par Philippe Grauer
Voici Michel Onfray habillé pour l’hiver qui vient. Il ne suffit pas de pérorer à tort et à travers, encore faut-il tenir la route. Ajoutons que l’on continue de se demander dans quelle galère néo coloniale inspirée Algérie française est allé se mettre la mairie d’Aix et Catherine Camus, charmée par ce charmeur de serpents lui-même venimeux. À force de pisser sur les statues, Freud pour commencer, Sartre maintenant, on finit par se faire prendre comme un simple malpropre.
Comme le souligne Ingrid Galster, on a le droit de critiquer, c’est même recommandé, mais avec honnêteté, la moindre des choses semble-t-il au commun des mortels juste au-dessous de la catégorie génie à laquelle appartient notre fils de Nietzsche, et surtout sans falsification. Sartre appelait cela de la mauvaise foi. Mais ça n’était qu’un bourgeois quasi collaborationniste.
Onfay cette fois a tout le monde contre lui, simplement parce qu’il dit tout et son contraire. Ça devait finir comme ça. Onfray est-il à la fois propalestinien, antisémite, ultra israélien antipalestinien philo sioniste réactionnaire, il est tout cela à la fois, la confusion hargneuse qui en fait un autoproclamé de gauche parfaitement proche de l’extrême droite se retourne contre lui. Comme si justice enfin se faisait par une sorte d’accord sur sa malhonnêteté falsificatrice inlassable. Pensée poubelle, poubelle renversée.
Tout cela n’affecte pas énormément les monuments par ses soins souillés qui en ont vu d’autres. Si ça pouvait éclairer l’opinion sur le côté faiseur très auto satisfait sans tant de mérite que ça de notre péremptoire donneur de leçon à rebours on y gagnerait d’y voir plus clair à l’occasion d’une éclipse sur France-culture de celui qui se prend pour l’astre noir du siècle.
– L’exposition Albert Camus, Michel Onfray et les monothéismes , où il apparaît que Michel Onfray via son ami Jean Soler vire à la Nouvelle droite solaire et polythéiste.
– « La bataille ratée de Michel Onfray« , par Marc Riglet (Lire), publié le 01/03/2012
– Michel Onfray pilotera l’exposition et le Musée Camus
– Camus – l’historien écarté le faiseur promu
– Motion de soutien à Benjamin Stora
– Après Richard Millet, Michel Onfray
– et cliquer ici-même Onfray pour plus d’information.
Prof. Dr. Ingrid Galster Universität Paderborn D-33095 Paderborn
M. Olivier Poivre d’Arvor
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le 23 août 2012
Monsieur,
je viens d’écouter les conférences que Michel Onfray a consacrées dans son Université populaire à Sartre et Beauvoir et qui ont été retransmises sur France Culture.
Pour correspondre à l’objectif de sa “contre-histoire de la philosophie”, Onfray nous fournit de la désinformation haineuse. Auteur ou éditrice de huit ouvrages très documentés sur Sartre et Beauvoir ayant paru entre 2001 et 2007 dans des maisons d’édition françaises, vous me permettrez de dire que je sais de quoi je parle. Onfray se sert d’ailleurs de certains de mes livres pour en tirer des fragments et les interpréter dans le sens de ses “thèses”, alors que d’autres éléments qui prouvent le contraire de ce qu’il prétend sont sciemment omis. On a bien sûr le droit de critiquer, mais avec honnêteté intellectuelle en s’appuyant sur une information correcte.
Cette information correcte, les auditeurs et auditrices de France Culture ont le droit de l’attendre. Je suis proprement scandalisée que vous prêtiez votre antenne à cette charlatanerie.
Avec mes sentiments distingués
Ingrid GALSTER
Professeur des universités à la retraite
Libération – 26 août 2012
par Michel Vignard
professeur de philosophie et producteur associé à France-culture.
