07 septembre 2008
Bientôt les décrets ? Message d’Élisabeth Roudinesco.
Cela fera bientôt six ans, — si le décret et l’Arrêté scélérat sont promulgués aux dates annoncées par Élisabeth Roudinesco, que notre syndicat, debout dès la première heure en même temps que l’AFFOP et aux côtés de la FF2P qui portait alors un autre nom, a lutté avec vaillance contre une loi inique et bancale visant à travers un scénario de chasse aux sorcières à affaiblir et si possible neutraliser les deux grandes disciplines de la dynamique de la subjectivité, la psychanalyse et la psychothérapie relationnelle.
Et cela au bénéfice borgne d’une médecine organiciste rétrograde, et de thérapies comportementales à protocoles réduisant nos contemporains à des marionnettes mécaniques victimes de « troubles » listés dans l’incroyable catalogue du conservateur scientistique américain DSM 4, dont le Gogol dénonciateur à venir fera un jour rire le monde entier avec une nouvelle histoire d‘âmes mortes.
Nos deux professions, en maintenant le concept de symptôme comme porteur de signification dans une histoire de souffrance et de malaise, restent nécessaires à nos citoyens qui ne cesseront pas d’y recourir pour une question de label d’État. Nos deux professions restent plus que jamais nécessaires à l’équilibre démocratique de notre société. Prendre soin de soi , être aux prises avec le souci , au cœur de la difficulté de vivre n’est pas réductible à l’administration d’un traitement . Même si dans certains cas la consultation doit doubler, sur un autre plan, la séance.
La psychothérapie relationnelle a déjà gagné. Elle a contribué en qualité d’interlocuteur représentatif reconnu au dialogue national que la mise en application d’une loi qui restera toujours bancale a suscité durant plus de cinq ans. Le SNPPsy poursuivra sa tâche consistant à la soutenir dans son existence et pratique, étayée par son code de déontologie et ses institutions de reconnaissance et d’agrément professionnels, par les cinq critères qui lui confèrent cohérence et autorité morale et professionnelle.
Notre syndicat, aux côtés des institutions historiques regroupées au sein de la Coordination psy, poursuivra son action pour que la psychothérapie relationnelle aux côtés de la psychanalyse continue de représenter au sein de la société française une alternative vivante à la psycho robotisation sécuritaire qui propose son remède bas de gamme à l’angoisse des victimes du managerisme.
Élisabeth Roudinesco, qui agit ici en qualité de présidente de la SIHPP — Société d’histoire de la psychiatrie et de la psychanalyse, s’élève contre le mauvais coup prêt à tomber. Autorité incontestée de l’histoire de la psychanalyse elle a dans son ouvrage Le patient le thérapeute et l’État analysé avec lucidité la situation actuelle des professionnels du psychisme. Que personne n’ignore à présent un avertissement qui porte loin.
Philippe Grauer, président du SNPPsy
Pour mémoire nous reportons ici le texte d’Élisabeth Roudinesco figurant à notre éditorial en date du 7 septembre.
Après cinq ans de batailles complexes, il apparaît — de source sûre — que les décrets seront publiés vers le mois de novembre et que, cette fois-ci, le Conseil d’État les acceptera, sans doute avec quelques modifications qui permettront de rééquilibrer les incohérences de l’ancien dispositif afin de traiter de façon plus égalitaire les psychanalystes et les psychothérapeutes, ce qui, de toute manière, n’est bon ni pour les uns ni pour les autres.
Tout cela nous entraînera à terme — avec les arrêtés — à une situation dans laquelle, peu ou prou, les sociétés psychanalytiques seront touchées par la réglementation. Tout cela se produit dans un contexte social marqué par le populisme, l’anti-intellectualisme, la haine de la pensée et le culte de l’idéologie sécuritaire. Il s’agit de mettre au point une politique de surveillance des citoyens dans laquelle les experts viendront se substituer aux élites.
À l’Université, la situation n’est pas meilleure et elle va empirer comme en témoignent désormais les campagnes anti-freudiennes que l’on voit fleurir non seulement dans les médias — comme aux États-Unis en 1997 — mais aussi sur le terrain, avec l’éviction progressive et parfois sournoise des enseignements de psychopathologie d’inspiration psychanalytique. Chaque jour, une nouvelle information confirme cet état de fait. J’espère que les psychanalystes prendront conscience de la gravité de la situation.