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9 février 2010

Monsieur Lanzmann n’est pas le Surmoi de la Shoah Jacques Martin-Berne

Jacques Martin-Berne

Chères Mesdames et Chers Messieurs,

J’admire profondément Monsieur Claude Lanzmann pour son film sur la Shoah. Je l’ai vu deux fois et j’ai lu son livre. Je vais vers 70 ans, sans aucune illusion sur la perversion humaine, les crimes de masse et les génocides: je suis pourtant obligé d’écrire ce qui suit.

Je viens de finir la lecture du roman Jan Karski. Je ne comprends pas pourquoi Monsieur Claude Lanzmann s’est attaqué avec violence à Monsieur Yannick Haenel.J’ai vérifié les repères historiques. Ils sont justes. A Saint-Cyr et à L’école supérieure de guerre nous avions des professeurs civils et colonels agrégés ou docteurs d’université en histoire militaire. Ils ne falsifiaient pas l’Histoire, sinon les généraux directeurs de ces grandes écoles les auraient mis à la porte immédiatement.

Tout ce qu’a raconté René Girard dans « Achever Clausewitz(2007), je l’ai appris à École supérieure de guerre entre 1980 et 1982 et par la lecture des théories de l’emploi des armes nucléaires du général Pierre Gallois(1985). Raoul Girardet, François Thual, Gérard Chaliand et Jean-Christophe Victor, tous  professeurs à l’Ecole Supérieure de guerre (certains aussi à Sciences po et à l’IHEDN) sont nettement plus brillants que Bernard-Henri Lévy  ou André Glucksmann dans le domaine de la violence des hommes, échappant à tout contrôle qui  menace aujourd’hui la planète entière.

Monsieur Lanzmann n’est pas le Surmoi de la Shoah. L’Holocauste ne lui appartient pas. Tous les moyens de transmettre cette mémoire historique sont bons, même la fiction. Il faut sans arrêt relancer la mémoire des générations. Ce qui s’est passé au Cambodge et au Rwanda prouve cette nécessité impérative et incontournable.

En réalité Haenel exprime la douleur de l’indicible cruauté du monde, de la Realpolitik , de la guerre et des génocides. Ce n’est pas Karski qui parle dans le 3e chapitre, c’est l’âme terrorisée de Haenel. Moi aussi  je suis hanté par les camps de la mort et les destructions d’Hiroshima et de Nagasaki. L‚image de la toute petite fille japonaise tressaillant de peur et gravement traumatisée me poursuivra toujours, comme les images des bulldozers américains et soviétiques enterrant les cadavres des Juifs dans des fosses communes. La fillette brûlée par du napalm américain  qui courre sur un pont du Vietnam ne peut pas être oblitérée de la mémoire. Comment ne pas vouloir mourir le plus vite possible quand on a vu le petit garçon Juif levant les mains, un soldat allemand derrière lui tenant une mitraillette ? Je sais que Kafka a raison quant il écrit « comme un chien » à la fin du Procès.

Je comprends le suicide de Stefan Zweig et de son épouse…et d’autres.

Il est certain que le rêve d’Emmanuel Kant « Vers la paix perpétuelle » est une utopie. Mieux vaut lire « Hitler » du professeur  Ian Kershaw et « Droit de la guerre du général A.P.V. Rogers. Je suis expert et professeur en droit des droits de l’homme et droit de la guerre. Je sens que beaucoup de jeunes écrivains vont s’exprimer et défoncer l’Histoire officielle imposée. Le roman de Haenel est un début.

Cordialement.

Jacques Martin-Berne

Saint-cyrien et colonel (ER) honoraire