Habitude et audience aidant, depuis dix ans France-culture programme dans sa grille d’été, qui s’est achevée ce week-end, les conférences de l’université populaire de Caen. Michel Onfray s’y est taillé un franc succès en exhumant des figures mineures de la pensée et en contestant l’institution qui les avait oubliées ou enterrées pendant des siècles. Le problème est que, n’ayant jamais fait pour son compte œuvre scientifique, jamais porté au jour un seul de ces penseurs, jamais traduit ou édité leurs livres, il doit se contenter d’en parler à partir des travaux irremplaçables de ces universitaires qu’il fustige tant par ailleurs. Passons sur la contradiction ou l’imposture, comme on voudra dire, et venons-en à son style tout droit sorti de la Troisième République des lettres. Une bonne dose de biographie dans l’esprit de Gustave Lanson, de l’aimable paraphrase, ça ne mange pas de pain et ça apprend toujours quelque chose, des citations répétées pour permettre aux auditeurs d’en identifier l’importance et les noter sans faute. Une parole magistrale, des applaudissements en fin de cours, pas de quoi renverser la table.
Il n’en va pas de même depuis le séminaire sur Freud diffusé la saison 2010-2011. Changement d’orientation, Michel Onfray ne ressuscite plus, il enterre. Sa thèse principale consiste à faire de la psychanalyse la science de Freud en personne, accusant sans répit vingt-cinq séances durant l’auteur de l’Interprétation du rêve d’avoir capté à son profit la substance et la gloire de la psychanalyse, sans compter les griefs annexes de terrorisme ou d’adultère. Un livre paru à la même époque, Rêver avec Freud, signé par Andreas Mayer et la regrettée Lydia Marinelli (Aubier, 2009), fait la litière de cette thèse. Dans ce volume, sous-titré l’Histoire collective de l’Interprétation du rêve, les auteurs, comparant les huit éditions du texte, de 1899 à 1930, montrent «une interactivité permanente entre l’auteur Sigmund Freud et son public de disciples, de critiques, de collègues et de patients». Ainsi est mis un grand bémol à «l’image héroïque de l’auto-analyse» complaisamment véhiculée depuis la biographie d’Ernest Jones, et reprise sans distance par Michel Onfray. Ce seul exemple suffit à mettre en évidence tout à la fois l’approche vieillotte, la bibliographie datée et le manichéisme de l’apôtre de Caen.
Mais notre redresseur de torts ne s’en est pas tenu là, un nouveau cap semble avoir été franchi avec la saison qui s’achève, consacrée aux «réfractaires», George Politzer, Paul Nizan ou encore Albert Camus. Il exhibe face à eux des figures académiques qui concentrent ses foudres. Ainsi, se réfugiant derrière la parole de Politzer, il n’hésite pas à parler de «Bergson comme source du fascisme». Qui, reprenant le discours raciste de Hegel sur l’homme noir, aurait la mauvaise idée de s’effacer derrière l’autorité du philosophe de Iéna. Ne pas dire qu’un philosophe aussi a des opinions, et ne pas leur appliquer la critique qu’elles exigent est un péché contre l’esprit. Et quel est le sens de cette contre-philosophie «de classe» qui cite cette fois l’autorité de Bourdieu pour faire pencher la balance du côté du prolétaire Camus au détriment du bourgeois Sartre ? Et on ne parlera pas du flou systématique sur la chronologie, qui n’est pas sans valeur en histoire, ni de quelques erreurs factuelles comme à propos de Heidegger, qui n’a pas consacré sa thèse de doctorat à Jean Scot Erigène mais bien à Jean Duns Scot, le «docteur subtil».
L’ultime séance hebdomadaire du séminaire est consacrée aux questions de la salle, c’est la goutte qui fait déborder le vase. Rien pour contredire, discuter, relativiser, préciser. Partout et toujours la même révérence envers la parole du maître, c’est ce qui fait dire que la philosophie est trahie. Et avec elle la mission d’une chaîne comme France Culture. Au fil des saisons, l’université populaire de Caen s’est transformée en grand-messe et le philosophe, plus soucieux de bien et de mal que de vérité, a pris les travers fâcheux d’un gourou. Les époques en crise en quête de valeurs plébiscitent le simplisme, c’est regrettable mais guère surprenant. Mais comment accepter que chaque été une antenne publique ouvre à Michel Onfray, sans contrepartie aucune, pareille tribune officielle ? Au nom du public et de l’esprit, de toute évidence, cela ne peut plus se prolonger sans débat.
