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29 octobre 2008

Mort des humanités ? psychothérapie, philosophie, histoire, lettres, même combat. William Marx

William Marx

La révolte gronde dans les universités

Que vient faire ici l’offensive ministérielle contre les sciences humaines à l’université, dans le cadre d’une politique qui mine le principe même de la recherche dans ce domaine ? Au centre de gravité de la psychothérapie relationnelle qui s’appuie sur l’avènement du sujet on trouve l’humanisme. Que le commerce des hommes cède la place au commercial, voici qu’on retrouve les mêmes contre les mêmes.

« Triste vision de la science et du savoir« .

Les sciences humaines seraient-elles plus utiles au service du concept de yogourt au lait de chamelle rehaussé par sa cuillère panther qu’à s’efforcer de conceptualiser des systèmes à la Lévy-Straus ou Foucault ?

Tragique confusion des niveaux et des objectifs. L’humanisme est indivisible, et qu’il soit combattu par les comportementalistes en psychologie et psychiatrie, ou par leurs homologues dans le domaine de l’Histoire de la Philosophie ou des Lettres, il s’agit toujours de mettre à bas les humanités.

Culte de l’inculte

Nous sommes par nature opposés au culte de l’inculte et au désastre et déficit d’humanité afférents. Les Humanités restent indispensables au développement et à l’exercice de la psychothérapie relationnelle, nous participons des mêmes valeurs et appartenons à la même famille intellectuelle. Voici pourquoi nous affirmons notre solidarité avec elles.

Philippe Grauer


La  » mastérisation  » des concours d’enseignement menace la recherche

La révolte gronde dans les universités. Les uns après les autres, leurs conseils d’administration votent à l’unanimité des motions de protestation. Lyon-III, Paris-III, Paris-IV, Bordeaux-III, Caen : la liste s’allonge jour après jour. Ce que ni la loi sur l’autonomie ni la réforme du CNRS n’ont réussi à faire, la réforme des concours de recrutement du secondaire l’a finalement obtenu : une résistance généralisée aux diktats du ministère.

Le problème est d’abord celui du calendrier. Depuis plus d’un an, les universités croulent sous les réformes successives à absorber : autonomie, élections internes, plan licence, statuts des personnels, etc. Elles ne cessent de tout défaire et de tout refaire, mois après mois, pour complaire au ministère. Jamais elles n’ont subi autant de dirigisme technocratique que depuis qu’on a voté leur autonomie de façade.

Or, voici que le ministère leur demande, sur un coup de tête, de refaire en urgence la plupart de leurs diplômes de master, à une période où les universitaires sont débordés par les tâches de toute sorte et ne trouvent plus le temps de faire de la recherche, qui relève pourtant de leurs missions fondamentales. Ils en ont assez de marcher comme de petits soldats. Trop, c’est trop. Voilà une première raison du niet.

Certes, tout le monde se félicite que les enseignants du premier et du second degré soient désormais recrutés non plus au niveau de la licence, mais à celui du master. Ils seront, dit-on, mieux payés. Mais seront-ils mieux formés ? Ils le seraient s’ils bénéficiaient effectivement des deux années supplémentaires de formation par la recherche prévues pour un master.

Or tel n’est pas le cas. Le ministère se contente d’exiger des universités qu’elles valident comme master une formation bâtarde, correspondant peu ou prou à ce qui existe déjà, à savoir une année de préparation au concours du capes, suivie de l’année de formation en IUFM. Cela portera le nom de master, mais n’en sera plus un.

Ce sont surtout les disciplines universitaires les plus liées à l’enseignement secondaire qui se sentent menacées : lettres, philosophie, histoire, langues vivantes, etc. Actuellement, un étudiant qui souhaite présenter le capes dans ces disciplines fait souvent le choix de préparer un véritable master, sanctionné par un mémoire de recherche, avant de se présenter au concours. Les actuels professeurs certifiés sont donc pour beaucoup déjà titulaires d’un master, qui garantit la qualité de leur formation.

Dans le nouveau projet, ce ne sera plus possible : la plupart des étudiants choisiront les nouveaux masters d’enseignement, qui les prépareront aux concours, plutôt que les masters de recherche. Résultat : loin d’être mieux formés qu’aujourd’hui, ils le seront plutôt moins bien, puisqu’ils n’auront plus derrière eux cette expérience d’initiation sérieuse à la recherche qui fait tout le prix des masters actuels.

Mais là n’est pas le plus grave. Si toutes les universités se mobilisent, c’est que se profile la fin programmée de la recherche française dans les humanités. Face à la concurrence déloyale des masters d’enseignement, en effet, les masters de recherche n’auront plus qu’à disparaître et, avec eux, tous les séminaires qui les accompagnaient. Il ne sera plus possible de recruter les doctorants parmi ceux qui auront présenté les meilleurs mémoires. Tout le monde fera de la formation pédagogique à l’envi pour mieux préparer aux concours, qui se concentrent sur la simple connaissance du système éducatif, et tout ce à quoi aura abouti la » mastérisation  » des enseignants du secondaire, c’est de secondariser les universités. Dans le meilleur des cas, elles seront devenues de gros IUFM.

Le ministère de l’éducation nationale l’aura alors définitivement emporté sur celui de l’enseignement supérieur et de la recherche : triste vision de la science et du savoir… Si quelqu’un, au ministère, avait juré la mort de la recherche dans les humanités, il n’aurait pas fait mieux. Faut-il s’en étonner, quand on a entendu dernièrement un conseiller du premier ministre proclamer que la mission principale des sciences humaines consiste à former de bons VRP pour l’économie française ?

William Marx

Professeur à l’université d’Orléans, membre de l’Institut universitaire de France