort de l’université, ou bien peut-on envisager une co-validation ? Une formation préalable en psychopathologie devra-t-elle être requise ? Rappelons que la formation aux techniques psychothérapiques si elle est un aspect de la formation dispensée dans les masters de psychopathologie ne saurait être complète si elle n’est accompagnée d’une expérience personnelle et singulière de mutation subjective et de connaissance des processus en jeu. Celle-ci ne saurait être rendue obligatoire dans un parcours universitaire, ni garantie par un titre universitaire. L’Université est en mesure de transmettre un savoir sur les psychothérapies, « quelque chose sur la psychanalyse et quelque chose venant de la psychanalyse » comme l’écrit Freud en 1919, elle a même tout intérêt à le faire. Mais ne demandons pas à l’Université ce qui n’est pas de son ressort !

Pour conclure

On assiste à un paradoxe. Alors que la psychologie étend ses champs d’intervention, il est possible de constater la perte de vitesse des spécialisations en psychopathologie clinique. Pourquoi cette sous-discipline de la psychologie ? On peut considérer que l’appel massif fait à la psychologie concerne une psychologie normative et adaptative. La formation universitaire est un indicateur du « dosage du psychologue » (Santiago-Delafosse) que nous voulons dans notre société, tant en ce qui concerne le nombre de psychologues diplômés qu’en ce qui concerne la spécialisation de ce psychologue. C’est pourquoi une vigilance s’impose quant au type de psychologue qu’exige la société contemporaine car cela interfère avec la formation des psychologues. Il y a là un enjeu d’avenir.