Dans le quotidien algérien, La Nouvelle République,
– 22 août 2012
par Mohammed Yefsah
L’entreprise néocoloniale de Michel Onfray a démarré sa machine en Algérie. Dans l’entretien qu’il a accordé au quotidien El Watan du 10 août 2012, il récidive par la mauvaise foi, le mensonger et une connaissance approximative de l’Histoire de l’Algérie. Sa haine de Jean Paul Sartre est à la taille de sa fascination pour les puissants. Onfray est libertaire(1) seulement dans sa proclamation. Il est l’expression du moult du néolibéralisme, pour lequel l’émancipation des peuples anciennement colonisés est une défaite à surmonter. La coqueluche des médias force la lecture des œuvres de Albert Camus pour en faire un homme qui ne fut pas pour la colonisation. Onfray fait d’ailleurs dans l’esprit camusien par sa posture d’apparence, ni pour la colonisation ni contre la colonisation.
Outre ses attaques répétées contre Sartre et les intellectuels français qui défendirent l’émancipation du peuple algérien, notamment dans son dernier livre L’ordre libertaire: la vie philosophique d’Albert Camus, Onfray arrive au summum de la bêtise en accusant Édouard Saïd d’une « lecture raciale et raciste » des œuvres de Albert Camus. Attaque-t-il par ricochet la cause palestinienne ? Il n’ y a aucun doute. D’une pierre deux coups. En tout cas, il n’a jamais caché son sionisme. Onfray n’hésite aucunement a défendre le journaliste Éric Zemmour, pourtant condamné par la Justice française pour propos racistes, en lui témoignant respect lors d’une mission télé (Émission On n’est pas couché ce soir, du 17mars 2012, de Laurent Ruquier). Édouard Saïd, universitaire palestino-américain, qui n’a aucune relation avec le pouvoir algérien, a seulement fait analyse de l’œuvre, sans tirer de jugements sur l’homme. Onfray n’a rien à envier aux curés de l’inquisition. Pour lui aucun algérien n’a compris Camus, et les sartriens(2) au bûcher.
Pour Onfray, les intellectuels algériens qui critiquent Camus n’ont pas, à coup sûr et forcement, lu les œuvres du romancier. Ils sont mêmes de « prétendus intellectuels, » qui devraient « se libérer de l’esclavage mental, » à la solde du pouvoir. Si Onfray ne le sait pas, il est temps de lui apprendre que Camus est enseigné en Algérie, que le régime n’a jamais interdit aucun de ses livres et aucune déclaration officielle n’a été prononcée à son encontre. Un nombre incalculable de mémoires, de thèses universitaires et d’études comparatives en littérature lui ont été consacrés, diverses et divergentes de point de vues. Il devrait savoir que parmi les intellectuels qui critiquent Camus, certains sont mêmes opposants au régime algérien. Il oublie que Yasmina Khadra, défenseur de Camus, est un représentant officiel d’une institution algérienne. Il oublie aussi que ses positions peuvent être lues dans les colonnes d’un journal algérien, alors qu’en France aucun des intellectuels algériens attaqués n’est sollicité pour exprimer son opinion.
Onfray s’improvise ensuite historien pour livrer sa lecture du mouvement national. « Depuis le 8 mai 1945 et la répression de Sétif et Guelma, il est même prouvé que les militants de l’indépendance nationale ont souhaité tout s’interdire qui soit du côté de la paix, de la négociation, de la diplomatie, de l’intelligence, de la raison. Je vous rappelle à cet effet que ce sont les Algériens qui ont choisi la voie de la violence et sont à l’origine du plus grand nombre de morts du côté… algérien ! » La conquête coloniale n’est pas en soi, dans son essence même, de la violence. Onfray ne donne pas de preuves. Sa parole est l’évangile. Onfray, ignorant de l’histoire de l’Algérie, s’imagine ce pays comme un havre de paix avant le massacre de mai 1945.
Il ne connaît pas l’existence – il ne veut pas le savoir, lui qui aime tant lire et réfléchir, contrairement aux intellectuels algériens ! – des enfumades (pratique qui consiste a brûler des villages entiers ou des populations qui fuient dans des grottes), les multiples formes de violence, la torture et les massacres avant même mai 1945. Il ne peut comprendre la radicalisation de la lutte de libération nationale. Onfray ignore aussi que le FLN n’a pas cru à la victoire militaire, mais plutôt à une victoire politique, qui nécessite un sacrifice à la mesure de la violence coloniale. Il a fallu attendre plusieurs années pour qu’enfin la France reconnaisse la qualité de belligérant au FLN et négocie avec lui. Le comble des propos mensongers d’Onfray, c’est sa comptabilité macabre qui considère que le FLN a fait plus de victimes côté algérien que la répression coloniale.
« Camus n’a pas à se justifier de choisir ses sujets de romans » dit-il. C’est le seul crédit qui peut être accordé au philosophe du confort. Quoi qu’il recourt au mêmes œuvres pour justifier ses positions. L’absence des indigènes dans l’œuvre de Camus donne une idée de son ignorance de l’univers indigène. Camus est l’écrivain des pieds-noirs, comme le pensent d’ailleurs Kateb Yacine, Mouloud Mammeri et autres écrivains algériens qui l’ont côtoyé et ont lu ses œuvres. Ces dernières donnent un aperçu de ce monde qui adore le soleil, mais déteste croiser l’arabe dans la rue ou sur la plage.
Meursault, personnage de L’Étranger, allongé sur le sable doré d’une plage algéroise, tire cinq balles sur l’arabe qui lui cache le soleil. Dans La Peste, intrigue qui se déroule à Oran, le personnage du médecin préfère parler des rats que des indigènes, périphériques et insignifiants. Il coupe court à la question du journaliste, qui n’insiste pas. C’est certainement de la littérature. Or Michel Onfray, philosophe de son état, peut comprendre l’imaginaire et les symboliques d’une œuvre littéraire, à l’image d’un Nietzsche qui a beaucoup appris d’un Dostoïevski. Il est ridicule de demander à un écrivain la présence d’une thématique ou d’un personnage. Cependant, une absence peut avoir une signification. Les arabes sont absents des œuvres de Camus et lorsqu’ils sont présents fugacement, ils dérangent, agacent, déclenchent la haine. En ce sens, Albert Camus, à l’image des œuvres de tout autre écrivain de talent, peut nous apprendre beaucoup sur l’Algérie coloniale, sur l’état d’esprit d’une époque, à l’exemple des œuvres de Balzac qui offrent une importante connaissance sur la France du XIXe siècle, de Voyage au bout de la nuit de Louis-Ferdinand Céline sur les affres de la guerre, de À la recherche du temps perdu de Marcel Proust sur la décadence de l’aristocratie, de Germinal de Émile Zola sur l’atroce condition ouvrière, etc.
Dans Chroniques algériennes, Camus développe un discours humaniste sur la Kabylie, en demandant l’amélioration de la condition des indigènes. Il estime que la France n’a rien à gagner en opprimant les indigènes. Il veut gagner leurs cœurs. Mais son récit est digne des ethnologues qui ont participé à la mission coloniale. Il évoque l’utilité de l’école, la libération de la femme, la différence entre les arabes et les kabyles et implicitement la mission civilisationnelle que pourrait apporter la France. Il n’est jamais question d’une remise en cause du système colonial.
Albert Camus, qui refusa la violence des deux côtés, quand il fut question de l’Algérie en sachant que les adversaires n’étaient pas à armes égales, comme dans toute situation coloniale, ne fut pas toujours contre les armes. Il fut pour la résistance armée contre le nazisme et s’engagea avec les républicains lors de la guerre civile espagnole. En évoquant donc l’attachement à la paix par Camus, il faudrait aller jusqu’au bout du raisonnement. Sartre eut au moins le mérite d’avoir été constant.
Le voyage en Algérie d’Onfray lui fait rencontrer l’esprit de Camus et le bon Dieu. Athée en France, il semble découvrir les vertus du « christianisme africain. » Syndrome des pionniers lors de la découverte de l’Amérique ! Céline, Balzac, Camus, de grands talents, ont toute leur place dans le champs littéraire algérien ou d’ailleurs. Mais Camus le politique a droit au regard critique et sans concession à la lumière de l’Histoire. Quant à Michel Onfray, qui se veut de gauche en France mais est de droite en Algérie, à l’image de son « capitalisme libertaire, » mariage forcé de conceptions irrémédiablement opposées, il devrait nous expliquer, lui le grand savant, comment le peuple aurait pu se libérer sans la lutte.
Dans le cadre de Marseille-Provence 2013, Capitale européenne de la culture, grandiose événement, l’organisation de l’importante exposition sur Albert Camus, retirée récemment à l’historien Benjamin Stora, est confiée à Michel Onfray et suscite des polémiques. Ce qui donne d’avance une idée de la teneur de cette exposition et de son orientation politique de nature à ne pas déplaire aux nostalgiques de l’Algérie française.
1) Les vrais libertaires ont été les premiers a défendre la révolution algérienne. À lire l’historien Sylvain Pattieu, Les camarades des frères : trotskistes et libertaires dans la guerre d’Algérie (préface de Mohammed Harbi), Ed. Syllepse, 2002.
2) Lire l’article du mensuel Le Monde Diplomatique.
par Ahmed Halfaoui
Revue algérienne : Les Débats – 10 août 2012
Michel Onfray, «un nietzschéen de gauche» pour ceux qui peuvent disséquer ce type de profil, a été interviewé dans El Watan Week-end du 10 août, sur les différentes «lectures de l’œuvre camusienne.»
Le texte aurait pu passer inaperçu, mais il comporte des insultes qui, elles, ne peuvent passer. Onfray commence par mépriser ceux qui s’interrogent sur le traitement fait par Albert Camus aux Algériens et à leur lutte de libération du colonialisme. Il en fait des «sartriens qui n’aiment pas la liberté de pensée de Camus.» Ceci sans rendre justice à Jean-Paul Sartre et aux intellectuels qui ont soutenu le FLN, en n’expliquant pas en quoi cela consiste d’être «sartrien». Et Sartre n’est pas le seul à payer du mépris du «nietzschéen de gauche.» Il y a Édward Saïd qui a droit à une ligne et demie pour résumer son explication contre l’écrivain. L’éminent penseur, selon Onfray, «n’était pas au nom dans cet exercice de mauvaise foi militante au mieux de sa forme intellectuelle.» Là, encore, on ne saura rien de l’«exercice de mauvaise foi» de Saïd. Étonnamment, Kateb Yacine, qui figure pourtant dans les critiques les plus citées de Camus, échappe aux salves assassines du «philosophe».
Après avoir renvoyé à leurs classes Sartre et Saïd, Onfray s’attaque aux «militants de l’Indépendance nationale qui ont souhaité tout s’interdire qui soit du côté de la paix, de la négociation, de la diplomatie, de l’intelligence, de la raison». Sans que son génie ne se donne la peine de montrer en quoi ces militants auraient pu faire autrement et en quoi consistaient «la paix, de la négociation, de la diplomatie, de l’intelligence, de la raison». Surtout que cette conclusion lui permet de nous rappeler «que ce sont les Algériens qui ont choisi la voie de la violence et sont à l’origine du plus grand nombre de morts du côté… algérien !». La répression génocidaire est absoute, bien fait pour vous qui avaient voulu vous libérer ! Ne vous en prenez qu’à vous-mêmes ! C’est cette leçon de choses qui claque dans la phrase, sans vergogne. Nous n’avions pas écouté Camus, quand il écrivait qu’ «À partir du moment où l’opprimé prend les armes au nom de la justice, il met un pas dans le camp de l’injustice.» Rappelons, ici, que l’objectif de l’interview était de démontrer que l’écrivain n’avait jamais dit «oui» à l’ordre colonial.
On en vient, pour finir, à l’objet principal qui est celui de crucifier les pétitionnaires contre la «caravane Camus». Les concernant, il ne sera pas question de les citer, uniquement de les disqualifier. La méthode est alors expéditive. Elle est puisée dans l’arsenal des arguments locaux. Les signataires, après avoir été des «sartriens», sont devenus de «supposés intellectuels», qui «se prétendent intellectuels». Leur texte est «un tissu de mensonges», ils font partie de la «cour des plumitifs du pouvoir» qui vont «au-devant des désirs et des souhaits du pouvoir pour en obtenir des avantages.» Et s’étale toute l’indigence de l’individu qui verse dans l’insulte ou dans ce qu’il croit être une insulte, quand il prouve sa nature de «petit blanc», «nietzschéen» imbu de la «supériorité européenne» et engoncé dans la suffisance qu’on arbore vis-à-vis de ceux qu’on croit être encore des «{indigènes.»}
Dommage pour la chute que le journaliste ne lui ait pas demandé si Sartre était aussi un «plumitif» et au service de quel pouvoir et si, lui-même pensait être un «intellectuel» et non le plumitif de quelque pouvoir, pro-colonial.